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Title: La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 24

Date of first publication: 1830

Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)

Date first posted: Oct. 3, 2022

Date last updated: Oct. 3, 2022

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La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 15 JUIN 1830. Numéro XXIV.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION.)

Aussitôt après que la capitulation eut été signée de part et d’autre, le général Amherst fit occuper une des portes de la ville par un détachement de ses troupes, sous le colonel Haldimand. Le chevalier de Lévis partit pour Québec, le 16; le gouverneur, l’intendant et leurs suites, quelques jours après.

Le marquis de Montcalm s’était fait estimer et chérir de ses soldats et des Canadiens, surtout de ceux qui avaient combattu sous ses ordres: le chevalier de Lévis, d’une sévérité peu ordinaire et d’un zèle quelquefois outré, dut emporter du moins l’estime des deniers, car il la méritait par son activité, son courage et son habileté. Il n’en fut pas ainsi du marquis de Vaudreuil; il partit chargé de plus de haine et de mépris qu’il n’en aurait dû porter peut-être, si l’on eût voulu être rigoureusement juste à son égard; car malgré son favoritisme et ses liaisons avec des hommes perdus d’honneur et de réputation, on ne peut refuser à ce dernier des gouverneurs français du Canada, un certain degré de prudence et cet empire sur soi-même qui permet à l’homme de choisir le meilleur parti, dans les cas à peu près désespérés. Les Canadiens durent le remercier de n’avoir pas voulu accéder à la proposition que lui fit le chevalier de Lévis de rompre toute négociation avec le général Amherst; proposition peut-être pardonnable à un patriote zélé et à un militaire épris de la gloire des armes, tel qu’était le général français, mais on ne peut plus téméraire dans les conjonctures où se trouvait le Canada: qui peut dire en effet quel eût été le sort des habitans de ce pays et de leur postérité, si Montréal eût été pris d’assaut, ou obligé de se rendre à discrétion? Ils lui doivent encore quelque reconnaissance d’avoir, dans son projet de capitulation, songé à leur assurer tout ce qui pouvait contribuer à leur avantage et à leur bien-être futur: s’il demanda pour les habitans de ce pays plus que le vainqueur ne pouvait convenablement leur accorder, ce n’est pas à eux de s’en plaindre ou de l’en blâmer.

Assez tard dans l’automne, l’Aigle, vaisseau français de 50 canons, ayant pris la voie du détroit de Belleisle, entre la côte de Labrador et l’île de Terre-Neuve, pour entrer dans le St. Laurent, donna sur un écueil, et se brisa. Le Léopard, autre vaisseau de guerre français, de 60 canons, entra dans le St. Laurent, et se rendit jusque devant Québec, où il fut pris et brulé, de peur que la peste, qui régnait à son bord, ne se communicât aux habitans. Un vaisseau de guerre anglais, de 20 canons, fit aussi naufrage, à peu près dans le même temps, à l’entrée du golfe.

Peu de jours après sort entrée à Montréal, le général Amherst fit partir un de ses officiers, le major Rogers, pour aller prendre possession des postes que les Français avaient sur les lacs et au-delà. Arrivé au Détroit, ce fort lui fut remis directement par M. de Bellestre, qui en avait conservé jusqu’alors le commandement; mais la saison se trouvant trop avancée, M. Rogers attendit le printemps suivant, pour aller prendre possession de Michillimakinac et des autres établissemens que les Français avaient formés dans ces quartiers.

Le général Amherst divisa le Canada en trois gouvernemens ou districts, ou plutôt, il adopta la division qu’il trouva établie de cette colonie en trois gouvernemens, savoir, de Québec, de Montréal et des Trois-Rivières. Il mit le général James Murray à la tête du premier, et nomma le général Thomas Gage gouverneur de Montréal, et le colonel Ralph Burton commandant aux Trois-Rivières. En conservant le titre et les pouvoirs de gouverneur ou de capitaine général du pays conquis, M. Amherst laissa aux gouverneurs particuliers que nous venons de nommer, le soin d’établir des cours ou tribunaux pour l’administration de la justice dans leurs districts respectifs.

Le général Murray établit dans son gouvernement un tribunal qu’il appelle indifféremment Conseil militaire, Conseil de guerre, Cour ou Conseil Supérieur.[1] Mais ce conseil n’était guère établi que pour les affaires difficiles ou de grande importance, que le gouverneur jugeait à propos de lui renvoyer; car il jugeait lui-même en première instance et sans appel, en matière civile et criminelle, ou du moins de police correctionnelle. Il tenait audience en son hotel une fois par semaine: c’était à lui que devaient être déférées; par placets ou requêtes, les poursuites ou les plaintes de citoyens: ces placets étaient remis au secrétaire du gouverneur, qui était chargé d’y faire droit, en faisant, lorsqu’il y avait lieu, les démarches nécessaires pour que la cause fût plaidée et le jugement rendu.

Le général Gage divisa son gouvernement en cinq districts ou arrondissemens, dans chacun desquels il établit une Chambre d’audience, autrement appellée Chambre de Justice ou de Milice. Outre ces cinq Chambres, il y avait encore celle de la ville, qui avait le privilège de pouvoir faire venir par-devant elle les particuliers des campagnes. Ces Chambres de Justice ne devaient pas se composer de plus de sept officiers de milice, ni de moins de cinq, dont un au moins devait avoir le rang de capitaine. Elles siégeaient, tous les quinze jours, et décidaient des affaires civiles qui leur étaient déférées, d’après les lois, usages et coutumes du pays, autant que ces lois et coutumes leur étaient connues. La partie qui se croyait lézée par leur décision pouvait en appeller à des Conseils d’officiers de troupes qui siégeaient une fois par mois, à Varennes et à St. Sulpice. On pouvait encore appeller de ces conseils au gouverneur, qui jugeait en dernier ressort et sans appel. Le gouvernement de Montréal fut le seul dans lequel les Canadiens eurent part à l’administration de la justice, du moins comme juges, durant la période de quatre années qu’on a appellée la “règne militaire;” mais dans les deux autres gouvernemens, comme dans celui-ci, les affaires, tant criminelles que civiles, étaient jugées, par devant toutes les cours, d’après les lois, coutumes et usages du Canada, et cela conformément à l’article quarante-deuxième de la capitulation générale, où il est dit que “les Français et les Canadiens continueront à être gouvernés d’après la coutume de Paris, et les lois et usages établis pour ce pays.” Il est presque inutile d’ajouter que les procédés, tant par écrit que de vive-voix, des différentes cours, dans les trois gouvernemens, se faisaient dans la langue des habitans du pays, c’est-à-dire dans la française, excepté dans les affaires où les anciens sujets étaient exclusivement concernés. Les secrétaires des gouverneurs, les procureurs généraux et les greffiers, étaient ordinairement des Suisses français, ou des Canadiens qui n’avaient aucune connaissance de la langue anglaise.[2]

Les négociations pour la paix entre la France et l’Angleterre furent entammées en 1762, peu de temps après l’avénement de George III à la couronne. Le sort du Canada fut le point la plus important de discussion dans les conférences qui eurent lieu entre les plénipotentiaires des deux couronnes. Le général Amherst avait demandé au marquis de Vaudreuil les plans et les cartes relatifs au Canada et à ses dépendances, et suivant le rapport des officiers anglais, le ci-devant gouverneur avait donné à ces dépendances beaucoup plus d’étendue que M. de Bussy, ministre de France à Londres, et sa cour ne voulurent l’admettre. Les négociateurs anglais persistant à exiger que les limites fussent fixées comme ils prétendaient que M. de Vaudreuil les avait désignées, celui-ci écrivit au duc de Choiseul, alors ministre des affaires étrangères, une lettre où il accusait de fausseté tout ce qu’avançaient les ministres anglais sur le sujet; il y déclarait qu’il n’avait fourni aucune carte aux Anglais; mais qu’un officier de cette nation étant venu le trouver avec une carte, il lui avait dit que les limites qui y étaient marquées n’étaient point exactes; et que la Louisiane, qui n’était point comprise sous la dénomination de Canada, dont il s’était toujours servi, s’étendait, d’un côté jusqu’au portage de la rivière des Miamis, qui se trouve à la hauteur des terres dont les rivières se jettent dans l’Ouabache, et de l’autre, jusqu’à la source de la rivière des Illinois. Les Anglais renoncèrent enfin à leur prétention à des limites plus étendues, et se déterminèrent à rendre les îles françaises dont ils s’étaient rendus maîtres durant la guerre, pour acquérir des territoires qui leur parurent de beaucoup plus de valeur, et dont la possession assurait la paix et la tranquillité à leurs anciennes colonies.

Le traité définitif de paix fut signé à Paris, le 10 Février 1768. Par le treizième article de ce traité, la France cède à l’Angleterre le Canada et ses dépendances, telles que les îles du Cap Breton, de St. Jean, et les autres îles et côtes situées dans le golfe et le fleuve St. Laurent, avec tous les droits que le roi Très-Chrétien avait possédés et exercés dans les dits pays. De l’autre côté, sa Majesté Britannique confirme et assure aux habitans du Canada le libre exercice de la religion catholique, et promet en conséquence de donner les ordres les plus efficaces pour que ses nouveaux sujets catholiques puissent professer leur religion suivant les rites de l’église de Rome, autant que le peuvent permettre les lois de la Grande-Bretagne. Sa Majesté Britannique convient de plus que les habitans français ou autres qui ont été sujets du roi de France en Canada, pourront se retirer en toute sureté et liberté, partout où ils le jugeront à propos, et vendre leurs biens, pourvu que ce soit à des sujets anglais, et transporter où bon leur semblera leurs personnes et leurs effets, sans pouvoir être restreints dans leur émigration, dont le terme est fixé à dix-huit mois, à compter du jour de l’échange des ratifications du traité. Il n’y a d’exceptés de cette disposition que les individus arrêtés pour dettes, ou poursuivis pour crimes ou délits.

Ainsi passa de la domination de la France à celle de l’Angleterre, une colonie de plus d’un siècle et demi d’existence, et une région plus vaste que l’Europe entière, et cela par la faute des administrateurs de la métropole et de leurs employés dans la colonie. La France s’était engagée dans des guerres folles et ruineuses, et, dit un de nos écrivains, “les dépenses qu’entrainaient le faste de la cour de Louis XV, et celui de ses maîtresses, absorbaient des sommes beaucoup plus considérables que celles qui auraient été nécessaires à la défense du Canada. Les administrateurs de cette colonie, dont rien ne pouvait coutre balancer l’autorité, nageaient dans le luxe et faisaient en même temps des fortunes prodigieuses. Celles des plus petits commis dans les bureaux du gouvernement préposés à l’approvisionnement et aux fournitures des troupes, et autres objets de cette espèce, étaient un scandale pour les habitans du pays, et surtout pour ses défenseurs, réduits à manger de la chair de cheval. On avait épuisé la campagne de bestiaux: on les enlevait aux cultivateurs; on les payait au taux d’un maximum fixé d’une manière aussi arbitraire que se faisait tout le reste; à peu près comme on l’avait épuisé d’hommes, avec la plus aveugle imprévoyance, au lieu de travailler à leur multiplication, en encourageant l’industrie, l’agriculture et le commerce.”


On sera peut-être curieux de connaître les individus qui composèrent d’abord le Conseil Militaire de Québec: ce sont le major Augustin Prévost (père de Sir George Prévost), et les capitaines Hector Théophile Cramahé, Jacques Bazbult, Richard Baillie, Hugh Cameron, Edward Malone, James Brown. Les noms de baptême des trois derniers sont francisés dans la proclamation ou ordonnance du général Murray.

Au reste, ceux qui désireraient de plus long détails sur le sujet, ou les preuves de ce que nous avançons ici, pourront consulter les morceaux intitulés “Matériaux pour l’Histoire du Canada,” dans les Nos. 2, 3, 4, 5 et 6, tome IV, et les Nos. 1 et 2 tome V, de la Bib. Canadienne.

MŒURS ET USAGES DES ANCIENS MÉXICAINS.

Les Méxicains étaient beaucoup plus civilisés que les autres peuples de l’Amérique, si l’on en excepte les Péruviens. Leur vaste pays était sous la domination d’un empereur, qui envoyait dans les provinces des gouverneurs on caciques, exercer l’autorité en son nom. Ils avaient des prêtres, un culte régulier, de grandes villes, et des arts qui excitèrent l’admiration des Européens eux-mêmes.

Il y avait dans tout le Méxique, depuis les provinces les plus éloignées jusqu’à la capitale, à des distances réglées, des coureurs biens exercés, par le moyen desquels l’empereur était informé, en peu de temps, de tout ce qui se passait dans toute l’étendue de ses vastes états.

Les Méxicains avaient des espèces de livres faits de parchemin, ou de peau enduite de gomme, et pliées en forme de feuillets. Toutes sortes de figures et de traits significatifs tenaient lieu de lettres.

Ils avaient des peintres qui dessinaient les objets d’après nature, sur des toiles blanches de coton. Ils avaient encore l’art de représenter des formes d’animaux, d’arbres et d’autres objets, avec des plumes de différentes couleurs, disposées avec tant d’industrie, qu’on aurait cru voir des tableaux.

Les seigneurs méxicains étaient vêtus d’un manteau de toile de coton, et suspendaient des pierres précieuses à leur nez et à leurs oreilles: leur tête était ornée de panaches. Le roi portait une couronne d’or faite presque comme une mitre d’évêque: sa chaussure était de plaques d’or massif, attachées avec des courroies et des boucles de même métal. Les Méxicains en général portaient une ceinture de coton, ou d’une autre étoffe faite de plumes: ce petit vêtement leur descendait seulement jusqu’aux genoux. Leur tête était entourrée de plumes.

Lorsque les Mexicains envoyaient des ambassadeurs de paix, ceux-ci étaient vêtus de blanc et portaient sur la tête des plumes blanches. Quand ils voulaient donner à quelqu’un des marques d’un profond respect, ils avaient coutume de toucher la terre avec la main, puis de porter cette main à la bouche.

Les sacrifices humaines faisaient la principale partie des usages religieux du Méxique. Les Méxicains n’épargnaient leurs ennemis, à la guerre, que pour les faire périr ensuite d’une manière plus cruelle, par le couteau de leurs prêtres. Le nombre de ces malheureuses victimes, égorgées le même jour, se montait souvent à quelques milliers. Il y a même des écrivains qui le portent jusqu’à vingt-cinq mille; ce qui est sans doute une exagération. La nation avait-elle eu la paix pendant quelque temps, et par conséquent manquait-elle de prisonniers à égorger, les prêtres représentaient à l’empereur que leurs dieux avaient faim. Aussitôt, sur un ordre impérial, on annonçait dans tout le pays, que les dieux avaient envie de faire un repas; et ce mot était le signal de la guerre générale contre tous les peuples voisins. Dès qu’on avait amené un nombre suffisant de prisonniers, les prêtres sanguinaires procédaient à la fête abominable de la manière suivante:

Les malheureuses victimes étaient amenées dans le parvis du temple. Bientôt après, paraissait un sacrificateur en robe blanche, tenant au bras une petite figure d’idole, faite de farine et de miel, à qui, pour la rendre plus effroyable, on avait fait les yeux verts et les dents jaunes. Il montait aussitôt sur une pierre exhaussée, et s’élevait par-dessus le mur. De là il montrait à chacun des prisonniers cette figure monstrueuse, et lui disait: “Voilà ton dieu.” Alors il descendait, se mettre à la tête des prisonniers, et marchait avec eux, vers le lieu où les autres sacrificateurs les attendaient. Celui qui avait la direction de ces odieux sacrifices, et qui portait le titre d’honneur de topilzin, était revêtu d’une longue robe, bordée de guenilles couleur de sang, ayant sur la tête une couronne de plumes vertes et jaunes, les oreilles et la lèvre inférieure garnies d’anneaux d’or montés en pierres vertes, le visage noir comme du jais; et dans sa main il tenait un couteau de caillou large et pointu. Cinq autres se tenaient à ses côtés dans leurs ornemens sacerdotaux et chacun d’eux faisait, dans cette exécution, la fonction qui lui était assignée. On égorgeait les victimes sur une grande pierre.

Alors les prisonniers s’avançaient les uns après les autres: on se saisissait du premier et on l’étendait sur la pierre. Deux des sacrificateurs lui tenaient les mains; deux autres les pieds; le cinquième, le cou, au moyen d’un collier qu’on lui avait passé auparavant; et le sixième, appuyant la main gauche sur la poitrine, de la droite, lui ouvrait le corps du haut en bas, arrachait son cœur encore palpitant et le tenait tourné vers le soleil, pour lui offrir les vapeurs qui s’en exhalaient.

Le topilzin se tournait ensuite vers l’idole, et lui frottait la face avec le cœur de la victime, en murmurant quelques paroles mystérieuses. Pendant ce temps, les autres prêtres prenaient le cadavre, et le jettaient en bas de l’escalier où se trouvaient ceux qui avalent amené le prisonnier, et à qui il appartenait. Ils s’en saisissaient, le portaient chez eux, et le mangeaient avec leurs amis.

Les Mexicains, dans un certain temps, célébraient une fête qu’ils appellaient, dans leur langue, d’un nom qu’on peut rendre en français par celui d’écorcherie d’hommes. Voici en quoi cette fête consistait: Les prêtres écorchaient les prisonniers destinés à être sacrifiés, et couvraient de leur peau, comme d’un manteau, les valets du temple. Ceux-ci couraient cà et là par la ville, chantant et dansant devant toutes les maisons; et il fallait que chacun leur donnât quelque chose pour les prêtres. Si quelqu’un voulait s’en dispenser, ils le frappaient au visage d’un pan de la peau, jusqu’à qu’il fût tout barbouillé de sang. Cette extorsion publique durait jusqu’à ce que la peau commençat à se corrompre. (Beautés de l’Histoire d’Amérique.)

HISTOIRE NATURELLE.

Quoiqu’on ne puisse décider positivement si la matière est divisible à l’infini, les arts présentent cependant, dans la ductibilité des métaux, une idée de sa grande divisibilité. C’est peut-être le secours de l’art qui manque à l’homme. Aussi, pour démontrer ce que la grossièreté de ses instrumens ne permet pas d’exécuter, nous observerons ce que la nature fait faire tous les jours aux plus petits insectes.

Tout le monde connaît ce ver merveilleux qui produit la soie: il a, sous sa bouche, deux filières par lesquelles il moule ce fil précieux. Des naturalistes en ont trouvé sur une de ses coques, 930 pieds, qui ne pesaient, pas deux grains et demi. Ce fil, qui échappe presque à la vue, est cependant double, et collé dans toute sa longueur; ce qui revient par conséquent à près de 2000 pieds.

Il en est de même de l’araignée: cet insecte, qui ne se montre que pour périr, est celui qui peut le mieux nous apprendre jusqu’où la nature sait allonger une liqueur. La soie dont elle enveloppe ses œufs, étant plus cassante que celle du ver à soie, ne peut devenir fléxible, qu’après avoir été extrêmement divisée; aussi est-elle divisible à un point étonnant. Suivant la découverte de M. de Réaumur, qui a fait l’anatomie de cet insecte, il a près de l’anus six ouvertures, dont chacune, plus fine qu’une tête d’épingle, donne passage à mille fils, et ces fils sont à l’égard d’un cheveu, moins gros que n’est le trait-doré par rapport au cylindre dont il a été tiré. Cette, merveille se voit dans une grosse araignée qui fait ses œufs. Que serait-ce des petites, qui en sortent sept à huit cents à la fois? A peine sont-elles nées, et déjà elles filent des toiles; déjà elles fournissent autant de fils que leurs mères. On peut juger de la ténuité de ces fils et de leurs filières, par la proportion qui se trouve entre le corps de la grande araignée et celui de sept à huit cent qui en sont sorties. Si l’on en faisait le calcul, même en mettant au plus bas pied, dit l’ingénieux historien de l’académie, on tomberait dans des abîmes de petitesse, et l’on aurait tort de penser que ce fussent encore là les deniers. Ces petits êtres sont colossaux, si on les compare à mille autres, que la faiblesse de nos yeux nous dérobe.

Placés entre deux infinis, l’un de grandeur, l’autre de petitesse, il s’en faut de beaucoup que nous appercevions tout ce qui habite sur la terre. Nous voyons depuis l’éléphant jusqu’au ciron, que nous sommes éloignés de croire qu’au ciron commence un peuple d’animalcules, dont il est l’éléphant; qu’une goutte d’eau, grosse comme une graine de mille, en offre jusqu’à 45000; qu’un grain de sable, presque invisible, en peut contenir 294,000,000, très vifs, très variés. Telles sont cependant les merveilles que le microscope a découvertes à plusieurs physiciens célèbres; à Lavenœck, à Kell, à Malésieu, à Joblot, &c., et qu’il peut découvrir tous les jours dans les infusions des végétaux, et jusque dans une goutte de cette écume qui flotte sur les étangs. Mais nous ne sommes point au terme; dès que nous admettons l’existence de ce petit peuple, nous ne pouvons refuser de reconnaître des parties encore plus petites; et c’est même l’ordre et le nombre de ces parties qui mettent ces espèces d’atomes au rang des animaux: ils ont des muscles, des nerfs, des veines, du sang; dans ce sang, des esprits, des humeurs, dans ces humeurs, des gouttes, des vapeurs, composées elles-mêmes de mille autres corpuscules, insensibles, à la vérité, mais étendus, et par conséquent susceptibles de division. Que dire de la peau qui les couvre? hérissée de poil ou de soie, peinte souvent de couleurs différentes, elle porte quelquefois des créatures encore plus petites, qui en soutiennent une multitude, à leur tour. Allons plus loin, s’il est possible: ces animaux ont des petits; ceux-ci en renferment encore d’autres aussi bien organisés que les premiers; ainsi de suite, sans qu’on puisse, dit Fénélon, s’arrêter dans cette composition infinie d’un tout si infini.

Le microscope, en nous découvrant un nouveau monde, que les anciens n’auraient jamais soupçonné, fait sentir toute la force de ce mot de Pascal, sur l’imagination: elle se lassera plutôt de concevoir, que la nature de lui fournir.

PHENOMENES NATURELS ET ARTIFICIELS.

Plusieurs plantes fournissent une poussière qui présente des phénomènes fort singuliers; en la jettant sur la flamme d’une chandelle, lorsqu’elle est bien sèche, elle prend feu sur-le-champ. Il n’y a point de plante dont la poussière soit plus inflammable que celle du lycopodium: ou pourrait s’en servir pour imiter les éclairs dans les feux d’artifice; elle est en usage à l’opéra; elle a l’avantage de donner un feu très brillant, et qui ne produit aucune fumée: on s’en s’ert dans le ballet des Furies, pour procurer aux flambeaux une plus grande quantité de flamme, en un instant et à volonté. On la renferme dans une espèce de globe, percé de petits trous à sa partie supérieure, et entourré d’éponges imbibées d’esprit de vin, auquel on met le feu. Lorsqu’on voit une flamme plus abondante, le danseur secoue son flambeau: cette poussière s’élance à travers la flamme de l’esprit de vin, s’embrase, et répand un feu considérable. Une autre propriété de cette poussière, c’est de ne contracter aucune liaison avec l’eau: en sorte que si, après en avoir frotté ses mains, on vient à les tremper dans l’eau, on les retire sans avoir été mouillé.

On trouve des plantes dont les seules émanations sont inflammables. Combien de plantes aromatiques, dont on voit les exhalaisons s’enflammer, lorsqu’on en approche une bougie allumée? La fraxinelle est très propre à cette épreuve. On l’a faite plusieurs fois à Trianon. Ce dut être un spectacle plus singulier et plus surprenant encore, lorsqu’on vit naître une véritable inflammation du mélange de deux liqueurs froides. Voici le procédé dont les chimistes se servent pour produire ce phénomène: on prend trois gros d’huile de térébenthine; on les verse dans un verre; dans un autre, on mêle ensemble un gros de bon esprit de nitre et autant de vitriol concentré; on verse en deux ou trois temps, mais à très peu de distance l’un de l’autre, ce mélange sur l’huile de térébenthine: ces deux liqueurs prennent feu; il en sort une flambe qui s’élance jusqu’à la hauteur de quinze à dix-huit pouces.

C’est sur l’inflammabilité de l’esprit de vin qu’est fondée toute la magie de ces bateleurs, qui brûlent un linge aux yeux du peuple, sans que jamais il se consume. On trempe d’abord le linge dans l’eau; on l’exprime un peu, afin qu’il ne soit qu’humide; ensuite on l’imbibe dans l’esprit de vin: lorsqu’on met le feu, l’esprit de vin brule, et l’eau empêche la flamme d’attaquer le linge.

Peu de temps après la conquête du Canada, un officier instruit employa un stratagême bien simple pour faire rentrer dans le devoir des sauvages révoltés. Après les avoir rassemblés; “Savez-vous, leur dit-il, quel maître vous ôsez braver, et quel est mon pouvoir? Vous allez en voir les effets: qu’on m’apporte un sceau d’eau.” Ses gens, qui avaient le mot, lui présentent un sceau rempli d’esprit de vin. Il y met le feu; les sauvages étonnés tombent à ses pieds. “Perfides, ajouta-t-il, c’est ainsi que je brulerai votre grande rivière (de St. Laurent), si vous avez seulement la pensée de vous écarter de l’obéissance qui m’est dûe.”

Entre tous les tours de passe-passe, les jeux et les spectacles que présentent au peuple les charlatans et les saltinbanques, il leur est ordinaire de faire voir une aiguille aimanté, cachée dans un morceau de liège, et nageant dans un bassin rempli d’eau. Là, sans être touchée de personne, elle se remue au gré des aimans qu’ils tiennent cachés dans leurs mains, et qu’ils promènent autour du bassin. Voici la même chose exécutée plus ingénieusement. On a vu dans le cabinet du marquis de Servières, savant mécanicien, une pendule, au centre de laquelle était un bassin rempli d’eau. Une tortue factice, posée, dans ce bassin, allait indiquer l’heure qu’il était; ce qui se faisait par le moyen d’une mécanique fort bien imaginée, à laquelle était adapté un aimant.

Saint-Augustin rapporte qu’étant chez un évêque, nommé Sévère, il lui vit prendre une pierre d’aimant, et la tenir sous une assiète d’argent, dans laquelle il y avait un morceau de fer, qui suivait exactement tous les monumens de la main qui retenait cet aimant.

Avant que les puits artésiens fassent connus, les habitans du bourg de Thairi, en Savoie, voulant se procurer de l’eau, creusèrent, en 1825, un puits dans cette commune; ils ne purent parvenir à y trouver une source assez abondante pour remplir tous leurs besoins; mais, à défaut d’eau, ce puits, par une singularité bien remarquable, offre toutes les variations de l’atmosphère, et remplace presque le baromètre pour les indications du temps. Si la grêle ou la neige menacent le territoire de Thairi, un vent impétueux sort du puits avec le fracas d’un torrent qui entraîne dans son cours des pierres et des rochers, et ce vent dure d’autant plus que la neige ou la grêle doivent tomber long-tems et en abondance. Quant ce vent cesse après avoir soufflé légèrement, le vent du sud est près de se faire sentir. Lorsque le veut sort du puits subitement, d’un seul trait et avec violence, une bourrasque ou un ouragan est imminent. Lorsque le temps est beau et que le vent de nord domine, le puits est tranquille, et l’air y est dans une espèce de stagnation. Plusieurs naturalistes, attirés par ces effets merveilleux, ont cherché à en expliquer la cause; les corps académiques, ou les savans de Turin, Chambéri et Grenoble, sont venus constater les faits, et ont établi, par des expériences successives, la propriété incontestable qui vient d’être signalée.

RECREATIONS MATHEMATIQUES.

Le Piquet a Cheval. Le nombre 11, qui étant multiplié par les termes de la progression, arithmétique, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9, donne toujours pour produit deux figures semblables, est le principe qui sert à cette récréation. Exemple:

111111111111111111
123456789
------------------
112233445566778899

Deux cavaliers qui voyagent ensemble, ennuyés du chemin qui leur reste à faire, imaginent un jeu qui puisse leur faire passer le temps plus agréablement: ils conviennent de jouer un cent de piquet, à condition que celui qui sera arrivé le premier au nombre cent, aura gagné, et sous la condition expresse qu’en comptant l’un après l’autre, on pourra ajouter le nombre qu’on voudra, pourvu cependant qu’il soit moindre que onze. Afin que le premier qui nomme le nombre puisse arriver à cent, et que son adversaire n’y puisse pas parvenir, il doit se souvenir des nombres 11, 22, 33, &c., de l’exemple, et compter de façon qu’il se trouve toujours d’une unité au-dessus de ces nombres, ayant attention de nommer d’abord 1, afin que son adversaire, qui ne peut y ajouter un nombre au-dessus de 10, ne puisse pas arriver au nombre 12, qu’il prendra alors lui-même, et conséquemment ensuite les nombres 23, 34, 45, 56, 67, 78 et 89, auquel étant arrivé, quelque nombre que choisisse son adversaire, il ne peut l’empêcher de parvenir, le coup suivant, au nombre 100.

On observe ici que, si celui contre lequel on joue ne connaît pas l’artifice de ce coup, le premier peut, pour mieux déguiser cet amusement, prendre indistinctement toutes sortes de nombres dans les premiers coups, pourvu que, vers la fin de la partie, il s’empare des deux ou trois derniers nombres qu’il faut pour gagner.

Au reste, cette récréation ne se fait agréablement qu’avec ceux qui ne connaissent pas ce calcul, attendu que celui qui nomme le premier a toujours gagné.

L’Addition prévue. Un maître d’arithmétique, voulant divertir ses élèves, leur donne une somme, en les prévenant quel est le total de six rangées de quatre chiffres chacune, dont ils poseront trois à leur volonté. Il multiplie secrètement 9999 par 3, ce qui produit 29997, qu’il fait voir à ses élèves, en leur disant de former à leur gré trois rangées de quatre chiffres chacune.

{1478
Chiffres choisis par les élèves:5462
7825
  
{8521
Chiffres ajoutés parle maître:4537
2174
-----
Total29997

Il est aisé de voir que les chiffres ajoutés par le maître n’étant que les complémens de 9, eu égard à ceux choisis par les élèves, le montant de cette addition doit être le même que celui de 9999 multiplié par 3.

N. B. Si l’on veut résoudre cette récréation avec livres, sols et deniers, il faut alors poser les complémens des deniers à 12, et ceux des sols à 26, et ajouter par conséquent à l’addition faite d’avance 3 livres pour les sols, et 3 sols pour les deniers.

ANIMAUX FOSSILES.

De tout temps on a trouvé des ossemens d’éléphans fossiles; mais ces ossemens jusqu’ici avaient presque toujours été méconnus, et c’est à leurs découvertes qu’on doit les histoires fabuleuses de la mise à nu des cadavres d’anciens géans. On ferait un volume entier des histoires d’ossemens fossiles de grands quadrupèdes que l’ignorance ou la fraude ont fait passer pour des débris de géans humains. La plus célèbre de toutes est celle du squelette que, sous Louis XIII, on a voulu faire passer pour celui de Teutabochus, roi des Cimbres, celui qui combattit contre Marius. Voici ce qui donna lieu à ce conte:

Le 11 janvier 1613, on trouva dans une sablonnière, près du château de Chaumon, des ossemens dont plusieurs furent brisés par les ouvriers: un chirurgien de Beaurepaire, nommé Mazurier, averti de cette découverte s’empara des os, et songea à en faire son profit; il publia les avoir trouvés dans un sépulchre long de trente pieds, sur lequel était écrit Teutabochus rex; il prétendait avoir trouvé en même temps une cinquantaine de médailles à l’effigie de Marius. Il inséra tous ces contes dans une brochure au moyen de laquelle la curiosité du public étant excitée, il parvint à montrer pour de l’argent tant à Paris que dans d’autres villes, les os du prétendu géant. Gassendi cite un jésuite de Tournon comme l’auteur de la brochure, et montre que les prétendues médailles antiques étaient controuvées; quant aux os, c’étaient des os d’éléphant.

Au dix-huitième siècle, le progrès des sciences naturelles ne permettant plus des méprises aussi grossières, on reconnut les ossemens d’éléphant pour ce qu’ils étaient; mais on se persuada qu’ils avaient été ensevelis sous le sol dans le temps des Romains. Mais le nombre prodigieux qu’on en a trouvé dans le Val d’Arno et ailleurs réfute parfaitement l’opinion de ceux qui prétendent qu’ils ne sont que des traces du passage de l’armée d’Annibal par les Gaules en Italie. Il serait ridicule de vouloir expliquer par une cause unique un phénomène aussi général que l’existence de ces ossemens. On en trouve en effet dans toute l’Europe, en Angleterre, en Allemagne, où ils ont été plus fréquemment et mieux observés que partout ailleurs, quoique les Romains n’aient jamais pu en conduire dans le nord de cette contrée. On en a découvert beaucoup dans les partie les plus septentrionales de l’Irlande, dans la Scandinavie, en Norvège, et jusque dans l’Islande. On en rencontre aussi dans la Pologne, et dans la Russie. Les habitans de la Sibérie sont si habitués à rencontrer sous terre de ces monstrueux débris, qu’ils croient qu’il existe dans leur pays un animal de la grosseur de l’éléphant, et portant comme lui des défenses, mais vivant à la manière des taupes sans pouvoir jamais supporter impunément la lumière du jour. Ils le désignent sous le nom de mammouth.

Le capitaine russe Kotzebue a trouvé des ossemens fossiles d’éléphant sur la côte d’Amérique, au-delà du cercle polaire: ils y sont si communs, que les matelots de son expédition en brulèrent plusieurs monceaux à leurs feux. M. Adalbert de Chamisso, naturaliste, qui accompagnait M. Kotzebue, a apporté en Europe une défense longue de 4 pieds, sur 5 pouces dans son plus grand diamètre, et que M. Cuvier a trouvé ressembler beaucoup à celles qu’on a déterrées près de Paris, en creusant le canal de l’Ourcq.

Un animal aujourd’hui perdu, contemporain de l’éléphant fossile, et qui a dû avoir avec lui la plus grande ressemblance, est celui qu’on a connu longtemps en France sous le nom d’animal de l’Ohio, et auquel M. Cuvier a donné celui de grand mastodonte. Ses ossemens se trouvent, comme ceux de l’éléphant, dans les deux continens, mais beaucoup plus fréquemment dans l’Amérique septentrionale que partout ailleurs.

Le grand mastodonte vivait avec l’éléphant, puisqu’on trouve presque toujours ses ossemens mêlés avec ceux de ce dernier animal. Il avait sa taille et sa forme générale, à quelques légères différences près: son corps, par exemple, devait être plus alongé, et ses membres, au contraire, un peu plus épais: du reste, il avait des défenses comme lui, et très probablement une trompe semblable à la sienne.

Ce fut vers le milien du siècle dernier qu’on eut en France les premières notions sur l’existance des os fossiles de mastodontes. Un officier français naviguant dans l’Ohio pour se rendre dans le Mississipi, trouva, sur les bords d’un marais, un tas d’ossemens qui lui parurent curieux: il en prit une partie pour les présenter à l’examen des naturalistes, et il apporta à Paris un fémur, une extrémité de défense et trois dents machelières, qu’il regardait comme ayant appartenu à un animal inconnu. Le mastodonte est le premier animal qui ait convaincu les naturalistes qu’il pouvait y avoir eu autrefois des espèces détruites aujourd’hui.

Les habitans de l’Amérique septentrionale n’ont pas plus manqué de rattacher aux mastodontes fossiles qu’ils trouvent dans leur pays des idées superstitieuses que les Russes de la Sibérie aux éléphants fossiles du leur. Aussi quelques sauvages disent-ils que ces grands animaux ont existé autrefois avec des hommes d’une taille proportionnée, et que le grand Etre foudroya les uns et les autres. Ceux de Virginie croient qu’une troupe de ces terribles quadrupèdes détruisant les autres animaux créés pour l’usage des Indiens, Dieu les avait foudroyés tous, “excepté le plus gros mâle, qui présentant sa tête aux foudres, les secouait à mesure qu’ils tombaient; mais qui ayant à la fin été blessé par le côté, se mit à fuir vers les grands lacs, où il se tient caché jusqu’à ce jour.”

L’hippopotame fossile se trouve en grande quantité dans le Val d’Arno supérieur, où ses ossemens sont plus nombreux que ceux des rhinocéros, et presque autant que ceux d’éléphants. L’une des espèces d’hippopotames fossiles paraît avoir été à peu près de la grosseur de l’espèce qui vit actuellement en Egypte. En exécutant les travaux nécessaires à la construction du pont d’Iéna, on a trouvé, dans la plaine de Grenelle, une portion de défense d’hippopotame très reconnaissable.

Outre cette espèce, il en a existé une autre qui n’était pas plus grande que notre cochon. Enfin quelques dents fossiles trouvées avec des dents de crocodiles, à vingt pieds, dans un banc calcaire, près de Blaye, indiquent une autre espèce voisine de l’hippopotame, et plus petite que le cochon.

Les rhinocéros ont dû être beaucoup plus nombreux dans l’ancien monde qu’ils ne le sont de nos jours. Nous ne connaissons, en effet, que deux espèces vivantes de ces animaux; mais à l’état fossile, outre deux grandes espèces, de la taille à peu près de celles qui vivent encore aujourd’hui, et qui sont connus depuis longtemps, il en existe très probablement deux petites, dont on ne possède que très peu d’os, et qui n’ont été connues que plus tard.

M. Pallas, célèbre naturaliste, qui voyagea en Sibérie, donna la relation de la découverte d’un rhinocéros entier, trouvé avec sa peau, en Décembre 1771, sur les sords du Wilaji, rivière qui se jette dans la Léna.

En général, les animaux de l’ancien monde paraissent avoir été plus grands que ceux des espèces actuelles qui leur correspondent. C’est ce qu’on a eu occasion de voir sur les ossemens fossiles des paresseux, qu’on a retrouvés depuis peu en Amérique, dans des couches très superficielles.

C’est aussi en Amérique qu’on a rencontré le mégalonyx: il a été déterré dans une caverne, à quelques pouces seulement de la surface du sol. Cet animal devait avoir un volume égal, au moins, à celui des plus grands bœufs de la Suisse ou de la Hongrie. On l’avait pris d’abord pour un carnassier, supérieur de beaucoup pour la taille au lion; mais M. Cuvier a prouvé qu’il ne pouvait avoir appartenu à cette classe.

Un animal fossile de la même famille que le précédent, est le mégathérium, dont on a trouvé le squelette presque entier réuni dans le même lieu. Il devait avoir des dimension presque comparables à celles de l’éléphant.

Une seule phalange trouvée dans les états du grand-duc de Hesse, a révélé à M. Cuvier l’existence d’un pangolin gigantesque, qui a dû avoir au moins huit fois la taille des animaux de même espèce vivants; de sorte qu’il pouvait avoir jusqu’à 24 pieds de longueur.

Le plus célèbre des ruminans fossiles est le cerf à bois gigantesque: il appartient à une espèce bien évidemment perdue. Il paraît plus commun en Irlande que partout ailleurs. Un naturaliste anglais assure que, dans un seul verger d’une acre d’étendue, on en a trouvé par hazard, à sa connaissance, plus de 30 en vingt ans. Une de ces têtes portait des cornes dont chaque perche était longue de plus de 5 pieds anglais, et leurs deux andouillettes extérieures avaient leurs pointes à 10 pieds 10 pouces l’une de l’autre. (Lettres sur les révolutions du globe.)

MAGNETISME ANIMAL.

Nous avons été déjà témoins des expériences curieuses exécutées à Toulouse par M. le comte de B...... Le document qui nous parvient est tout à fait authentique; il raconte un fait qui s’est passé le 15 mars dans le département du Gers, chez M. le juge de paix du canton de Condom, et en présence de personnes dont quelques unes sont de notre connaissance.

Jean...... de Toulouse, âgé de 23 ans, était atteint d’un abcès par congestion, à la partie antérieure et supérieure de la cuisse: les gens de l’art qui donnaient des soins au malade, déclarèrent que la ponction serait pratiquée; mais l’opération exigeait la plus grande prudence et beaucoup de résignation, parce que l’artère crurale traversait la tumeur, développée d’une manière effrayante.

M. le comte de B...... dont la force magnétique est remarquable, proposa de plonger le malade dans l’état magnétique, du produire le somnambulisme d’abord, puis, d’établir l’insensibilité sur la partie du corps où devait être faîte l’opération, afin d’épargner à Jean ...... des angoisses et des souffrances inévitables dans l’état de veille. La proposition fut acceptée. Au bout de deux minutes, le malade fut plongé dans l’état magnétique. Le somnambulisme se présenta presque aussitôt, mais sans lucidité remarquable. Jean répondait à son magnétiseur, qu’il cherchait en vain et qu’il ne pouvait voir son mal ni la cause de ce mal. Dès lors M. le docteur L...... fit, avec la plus grande dextérité, l’opération chirurgicale qui avait été jugée nécessaire. A plusieurs reprises, il plongea le stilet dans l’ouverture faite par le bistouri, afin de donner issue à la matière purulente, lorsque son écoulement était empêché par des flocons albumineux. Le pansement fut fait ensuite. Pendant cette opération, Jean demeura immobile comme une statue; son sommeil magnétique ne fut nullement troublé; et sur la proposition, agréée par MM. les médecins, de rompre l’état magnétique, M. de B...... réveilla spontanément le malade.

M. le docteur R ... s’approcha de lui, et lui demanda s’il voulait se soumettre à l’opération. Il le faut bien, puisque cela est nécessaire, répondit-il. C’est alors que M. R ... lui annonça qu’il était inutile de recommencer, puisqu’elle était faite.—L’étonnement du malade fut à son comble, lorsqu’on lui en fit voir la preuve. Il n’avait rien senti, rien éprouvé, et ne se rappelait absolument que l’action de M. B......, lorsqu’il appuya la paume de sa main sur son front pour l’endormir.—Journal de Toulouse.

EPIGRAMMES, &c.

Un vieux prélat, tout bouffi de son nom,

Frappé se vit d’humeur apoplectique.

Un vieux docteur, homme de grand renom,

Appelé fut dans ce moment critique.

Près du malade il s’assied, prend le pouls:

Eh bien! dit-il, comment vous sentez-vous?

Point ne répond. Notre rusé Boerhaave

Lui dit alors d’un ton un peu plus fort:

Monseigneur...Rien! peste! le cas est grave!

Prince...au plus mal! votre altesse...il est mort!

 

M. LEBRUN.

Près de mourrir, Florimont appela

Un confesseur, et puis lui défila

De ses péchés la kirielle étrange.

Son sermon fait, le prêtre s’en alla.

Florimont dit: “J’aime cet homme-là,

Il m’a parlé de l’enfer comme un ange.”

 

M. LEGOUVÉ.

L’ardente Eglé, coquette douairières

Se croit encore à ses premiers beaux jours,

Et, poursuivant sa galante carrière,

Ne songe à rien qu’aux plaisirs, aux amours,

Et cependant le Temps, sur sa figure,

De son passage a sillonné l’injure:

 

La seule Eglé n’a jamais pu le voir.

Mais voulez-vous la laisser sans refuge,

Sans nul prétexte à son galant espoir?

A son lever, sans bruit, sans subterfuge,

Traduisez-la pardevant son miroir,

Comme un coupable en face de son juge.

 

M. SIMON de Troyes.

  A ses amis Forlis promet tous ses services.

    Comme ils se trompent, ses amis,

    S’ils jugent du cœur de Forlis

  Par ses grands mots, par ses transports factices!

Ils ne savent donc pas que cet ami si sûr

    Est en tout point semblable à l’ombre:

    Qui paraît quand le ciel est pur,

    Et disparaît quand il est sombre.

 

M. GOBET.

    Pourquoi dans le grand Despréaux

  Admire-t-on jusqu’au moindre hémistiche?

C’est que l’on ne croit pas qu’un diamant soit faux

  Quand on le voit au doigt d’un riche.

 

M. GOBET.

ANECDOTES ET BONS-MOTS.

Un gentilhomme se vantait devant un paysan de l’ancienneté de sa noblesse: “Tant pis, monsieur,” lui dit-il; “plus une graine est vieille, plus elle est sujette à s’abâtardir et à dégénérer.”

Le maréchal d’Estrées, âgé de 103 ans, ayant appris la mort de M. le duc de Tremes, qui mourut âgé de 93 ans, dit: “C’était un corps cacochyme et tout usé; j’ai toujours pensé qu’il ne vivrait pas longtemps.”

Un général d’armée, qui avait été battu en Allemagne et en Italie, apperçut un jour, au-dessus de sa porte, un tambour qu’on y avait peint avec cette devise: On me bat des deux côtés.

Un seigneur étant à dîner, causait avec son fermier, qu’il laissait debout, sans l’inviter, et lui demanda quelle nouvelle il y avait? “Notre truie,” dit le fermier, “a fait treize petits et n’a que douze tettes.—Comment fera donc le treizième,” dit le seigneur?—“Il fera comme moi,” dit le paysan, “il regardera manger les autres.”

Un mauvais auteur avait fait un livre intitulé: Délices de l’Esprit: quelqu’un dit: il n’y a qu’un r à mettre en place d’une c, pour lui donner son vrai titre: Délires de l’Esprit.

Un homme accablé par de longs malheurs et par la misère, apprit qu’on avait cherché à lui nuire dans une société. “Je ne suis donc pas,” dit-il, “totalement malheureux, puisque j’ai des ennemis: un misérable n’en a point.”

On disait de l’avant dernier évêque d’Autun, qui était monstrueusement gros, que la nature l’avait conformé ainsi, pour faire voir jusqu’où pouvait s’étendre la peau humaine.

Un joueur, qui venait de gagner 700 louis, ayant été provoqué en duel, dit à son adversaire: “Je ne puis me mesurer avec vous, la partie ne serait pas égale: je viens de gagner 700 louis; je doute que vous en ayiez autant à regretter, si vous veniez à succomber; mais allez trouver celui à qui je les ai gagnés; il se battra comme un diable; car je ne lui ai pas laissé le sou.”

Après sa réception à l’académie, M. de Fontenelle dit en riant: “Il n’y a plus que trente-neuf personnes dans le monde qui aient plus d’esprit que moi. On connaît les deux vers suivants du même auteur.”

Sommes-nous trente-neuf, on est à nos genoux:

Si nous sommes quarante, on se moque de nous.

C’est en parlant de Fontenelle, que Voltaire a fait ce vers heureux, et qui le caractérise si bien:

L’ignorant l’entendit; le savant l’admira.

Des dames très âgées demandaient à un particulier, en se moquant de lui, ce qu’il faisait depuis si longtemps dans une des salles du vieux Louvre: “Vous voyez, mesdames, répondit-il, en les regardant, que j’admire des antiques.”

Un peintre avait représenté un enfant tenant une corbeille de fruits. Quelqu’un, pour vanter le tableau, disait que ces fruits paraissaient si naturels, que les oiseaux venaient les becqueter: “Il faut, dit plaisamment un paysan, que l’enfant soit bien mal représenté; car les oiseaux en auraient peur.”

Un paysan français voyant qu’on augmentait les impôts, après des victoires, sous le règne de Louis XV, dit: “Il est bien étonnant que nous gagnions toujours, et qu’il nous faille toujours mettre au jeu.”

Un curé et une dame galante avaient oui dire que la lune était habitée. Ils le croient, et le télescope en main, tâchent d’en reconnaître les habitans. “Si je ne me trompe, dit d’abord la dame, j’apperçois deux ombres; elles s’inclinent l’une vers l’autre: ce sont sans doute deux amans heureux.—Vous vous trompez, madame, dit le curé; ce sont deux clochers d’une cathédrale.”

Quelqu’un louait un jour Fontenelle de la netteté de ses idées et de la clarté de son style dans ses ouvrages les plus profonds et les plus abstraits; il répondit: “J’ai toujours tâché de m’entendre.”

Le célèbre peintre David voyant le tableau de Psyché par Gerard, tableau où cette figure est trop peu animée, dit: “On lui donnerait un coup de lancette, qu’on n’en tirerait pas une goutte de sang.”

SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE ET HISTORIQUE.

À une assemblée de la classe de Littérature et d’Histoire (de la Société Littéraire et Historique de Québec,) il a été lu un poëme héroïque en français, sur la prise de Missolonghi par les Turcs, en 1827. Ce poëme a été référé à un comité pour décider plus particulièrement de son mérite.

À une assemblée de la même Société, tenue le 6 Mai, le Président (l’honorable J. Sewell,) a informé la Société qu’il avait reçu de M. Duponceau, Président de la Société Philosophique Américaine pour l’avancement des connaissances utiles, tenue à Philadelphie, le premier volume des Transactions de la classe historique et littéraire de ce corps, en retour du premier volume des Transactions de la Société de Québec, qui lui avait été transmis. Ce présent était accompagné d’une lettre polie du président, M. Duponceau, exprimant l’espoir que les relations amicales entre les deux Sociétés seraient de longue durée, et annonçant à l’honorable Juge en chef, qu’il avait été élu membre correspondant de la Société de Philadelphie.—M. Duponceau a été ensuite proposé comme membre honoraire de la Société de Québec, et il sera sans doute élu unanimement à la prochaine assemblée.

RÉGISTRE PROVINCIAL.

Mariés: À Buttevant, en Irlande, le 19 Avril dernier, Mr. John Francis Bouchette, du 68e régiment d’infanterie, fils de l’arpenteur général de cette province, à Dlle Mary Frances, fille unique du major Baines, du 86e régiment;

À Montréal, le 31 Mai dernier, Mr. J. D. Vallée, N. P. à Madame veuve Morin;

À Québec, le 5, E. W. R. Antrobus, écr. Grand-Voyer du district de Québec, à Dlle Catherine Brehaut, fille de feu P. Brehaut, écuyer.


Décédés: À la petite Rivière, près de la Baie Fortune, dans l’île St Jean, le 2 avril, Donald Chiverie, Français, âgé, dit-on de 111 ans;

À Kamouraska, le 5 du courant, Paschal Taché, écr. Seigneur du lieu, âgé de 75 ans.


Commissionnés: William Bell et Geo. O’Kill Stuart, écrs. Avocats et Procureurs;

MM. J. P. Grant, Jean Bouffard et A. B. Deblois, Notaires publics;

Mr. William Masden, Médecin et Chirurgien.

TRANSCRIBER NOTES

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[Fin de La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 24 par Michel Bibaud]