* A Distributed Proofreaders Canada eBook *

This eBook is made available at no cost and with very few restrictions. These restrictions apply only if (1) you make a change in the eBook (other than alteration for different display devices), or (2) you are making commercial use of the eBook. If either of these conditions applies, please contact a https://www.fadedpage.com administrator before proceeding. Thousands more FREE eBooks are available at https://www.fadedpage.com.

This work is in the Canadian public domain, but may be under copyright in some countries. If you live outside Canada, check your country's copyright laws. IF THE BOOK IS UNDER COPYRIGHT IN YOUR COUNTRY, DO NOT DOWNLOAD OR REDISTRIBUTE THIS FILE.

Title: La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 18

Date of first publication: 1830

Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)

Date first posted: Aug. 4, 2022

Date last updated: Aug. 4, 2022

Faded Page eBook #20220807

This eBook was produced by: Marcia Brooks, John Routh & the online Distributed Proofreaders Canada team at https://www.pgdpcanada.net



La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 15 MARS 1830. Numéro XVIII.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION.)

Dans la nuit du 12 au 13 Septembre, les troupes anglaises traversèrent en plusieurs divisions, dans des bateaux plats et des chaloupes, de la Pointe Lévy à la rive du nord, et débarquèrent aussi successivement à l’ance du Foulon, appellée aussi depuis l’ance de Wolfe, sans que les Français s’apperçussent de leurs mouvemens, ou s’y opposassent. Un premier détachement composé de cent cinquante hommes, réussit d’abord avec quelque difficulté, à gravir la côte, après avoir délogé la garde française qui défendait le passage. Ce détachement fut bientôt suivi d’un gros renfort, et enfin de toute l’armée, qui se forma sur les plaines appellées les hauteurs d’Abraham. Elle se trouva en ordre de bataille à la pointe du jour, et s’avança alors pour prendre, une position plus avantageuse, entre la ville et l’ance du Foulon.

Aussitôt que le marquis de Montcalm eût été informé du débarquement des Anglais, qu’il eût été si facile d’empêcher, s’il y avait eu des troupes pour s’y opposer, il se hâta de traverser la rivière St. Charles et la ville, pour venir offrir le combat au général Wolfe, laissant le marquis de Vaudreuil dans le camp de Beauport, avec un gros corps de Canadiens. L’armée française, ou plutôt son général, ne consultant que son ardeur, en cette occasion, résolut de tout tenter, malgré la disproportion des forces, et quoiqu’il ne tînt supérieures, au de combattre le général anglais avec des forces qu’à Montcalm moins du côté du nombre. Il ne fallait pour cela qu’un peu de patience et de temporisation. La garnison de Québec pouvait se renforcer sur le champ, et la jonction de l’armée de Montcalm et du gros corps de troupes que commandait M. de Bougainville à Jacques-Cartier, pouvait s’effectuer dans l’espace de quelques heures: l’armée anglaise se trouvait alors, si elle voulait conserver sa position, entre le feu de la ville et celui de l’armée française; et l’on avait encore le choix de combattre de suite, on d’attendre l’arrivée d’un nouveau renfort du gouvernement de Montréal; en supposant qu’on eût en le soin d’approvisionner Québec pour quelque temps. La précipitation du marquis de Montcalm commença le désastre des Français, et celle de M. de Ramsay le compléta, comme nous le verrons un peu plus bas.

Le marquis de Montcalm ayant été joint par M. de Sennezerques, avec un gros corps de Canadiens, rangea son armée en bataille. Cette armée se composait d’environ deux mille hommes de troupes réglées, de cinq mille miliciens, et de quatre à cinq cents sauvages: celle de Wolfe n’était pas plus nombreuse; mais elle se composait toute de troupes réglées et aguerries. Le combat commença par un feu de tirailleurs que firent les milices canadiennes et les sauvages placés dans des buissons, sur les ailes. Vers les 9 heures, les Français s’avancèrent en assez bon ordre; mais ils commencèrent à tirer de trop loin, et le firent fort irrégulièrement, comme on le devait attendre d’une armée presque toute composée de miliciens; car, selon l’expression de M. de Lévis, “les bataillons même étaient farcis d’un nombre d’habitans qu’on avait incorporés parmi les soldats,” et les meilleurs d’entre ces derniers avaient envoyés à Jacques-Cartier. Le feu des Anglais, au contraire, fut vif et bien dirigé: aussi leurs adversaires ne tardèrent-ils pas à perdre du terrain. Pour comble de mal, le marquis de Montcalm et son second, M. de Sennezerques, furent blessés mortellement, dans ce moment critique; et il ne se trouva personne, il paraît, un état de les remplacer. Le général Wolfe, qui se tenait en avant sur la droite de sa ligne, à l’endroit où l’attaque était la plus vive, fut aussi blessé, d’abord grièvement, et ensuite mortellement, par le feu des tirailleurs canadiens, au moment où les Français commençaient à reculer.[1] Il fut remplacé par le brigadier Monkton, qui, blessé lui-même dangereusement, quelques instans après, fut contraint de céder le commandement à Townsend. Ce dernier sut profiter des avantages déjà obtenus, en faisant avancer à propos les troupes tenues jusqu’alors en réserve. Ce fut vainement que les Français continuèrent à faire des efforts sur leur droite, où se trouvait le plus grand nombre des troupes réglées, pour prendre les Anglais en flanc, selon le plan de Montcalm: ils furent contraints de reculer; et ce mouvement rétrograde entraina la retraite précipitée de l’aile gauche et du centre. Le marquis de Vaudreuil, qui se trouvait, en ce moment, à la porte de la ville, s’efforça de rallier les troupes, mais sans succès. M. de Bougainville, parti de son poste avec neuf cents hommes, selon M. de Lévis, et deux mille, suivant d’autres historiens, n’arriva pas assez tôt sur les dernières de l’armée anglaise, pour faire changer le sort de la journée. Il attaqua un des postes de l’ennemi, mais n’ayant pas réussi à s’en emparer, et apprenant que l’armée de Montcalm avait été défaite, il se retira vers la vieille Lorette, pour y attendre les ordres du marquis de Vaudreuil?

Les restes de l’armée battue traversèrent la ville, et passèrent par le pont de l’autre côté de la rivière St. Charles. La perte en tués et blessés ne fut pas de beaucoup plus considérable du côté des Français que des Anglais; elle fut d’environ cinq cent cinquante dans l’armée de Wolfe, suivant M. Smith, et d’environ six cents dans celle de Montcalm, autant que nous en pouvons juger d’après le détail un peu confus de M. de Lévis; mais le nombre des prisonniers français fut assez considérable. M. de Sannezergues fut recueilli sur le champ de bataille, et porté sur un des vaisseaux de la flotte anglaise, où il mourut le lendemain. Du nombre de ceux qui moururent de leurs blessures fut le colonel de St. Ours, qui, suivant M. Smith, avait dans l’armée le rang et faisait les fonctions de brigadier. Le général Montcalm fut porté dans la ville, après sa blessure, et mourut le lendemain au soir. Son corps fut déposé dans un trou qu’une bombe avait fait dans l’église des ursulines. Ayant appris des médecins qui le pansaient que sa blessure était mortelle, et qu’il ne pourrait pas survivre au lendemain, il s’écria: “J’en rends grâces à la providence; je ne serai pas témoin de la reddition de Québec.”[2]

Les débris de l’armée battue étant rentrés dans le camp de Beauport, on envoya cinquante hommes par bataillon pour renforcer la garnison de Québec. A l’entrée de la nuit, le marquis de Vaudreuil assembla un conseil de guerre, composé des commandans des différents corps, pour décider des mesures à prendre dans les circonstances où l’on se trouvait. Sur la crainte que l’on avait que les Anglais ne marchassent au poste de Jacques-Cartier, et sur l’exposé qu’on allait manquer de vivres, il fut décidé qu’on se retirerait, à l’entrée de la nuit. Afin que l’ennemi ne s’apperçut pas de la retraite; et pour la faire avec moins d’embarras, attendu qu’on manquait de moyens de transport, on laissa le camp tendu, et l’on abandonna le bagage, l’artillerie, les munitions et les vivres.

Ainsi dénuée de tout par la pusillanimité des chefs, l’armée se mit en marche en grand silence, passa par la Jeune et l’Ancienne Lorette, traversa la rivière du Cap Rouge, et arriva en partie, à la Pointe aux Trembles, le 14 à midi. M. de Bougainville, chargé de faire l’arrière-garde, eut ordre de rester, ce même jour, à St. Augustin. Les miliciens du gouvernement de Québec se dispersèrent pour s’en retourner chez-eux; une partie de ceux des autres gouvernemens en faisaient de même, tandis que d’autres pillaient dans les campagnes, sans qu’il fût possible d’arrêter ce désordre.

On arriva le 15, dans le même ordre que la veille, à Jacques-Cartier. M. de Bougainville vint à la Pointe aux Trembles, d’où il écrivit à M. de Vaudreuil, afin de savoir s’il jugeait à propos qu’il y restât pour observer les ennemis.

Le même jour, M. de Lévis, revenu de l’Isle aux Noix à Montréal, reçut une lettre par laquelle le marquis de Vaudreuil lui apprenait la défaite du 13, et le priait de le venir joindre à Jacques-Cartier, pour prendre le commandement de l’armée. Ce général se mit en route le même jour, après avoir donné ses ordres pour la défense des frontières et pour la subsistance des troupes, et arriva à Jacques-Cartier le 17. Il fit part à M. de Vaudreuil des ordres qu’il avait donnés et de ceux qu’il convenait de donner pour empêcher la désertion, qui devenait de jour en jour plus considérable. Il lui représenta que pour arrêter ce désordre, le seul moyen était de marcher en avant; qu’il fallait faire tout au monde et tout hazarder pour empêcher la prise de Québec; et au pis aller, en faire sortir tout le monde, et détruire la ville; de manière que les Anglais n’y pussent passer l’hiver; observant qu’ils n’étaient pas assez forts pour garder la circonvallation de cette place, et pour empêcher les Français d’y communiquer; qu’il fallait se rassembler et se mettre en mesure de menacer les ennemis et de les attaquer; qu’il fallait profiter des bois du Cap Rouge, de Ste. Foy et de St. Michel, pour approcher d’eux; et que s’ils s’avançaient, de leur côté, il les fallait combattre; que s’il arrivait que l’armée française fût battue, elle se retirerait vers le haut de la rivière du Cap Rouge, laissant vers le bas un gros détachement, de manière à favoriser la sortie de la garnison de Québec, après avoir incendié la ville.

Le gouverneur général approuva le plan du chevalier de Lévis, et dépêcha des couriers au commandant de Québec, pour l’informer des mesures qu’on allait prendre. M. de Lévis écrivit aussi au chevalier de Bernest, qui y commandait en second, pour l’exhorter à ranimer le courage et à réchauffer le zèle des troupes. Le manque de vivres fut cause que l’armée ne pût se mettre en marche que le lendemain, 18. Le même jour, le chevalier de la Rochebeaucour entra dans la ville, avec cent chevaux portant des sacs de biscuits, et annonça que l’on était en marche pour secourir la place, à quelque prix que ce fût. L’armée arriva le soir à la Pointe aux Trembles, et le détachement de Bougainville, qui faisait alors l’avant-garde, à la rivière du Cap Rouge. Le 19, l’avant-garde se porta sur la rivière St. Charles, et le corps de l’armée à Lorette. En arrivant sur la rivière St. Charles, M. de Bougainville apprit que, par une précipitation inconcevable, pour ne rien dire de plus, le commandant de Québec avait capitulé, malgré les espérances certaines d’un secours prochain qu’on lui avait données, et avant, dit un historien anglais, qu’il y eût une seule batterie de dressée contre la place. Eh qu’obtenait-on par cette capitulation? des choses qu’on n’est plus dans l’usage de perdre par les événemens de la guerre, telles que l’exercice de sa religion, la conservation de ses biens, la liberté personnelle.

Il est vrai que les habitans de Québec, dont plusieurs avaient déjà cruellement souffert du bombardement de la ville, avaient bien sujet d’appréhender les suites d’un siège; aussi Smith prétend-il que ce furent eux, qui par leurs instances et leurs représentations, forcèrent, en quelque sorte, M. de Ramsay à se tant hâter de capituler. Il est vrai aussi, qu’en retraitant précipitamment jusqu’à Jacques-Cartier, après la bataille du 13, M. de Vaudreuil n’avait pas agi de manière à inspirer beaucoup de courage et de fermeté à la garnison et au commandant de Québec; mais ce commandant ne nous paraît plus justifiable, lorsqu’il se rend après avoir appris que le secours arrive.

Cet événement rendait inexécutable le dessein qu’on avait formé d’attaquer les Anglais, et il fallut rebrousser chemin. M. de Bougainville sauva une partie des effets et des munitions laissés d’abord dans le camp de Beauport, dont les Anglais ne s’étaient pas approchés: le reste fut pillé par les habitans des environs. Le gros de l’armée fut le 21 à la Pointe aux Trembles, et le 24 à Jacques-Cartier, où l’on commença à travailler à la construction d’un fort. L’Europe entière, du Raynal, crut que la prise de Québec finissait la grande querelle de l’Amérique Septentrionale. Personne n’imagina qu’une poignée de Français, qui manquait de tout, à qui la fortune même semblait interdire jusqu’à l’espérance, osassent songer à retarder une destinée inévitable. On les connaissait mal. On perfectionna à la hâte des retranchemens qui avaient été commencés à dix lieues au-dessus de Québec. On y laissa des troupes suffisantes pour arrêter les progrès de la conquête, et l’on alla s’occuper à Montréal des moyens d’en effacer la honte et la disgrâce.


Les forces lai manquant, il s’appuya sur l’épaule d’un lieutenant, qui s’agenouilla pour le soutenir plus aisément. Cet officier voyant les Français plier, s’écria: «Ils fuient (they run):—Qui sont les fuyards, dit Wolfe.—Les Français, «répondit le lieutenant.—Quoi les lâches fuient déjà,» repartit le général anglais: je dois donc mourir content.»

Mr. Smith, qui rapporte ces belles paroles du marquis de Montcalm, ajoute, nous ne savons sur quelle autorité, que M. de Ramsay l’étant venu voir, et lui ayant demandé ses ordres pour la défense de Québec, le général lui dit: «Je ne veux plus ni donner d’ordres, ni me mêler de rien; j’ai à m’occuper d’une affaire plus importante que votre place en ruines, et ce misérable pays.» Avant de mourir, continue le même historien, il fit ce compliment à l’armée anglaise: «Puisque je devais avoir le malheur d’être défait, c’est pour moi une grande consolation d’avoir été battu par un ennemi si brave et si généreux. Si je revenais de cette blessure, je me ferais fort de battre trois fois autant de troupes comme celles que je commandais ce matin, avec un tiers de troupes anglaises.»

Outre que le marquis de Montcalm, non plus que le pays qu’il défendait, n’avaient pas eu jusqu’alors, que nous sachions, à se louer de la générosité des envahisseurs, nous avons pour contredire les paroles et les sentimens que l’historien anglais prête au général français, le témoignage d’un historien de beaucoup plus de poids, qui dit, que le marquis de Montcalm «avait eu le temps, avant d’expirer, de songer au salut des siens, en les encourageant à réparer leur désastre. Si le général Montcalm eût tenu le langage que lui prête Mr. Smith, il se fût rendu moins digne, suivant nous, de la belle épitaphe que lui fit l’académie des belles-lettres, et du monument que le gouvernement français voulait lui ériger dans Québec.»

(A continuer.)

ANIMAUX VENIMEUX DES ILES.

Les îles de la Martinique et de Ste. Lucie paraissent être les seules où l’on trouve des animaux vraiment venimeux. Les plus dangereux sont le serpent et le scorpion. La tarentule et la bête à mille pieds occasionnent bien quelquefois des accidens fâcheux; mais jamais leurs effets ne sont très graves. Il n’en est pas de même de la piqûre du serpent et de celle du scorpion: elles sont ordinairement très dangereuses. Il faut avouer pourtant que tous les rapports qu’on a faits à ce sujet ont été très exagérés. La piqûre de ces animaux, quoique funeste, occasionne rarement la mort, même en n’y faisant aucun remède. Elle est plus souvent mortelle pour les animaux que pour les hommes.

Il est étonnant que l’effroi que dut inspirer dans les premiers temps, la grande quantité de ces animaux, n’ait pas été plus fort que l’avidité qui défricha les colonies. Il faut que l’attrait de la fortune soit bien puissant, puisqu’il n’a pu être balancé par le danger de trouver la mort à chaque instant, dans son lit, dans sa chambre, à la promenade, en s’habillant. Aujourd’hui l’habitude a familiarisé les colons avec ces animaux, et ils ne sont plus pour eux, des voisins effrayants, malgré les exemples terribles qu’ils voient sans cesse de leurs ravages.

On trouve à la Martinique et à Ste. Lucie trois espèces de serpens: il n’y n de venimeux que celui de la troisième espèce, qui est une véritable vipère. Elle a la tête plate et triangulaire, et elle possède comme cette dernière, un rebord très relevé autour de la tête, qui se trouve ainsi convèxe. On en voit de grises, de noirâtres et de jaunes, et quelques unes ont les écailles nuancées par une infinité de couleurs qui frappent agréablement la vue; mais elles sont également dangereuses, et elles ne diffèrent les unes des autres que par leur couleur. On en voit qui ont jusqu’à dix ou douze pouces de circonférence et neuf ou dix pieds de long.

Ces serpens sont principalement à craindre lorsqu’ils sont en amour ou qu’ils ont faim, surtout si on les irrite. Les femelles sont particulièrement à craindre lorsqu’elles sont pleines. Elles portent des œufs aussi gros que ceux d’un pigeon, recouverts d’une membrane assez ferme; elles les font éclore intérieurement dans une espèce de petit sac long et mince. Elles poussent des sifflemens affreux, lorsqu’elles mettent bas, et leurs petits ont, en naissant, environ un pied de long. Ce reptile porte une trentaine d’œufs, et chaque œuf fournit trois petits. On peut juger, d’après cela de la multiplication prodigieuse de ses animaux, si, par un bienfait admirable de la providence, la mère n’en dévorait elle-même la plus grande partie, après les avoir mis bas.

Les serpens font leurs piqûres avec deux crocs recourbés, d’environ un pouce de long, gros à leur racine comme une plume de canard, et se terminant par une pointe aiguë. On voit, dans l’intérieur de ces crocs, un tuyau qui s’ouvre dans leur partie convexe, près de leur pointe. C’est par ce tuyau que les serpens lancent leur venin. La sécrétion du venin doit être très prompte, car le serpent fait quelquefois, en un clin-d’œil, vingt piqûres sur le même animal, toutes aussi dangereuses les unes que les autres.

Cette liqueur resemble, par sa couleur et sa constitution, à de l’huile d’amande douce; elle a une odeur, forte et violente, qui frappe désagréablement l’odorat. C’est cette odeur qui fait reconnaître à presque tous les nègres le voisinage d’un serpent, avant de l’avoir vu. L’exaltation de la liqueur venimeuse du serpent est nécessaire pour qu’elle soit dangereuse: lorsque l’animal est tranquille, la piqûre n’est suivie d’aucun accident fâcheux; et les effets ne sont terribles que lorsqu’il est fortement poussé par la faim, ou qu’on l’a mis, en l’excitant, dans de violents accès de colère.

Il y a deux espèces de scorpion à Ste. Lucie: un noir, qui est fort gros, et un autre beaucoup plus petit, qui est grisâtre. Les piqûres de ce dernier sont sans danger; mais celles de l’autre sont quelquefois assez funestes pour donner la mort en très peu de temps. Ste. Lucie est la seule colonie où cette dernière existe. Il est singulier que sous le même climat, et à une distance de sept lieues, cet insecte, qui est extrêmement vigoureux, périsse en très peu de temps dans une île voisine.

Le scorpion noir ressemble, comme on sait, à une petite écrevisse: lorsqu’il est parvenu à toute sa grosseur, il est gros, à Ste. Lucie, comme de doigt annulaire, et il a environ quatre pouces de long. Son venin est formé par six petites glandes, qu’on voit très distinctement sur la queue, et d’où part un vaisseau sécrétoire qui dépose la liqueur dans le dard pointu qui termine la queue de l’insecte. C’est au moyen de ce dard qu’il fait ses piqûres, qui sont ordinairement très dangereuses; mais qui quelquefois ne produisent aucune espèce d’accident: cela semblerait prouver qu’il faut que le scorpion, ainsi que le serpent, soit irrité pour donner à son venin la violence qu’on y a observée. Il ne faut pas croire à cette fable, répandue par beaucoup d’auteurs, que le scorpion, lorsqu’il est au centre du feu, se pique lui-même pour se donner la mort; cet effet ne pourrait pas d’ailleurs avoir lieu, parce que le dard de cet insecte est hors d’état de percer l’écaillé dont l’animal est recouvert. Il faut aussi douter des prétendus combats que lui livre, dit-on, l’araignée, lorsqu’ils se rencontrent. Un naturaliste, M. Cassan, mit, un jour, sous un récipient, un très gros, scorpion, un hanneton, et une grosse araignée, qui est une espèce de tarentule. Le hanneton fut dévoré le troisième jour par l’araignée; mais le scorpion et elle se respectèrent toujours; et ils moururent à la fin l’un et l’autre d’inanition. (Beautés de l’Histoire d’Amérique.)

L’AMÉRIQUE PRIMITIVE.

Les premiers Européens qui allèrent former des colonies en Amérique, y trouvèrent d’immenses forêts. Les gros arbres que la terre y avait poussés jusqu’aux nues, y étaient embarrassés de plantes rampantes, qui en interdisaient l’approche. Des bêtes féroces rendaient ces bois encore plus inaccessibles. On n’y rencontrait que quelques sauvages hérissés du poil et de la dépouille de ces monstres. Les humains épars se fuyaient, ou ne se cherchaient que pour se détruire. La terre y semblait inutile à l’homme, et s’occuper moins à le nourrir qu’à se peupler d’animaux plus dociles aux lois de la nature. Elle produisait tout à son gré sans aide et sans maître; elle entassait toutes ses productions avec une profusion indépendante, ne voulant être belle et feconde que pour elle-même, non pour l’agrément et la commodité d’une seule espèce d’êtres. Les fleuves, tantôt coulaient librement au milieu des forêts, tantôt dormaient et s’étendaient tranquillement au sein de vastes marais, d’où se répandant par diverses issues, ils enchainaient, ils enfermaient des îles dans une multitude de bras. Le printemps renaissait des débris de l’automne. Les feuilles séchées et pourries au pied des arbres, leur redonnaient une nouvelle sève, qui repoussait des fleurs. Des troncs creusés par le temps servaient de retraites à d’innombrables oiseaux. La mer bondissant sur les côtes et dans les golfes qu’elle se plaisait à ronger, à créneler, y vomissait par bandes îles monstres amphibies, d’énormes cétacées, des tortues et des crabes, qui venaient se jouer sur des rives désertes, et s’y livrer aux plaisirs de la liberté et de l’amour. C’est là que la nature exerçait sa force créatrice, en reproduisant sans cesse ces grandes espèces qu’elle couve dans les abîmes de l’océan. La mer et la terre étaient libres.

Tout-à-coup l’homme y parut, et l’Amérique Septentrionale changea de face. Il y porta la règle et la faulx de la symétrie, avec les instrumens de tous les arts. Aussitôt des bois impraticables s’ouvrent, et reçoivent dans de larges clairières des habitations commodes. Les animaux destructeurs cèdent la place à des troupeaux domestiques, et les ronces arides, aux moissons abondantes. Les eaux abandonnent une partie de leur domaine, et s’écoulent dans le sein de la terre ou de la mer, par des canaux profonds. Les côtes se remplissent de cités, les anses de vaisseaux; et le Nouveau-Monde subit le joug de l’homme, à l’exemple de l’ancien.

(Raynal)

LE SIFFLET.

Lorsque j’étais à l’âge de sept ans, dit Franklin, mes amis, un jour de fête, remplirent mon gousset de monnaie de cuivre. Je m’en allai droit à une échoppe où l’on vendait des joujoux pour les enfans; et comme j’étais charmé du son d’un sifflet que je venais de voir entre les mains d’un autre enfant, j’offris et je donnai tout mon argent pour en avoir un.

“Je m’en retournai alors à la maison, enchanté de mon sifflet, et sifflet continuellement, mais troublant toute ma famille. Mes frères, mes sœurs, mes cousins, apprenant ce que me coûtait mon sifflet, me dirent que je l’avais payé quatre fois plus qu’il ne valait. Cela me fit songer aux bonnes choses dont j’aurais pu faire emplette avec l’argent que j’avais donné de trop. On se moqua tant de ma sottise, que je me mis à pleurer de toute ma force; et la réflexion me causa bien plus de chagrin que mon sifflet ne m’avait fait de plaisir.

“Cependant cela ne laissa pas de m’être avantageux dans la suite. Je conservai le souvenir de mon sot marché, et toutes les fois que j’étais tenté d’acheter des choses inutiles, je me disais à moi-même: ‘Ne paie pas trop cher le sifflet, et j’épergnais mon argent.’

“Je grandis, j’entrai dans le monde, j’observai les actions des hommes, et je crus en rencontrer plusieurs, oui plusieurs qui payaient trop cher le sifflet.

“Quand j’ai vu quelqu’un qui, trop ardent, à rechercher les faveurs de la cour, employait son temps à assister au lever du roi, sacrifiant son repos, sa liberté, sa verte, et peut-être même ses amis à s’avancer dans cette carrière, je me suis dit: Cet homme paie trop cher son sifflet.

“Quand j’ai vu un autre ambitieux, jaloux d’acquérir la faveur populaire, s’occuper sans cesse d’intrigues politiques, négliger ses propres affaires, et se ruiner en se livrant à cette folie, Certes! ai-je dit, celui-ci paie trop cher son sifflet.

“Si je rencontrais un avare qui renonçait à tous les agrémens de la vie, au plaisir de faire du bien aux autres, à l’estime de ses concitoyens, à la joie d’une bienveillante amitié, pour satisfaire son désir d’accumuler de l’argent: Pauvre homme, disais-je, en vérité, vous payez trop cher votre sifflet.

“Lorsque je trouvais quelque homme de plaisir, sacrifiant la culture de son esprit et l’amélioration de sa fortune à des jouissances purement sensuelles. Homme trompé, disais-je, vous vous procurez des peines, et non de véritables plaisirs; vous payez trop cher votre sifflet.

“Si j’en voyais un autre aimer la parure, les meubles élégants, les beaux équipages, plus que sa fortune ne le permettait; s’endetter pour en avoir, et terminer sa carrière dans une prison: Hélas! disais-je, il a payé cher, et très cher son sifflet.

“Quand j’ai vu une douce, aimable et jolie fille mariée à un homme d’un caractère dur et brutal:’ C’est grande pitié, ai-je dit, qu’elle ait payé aussi cher pour un sifflet.’

“En un mot, je m’imagine que la plus grande partie des malheurs des hommes viennent de ce qu’ils ne savent pas estimer, les choses ce qu’elles valent réellement, et de ce qu’ils paient trop cher pour leurs sifflets.”

ANECDOTE AMERICAINE.

Les Anglais, en 1781, comme pour venger leurs défaites, se montrèrent plus animés contre les Américains. Ce fut à cette époque que se passa un événement lamentable, qui excita au plus haut degré l’indignation de toute l’Amérique, et spécialement des Carolines. Le colonel Isaac Hayne avait épousé avec chaleur la cause de l’indépendance américaine. Pendant le siège de Charleston, il avait servi dans un corps de volontaires à cheval. Après le reddition de cette ville, Hayne, qui chérissait tendrement sa famille, ne trouva pas dans son cœur la force de l’abandonner, pour chercher au loin un refuge contre la tyrannie des vainqueurs. Il savait que plusieurs officiers américains avaient obtenu la permission de rentrer paisiblement dans leurs foyers, en donnant leur parole de ne point agir contre les intérêts du roi de la Grande-Bretagne. Il se rendit en conséquence à Charleston, se présenta aux généraux anglais, et se constitua leur prisonnier de guerre. Mais, connaissant tout le crédit dont il jouissait parmi les habitans, ils voulurent s’assurer entièrement de lui, et refusèrent de le recevoir en qualité de prisonnier. Ils lui signifièrent qu’il fallait qu’il se reconnût pour sujet britannique, ou qu’il fût détenu dans une captivité rigoureuse. Cette restriction n’eût point embarrassé le colonel Hayne; mais il ne pût supporter l’idée d’être aussi longtemps séparé de sa femme et de ses enfans. Il ne pouvait se dissimuler non plus, que s’il ne se prêtait pas à ce que les vainqueurs exigeaient, une soldatesque effrénée n’attendait que le signal de saccager ses propriétés. Dans cette cruelle alternative, le père, l’époux triomphèrent dans son cœur; il consentit à se ranger parmi les sujets de l’Angleterre. La seule grâce qu’il demanda fut de n’être peint contraint de porter les armes contre son parti. Il en reçut la promesse solennelle du général anglais et de l’intendant de police à Charleston. Mais avant de prendre cette périlleuse résolution, il était allé trouver le Docteur Ramsay, le même qui a écrit par la suite l’Histoire de la Révolution d’Amérique: il le pria de lui servir de témoin à l’avenir qu’il n’entendait aucunement abandonner la cause de l’indépendance. Dès qu’il eût signé le serment d’allégeance, il eut la permission de retourner dans ses foyers. Cependant la guerre se ralluma avec une force nouvelle, et les Américains, jusqu’alors battus et dispersés, reprirent si vivement l’offensive, que les généraux britanniques furent alarmés de leurs progrès. Ne tenant plus, dans ces circonstances, aucun compte des promesses qu’ils avaient faites au colonel Hayne, ils lui intimèrent l’ordre de prendre les armes et de marcher avec eux contre les nouveaux corps d’insurgés: il s’y refusa. Les troupes d’insurgés pénétrèrent dans le pays; les habitans de son district se soulèverent et l’élurent pour leur commandant. Ne se croyant plus lié par un serment que l’on n’avait pas voulu respecter à son égard, il se rendit au désir de ses compatriotes, et reprit de nouveau les armes que la nécessité lui avait fait déposer. Il se montra aux environs de Charleston, la tête d’un corps de dragons; mais il ne tarda pas à tomber dans une ambuscade que lui tendirent les généraux anglais. Il fut aussitôt conduit ans la ville, et jetté au fond d’un cachot. Sans aucune forme de procès, lord Rawdon, général des troupes, et le colonel Balfour, commandant de Charleston, le condamnèrent à mort. Cette sentence parut à tout le monde un acte de barbarie. Les déserteurs même sont soumis à un jugement et trouvent des défenseurs. Royalistes et Américains, tous plaignirent également le colonel, dont ils estimaient les vertus; ils auraient tous voulu sauver ses jours. Ils ne se bornèrent pas à de simples vœux: une députation de loyalistes, ayant à leur tète le gouverneur même, vint supplier instamment lord Rawdon de faire grâce. Les dames les plus qualifiées de Charleston unirent leurs prières à la recommandation générale en faveur du condamné. Ses enfans, encore en bas âge, accompagnés de ses plus proches parens, et portant le deuil de leur mère, qu’ils venaient de perdre, accoururent se jetter aux genoux de lord Rawdon, lui demandant avec des cris lamentables la vie de leur malheureux père. Tous les assistans, qui fondaient en larmes, rendaient cette scène déchirante. Rawdon et Balfour refusèrent opiniâtrement d’adoucir la rigueur de leur arrêt.

Sur le point d’être conduit à la mort, il fit venir son fils aîné, alors âgé de treize ans. Il lui remit des papiers adressés au congrès, puis il lui dit: “Tu viendras au lieu de mon supplice; tu recevras mon corps, et tu le feras enterrer dans la sépulture de nos ancêtres.” Arrivé au pied du gibet, il fit des adieux touchants aux amis qui l’entourraient, et s’arma jusqu’au dernier moment de la fermeté qui avait honoré sa vie. Il était homme de bien, père tendre, patriote zélé et soldat intrépide.

(Beautés de l’Histoire des Etats-Unis.)

CAMPEMENT DE CAFFRES.

Le soleil allait se coucher lorsque j’arrivai; le chef Enno et les principaux de sa tribu étaient assis au pied de la colline où se trouvent leurs habitations. Les jeunes gens et les petits garçons gardaient les troupeaux, tandis que les femmes et les jeunes filles s’amusaient à danser. On nous reçut très amicalement. Le chef nous demanda quelles étaient les nouvelles, (question ordinaire tant du sauvage que de l’homme civilisé,) et ne put se laisser persuader qu’il n’y en avait point, tandis que ses questions indiquaient chez-lui une connaissance des mouvemens des partis militaires qui me surprit. Le laissant continuer à questionner mes compagnons, je m’approchai des danseuses. Pour comprendre cette danse, il faut l’avoir vue; nulle description, nul dessin même ne peut donner une idée d’un mouvement qui ne consistait guère qu’à s’avancer de quelques pas courts et qui cependant mettait tous les muscles dans un violent exercice. Les danseuses, se tenant par la main, formaient un demi-cercle, dont deux se séparaient pour se mettre en avant par ce moment tardif en faisant d’étranges contorsions, et se retiraient ensuite à leurs places, se réglant sur le son d’une musique singulièrement monotone.

Les femmes caffres sont fort inférieures aux hommes, quant à la taille et à l’apparence extérieure; car le travail des champs, qui use le corps, leur est dévolu, tandis que la chasse, qui lui donne de la vigueur, est le partage des hommes. Cependant il y a de ces femmes d’une beauté frappante, lorsqu’elles sont jeunes. Leur chevelure noire ne descend pas sans grâce sur leurs épaules couleur d’ébène, et les grains de verres et autres ornemens généralement de couleur blanche ou gaie, qu’elles portent à leur cou, à leurs bras et à leurs jambes, ferment un contraste frappant avec la couleur noire de leur peau; et lorsqu’elles y ajoutent un bonnet décoré par des lignes alternativement blanches et bleues, le costume leur sied admirablement bien. Je les regardai danser près d’une heure, mon accoutrement de chasseur avec ses amples poches étant pour elles un objet aussi curieux que leur danse l’était pour moi. Ces femmes crurent que mes poches étaient remplies de grains de verre, et elles firent foule autour de moi, répétant plusieurs fois d’un ton de voix doux et languissant, le mot barcila, qui est celui qu’elles emploient pour demander un présent. Elles nous apportèrent du lait, et se tinrent autour de nous, examinant toutes les parties de notre équipement de voyageurs; et je n’oublierai pas aisément la terreur, presque réelle, que leur causa ma montre à répétition, qui les fit reculer, comme si son mouvement eût été celui de la vie. Enfin l’une d’elles, faisant un effort de courage, la prit dans sa main, et la portant à son oreille, répéta le mot, tic, tic, tic. Cet acte de hardiesse fut imité de tout le cercle, qui se convainquit enfin que ce n’était pas un animal, mais un ouvrage de l’art. Il y avait dans le troupe une jeune et jolie fille, dont les dents étaient extrêmement belles et le regard singulièrement expressif, sur le cœur de laquelle je me flatte d’avoir fait quelque impression. Sa manière de me le prouver fut un peu singulière: elle ota quelques poux de sa tête et me les présenta; voyant que je montrais de la répugnance à les prendre, elle rit de bon cœur de mon dégoût, et en mit un dans sa bouche, pour me montrer qu’ils étaient bons à manger. C’était la première marque d’affection que je recevais depuis que j’avais laissé la ville du Cap, et j’en fut touché en conséquence.

(Rose’s four years in Southern Africa.)

GOUTS SINGULIERS.

Parmi les différentes espèces d’insectes, il y en a peu qui soient plus généralement regardées avec horreur et inspirent plus de dégoût que la famille des araignées, et tous les insectes sans ailes qui leur ressemblent. Malgré cela, y a des sauvages qui les mangent; Sparman dit que les habitans de Baschi les regardent comme des friandises, et Labillardière assure que les habitans de la Nouvelle Calédonie recherchent et dévorent des araignées de près d’un ponce de long, qu’ils font griller sur le feu. Réaumur rapporte, sur l’autorité de M. de la Hire, qu’une jeune demoiselle française ne pouvait résister à la tentation de manger une araignée, toutes les fois qu’elle en rencontrait une dans ses promenades. On dit qu’elles ont le goût de noix; du moins c’était l’opinion de la célèbre Maria Schurman, qui non seulement en mangeait, mais justifiait son goût, en disant qu’elle était née sous le Scorpion. Latreille nous apprend que l’astronome Lalande était également friand de ce met dégoûtant. L’homme est véritablement un animal omnivore; car il n’y a rien de dégoûtant chez un peuple qui ne passe pour exquis chez un outre. Quadrupèdes, poissons, oiseaux, insectes, deviennent sa proie, et Humboldt rapporte qu’il a même vu les gigantesques centipèdes du Brésil, dont plusieurs ont un pied et demi de long et un pouce et demi d’épaisseur, tirés de leurs trous et dévorés tout vivants, par des enfans. Les serpens de toute sorte ont servi de nourriture à l’homme, et le maître de la fameuse auberge de Terracina accoste très souvent ses hôtes en leur demandant poliment s’ils préfèrent l’anguille de haie à l’anguille de fossé. Darwin assure qu’il y a des chenilles d’un goût délicieux; Kirby et Spence pensent que la fourmi est un manger délicat, et poussent leur zèle entomologique jusqu’à distinguer entre la flaveur de l’abdomen et celle du thorax. Enfin Réaumur recommande la chenille appellée plusia gamma comme un met délicieux. (Family Library.)

ANECDOTES ET BONS-MOTS.

Henri VIII, roi d’Angleterre, ayant quelques différens avec François I, roi de France, résolut de lui envoyer un ambassadeur hardi, capable de lui l’aire certains reproches, et même de le menacer de sa part, s’il était nécessaire; il jetta les yeux sur un évêque dont il faisait beaucoup de cas. Mais le prélat, qui connaissait le caractère peu endurant de François 1er., répondit qu’une pareille ambassade lui coûterait peut-être la vie, et pria le roi de le dispenser de cette commission périlleuse. Henri, pour lui oter tout sujet de crainte, lui dit que, si François 1er. le faisait mourir, il en coûterait la tête à tous les Français qui se trouveraient dans ses états. A quoi l’évêque répondit: Je ne doute point de tout ce que votre majesté m’assure; mais parmi toutes ces têtes de Français, vous n’en trouverez aucune qui aille aussi bien à mon corps que la mienne.

Un chrétien charge un chamelier de belles soirées, pour les voiturer d’Alep à Constantinople; et une maladie l’empêche de suivre la caravane. Le chamelier vend les étoffes et change de profession. Le chrétien le cite devant le cadi: l’un réclame ses étoffes; l’autre nie tout, même d’avoir été chamelier. Le cadi les renvoie: pendant qu’ils sortaient tous les deux, il se met à la fenêtre et crie: Chamelier, un mot: le Turc retourne la tète. Alors le cadi est convaincu de sa friponerie, et lui fait donner la bastonade. Le voleur avoue tout et paie l’amende.

Un roi de France donna un bénéfice à un homme, à condition qu’il ne plaiderait plus. On dit qu’en remerciant le roi, il le pria en grâce de lui laisser au moins cinq ou six procès pour ces menus plaisirs.

La maréchal de la Ferté ayant fait son entrée dans Metz, les Juifs, qu’on y tolérait, vinrent pour le saluer. Le maréchal dit: Je ne veux pas voir des gens de cette nation là; c’est elle qui a crucifié Jésus-Christ. En conséquence on fut porter cette réponse à ces Juifs. Ils dirent qu’ils en étaient bien fâchés, attendu qu’ils portaient un présent de quatre mille pistoles. On ne manqua pas d’aller vite apprendre cette nouvelle au maréchal, qui dit: Faites entrer ces pauvres diable; car ils ne le connaissaient pas, quand ils l’ont crucifié.

Un Seigneur à cordon bleu, dont l’esprit passait pour être borné, voyant briller un gros diamant à la main d’une dame, dit à un de ses amis: J’aimerais mieux la bague que la main.—Et moi, répondit la dame, qui l’avait entendu, j’aimerais mieux le licou que la bête.

Le comédien Poisson présenta à Colbert le placet suivant, afin d’obtenir un emploi pour son fils, dont ce ministre avait été le parrain:

Ce grand ministre de la paix,

Colbert, que la France révère,

Dont le nom ne mourra jamais,

Eh bien! tenez, c’est mon compère.

Fier d’un honneur si peu commun,

Ai-je raison, si je m’étonne

Que de deux mille emplois qu’il donne,

Mon fils n’en puisse obtenir un?

Il eut sur-le-champ l’emploi qu’il sollicitait.

Un des amis de M. Arnaud, évêque d’Angers, voyant le travail continuel auquel il se livrait, lui proposa de prendre un jour de la semaine pour se reposer: Je le veux bien, dit le prélat, pourvu que vous m’indiquiez un jour de la semaine où je ne sois pas évêque.

Un prince passant dans une petite ville de son gouvernement, en Bourgque, le maire en robe, avec les échevins, l’alla recevoir, et lui dit: De toutes les villes qui ont l’honneur d’être dans votre gouvernement, la plus petite serait ravie de vous faire connaître qu’il n’y en a point qui ait un si grand zèle. Elle sait qu’un moyen infaillible de plaire au plus grand guerrier de notre siècle, serait de le recevoir au bruit d’une nombreuse artillerie; mais dix-huit raisons, toutes également victorieuses nous en empêchent: la première, c’est que nous n’avons point de canons, et qu’il n’y en a jamais eu dans cette ville.—Je suis si content de cette raison, dit le prince, que je vous dispense des dix-sept autres.

Une statue représentait un général très médiocre et une renommée qui soutenait une couronne de laurier suspendue sur sa tête. Un particulier dit: Elle ne la lui donne pas, elle vient de la lui ôter.

Les chanoines de Chartres ayant perdu un procès contre leur évêque, et croyant l’avoir perdu par le crédit, de madame de Maintenon, à qui le prélat faisait servilement sa cour, un d’entr’eux dit: Comment aurions-nous gagné? nous avions contre nous le roi, la dame et le valet.

Un avare avait coutume de prêter sur gage; il fut attaqué d’une cruelle maladie; étant à l’article de la mort, et paraissant avoir perdu depuis longtemps toute connaissance, il la recouvra à l’aspect d’un crucifix d’argent, qu’un prêtre lui présentait: il crut qu’on le lui portait en gage, et dit: Monsieur, il est bien léger; je ne pourrai prêter là-dessus que dix écus. Et il mourut un moment après.

La langue française a des mots auxquels on ne trouve point de rime. Une dame demandant à un poëte un rime pour le mot coëffe, il lui répondit: il m’est impossible d’en trouver; car ce qui appartient à la tête des femmes n’a ni rime ni raison.

Le célèbre Rigaud faisant le portrait d’une dame, s’apperçut que dès qu’il travaillait à la bouche, elle grimaçait et mettait ses lèvres dans les plus violentes contractions, afin de paraître avoir la bouche petite. Impatienté de ces mines. Ne vous gênez pas, madame, lui dit-il gravement; pour peu que vous le vouliez, je n’en mettrai point du tout.

Un médecin voyant qu’un Suisse de ses amis perdait la vue à force de boire, crut devoir l’en avertir. Le Suisse, qui ne pouvait se résoudre à se priver de vin, lui répondit: Monsieur, j’aime mieux laisser perdre les fenêtres du logis que de voir périr tout le bâtiment.

Porté par quatre grenadiers,

La Terreur, sur une civière,

Couvert de sang et de lauriers,

S’en allait droit au cimetière.

Un officier, plaignant son sort,

Fermait la pompe funéraire.

“Le vaillant La Terreur est mort;

Amis, mettez-le donc en terre.

Non, palsembleu, je vis encor,

Dit-il d’une voix de tonnerre.

Ne le croyez pas, mon major,

Reprend le grenadier La Ronde:

Car s’il est brave comme Hector,

C’est le plus grand menteur du monde.”

CALCULATEUR EXTRAORDINAIRE

Nous avons fait mention, il y a quelque temps, du talent extraordinaire pour le calcul, d’un enfant de Palerme, âgé de sept ans, et nommé Zaccaro. Les questions et les réponses suivantes, qui ne se trouvent pas dans notre première notice, donneront une idée de sa capacité. Pour faire des uniformes pour 13 soldats il faut 11 aunes de drap; combien faudra-t-il d’aunes de drap pour faire 245 uniformes? En un instant, l’enfant répondit: il en faudra 207 aunes, 2 palmes et 6-13. Un des professeurs ayant trouvé qu’il en faudrait 2 7 aunes et 1-13, l’enfant, après avoir réfléchi de nouveau, insista sur l’exactitude de sa solution. Le professeur ayant comparé les deux fractions, les trouva parfaitement égales. Question: Quel est le quarré de 429? Réponse: 184,041. Question: Comment avez-vous fait ce calcul? Réponse: 400 multiplié par 400 donnent 160,000; 29 par 29 font 841; ce qui fait 060,841; 29 par 400 donne 11,600, qui doublé, fait 23,200; et ce dernier nombre ajouté au premier forme 184,041.

AUSTRALASIE.

Mr. Martin rapporte un fait qui prouve combien l’hiver est doux dans Nouvelle Gilles Méridionale. Il plaça une nuit, un vaisseau plein de lait sous un arbre dans son jardin, et le matin, en mangeant sa crême glacée, il cueillit les oranges et des citrons mûrs. Très souvent, les poiriers et les autres arbres fruitiers refleurissent en hiver, et produisent une seconde récolte. Le même monsieur fait mention d’un fait fort curieux. L’augmentation de la population a été, dit-il, très rapide, et l’on en trouve la raison dans le nombre des enfans femelles qui naissent, dont la proportion à celui des mâles est de trois à un. La grande supériorité du nombre des femelles sur celui des mâles parmi les animaux domestiques, rend raison des troupeaux presque innombrables qui se voient dans la colonie.

ACADEMIE DES SCIENCES.

Séance du 4 Janvier.

M. Bory de Saint-Vincent écrit à l’Académie pour lui annoncer qu’il s’occupe de retirer du lazareth de Toulon, où elles sont encore enfermées, trente caisses d’objets d’histoire naturelle recueillis pendant l’expédition scientifique de Morée dont il est le directeur. La mort de M. le chevalier de Lamarck ne saurait le décider, dit-il, à quitter son poste. Convaincu qu’il est des circonstances où les absens n’ont pas toujours tort, il rappelle à l’Académie, qu’elle voulut bien l’honorer du titre de correspondant, il y a déjà vingt-deux ans. Il espère que les travaux périlleux qu’il a entrepris principalement dans ces derniers temps, dans le seul interêt de la science, seront considérés par l’Académie comme un titre de plus à la place vacante par la mort de M. de Lamarck, et il prie l’honorable société de le compter au nombre des candidats. Cette lettre est renvoyée à la section chargée de présenter la liste.

Depuis que la litothritie est entrée comme opération chirurgicale dans les manuels de médecine opératoire, les médecins, les chirurgiens, les mécaniciens, voire même les couteliers s’occupent de construire des appareils plus ou moins ingénieux destinés au broiement de la pierre dans la vessie. A voir une semblable affluence d’instrumens, on dirait que la science est toute entière dans des combinaisons mécaniques, et que la main de l’opérateur n’est qu’un accessoire. Aujourd’hui c’était M. Sirhenry, coutelier de la Faculté de Médecine, qui présentait un nouveau litothriteur de son invention, quo l’Académie a renvoyé à l’examen de MM. Dupuytren et Larrey.

M. Vertel, médecin à Besançon, adresse à l’Académie quelques considérations nouvelles sur le traitement des noyés. Il propose un moyen de remplacer l’insufflation que l’académie a jugé dangereuse, dans un rapport fait à l’occasion d’un mémoire de M. Leroy d’Etiolles.

Après la lecture de quelques autres pièces de correspondante, M. Thénard fait un rapport sur un nouveau moyen de blanchir les monumens noircis par la vétusté, sans le secours du grattage. Ce procédé, de l’invention de M. Chevallier, consiste à laver les objets qu’on vent nettoyer, d’abord avec de l’eau pure, ensuite a l’aide de l’acide hydrochlorique. Plusieurs expériences ont en lieu sous les yeux de la commission, et toutes ont réussi. Reste à savoir, dit en terminant M. Thénard, si les murs nettoyés par ce moyen ne seront pas plus tôt noircis que lorsqu’ils ont été soumis au grattage. Le temps seul peut fournir la solution de cette question intéressante. On sait combien les architectes et les sculpteurs déplorent les mauvais effets du grattage. Nous ne doutons pas qu’ils n’adoptent avec empressement un moyen qui, sans rien ôter à la beauté de leurs édifices et de leurs figures, les rétablirait dans leur premier état de blancheur, si favorable aux effets de la lumière.

Un second rapport de M. Thénard a pour objet une note de M. Payen fils, sur la cuisson du plâtre. Ce dernier prétend que le plâtre se cuit de 78e à 80e du thermomètre centigrade. M. Thénard conteste ce fait, et il apporte en preuve d’abord son expérience personnelle, ensuite les fragmens présentés par M. Payen. Parmi ces derniers, ceux qui étaient d’une grosseur trop considérable étaient trop cuits à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur ils ne l’étaient point assez. M. le rapporteur pense que M. Payen n’a opéré que sur des fragmens légers et arrangés de manière à ce qu’ils fussent en contact avec un fort courant d’air, moyen propre à favoriser une combustion très active. Il ajoute que le plus souvent il est nécessaire de soumettre la pierre à plâtre à une chaleur rouge, ce qui suppose une élévation de température qui est bien au-dessus de 80e centigrades.

M. Payen tirait de ses observations sur la cuisson du plâtre quelques conclusions relatives à sa dureté après le gachage. A la suite du rapport de M. Thénard, M. Gay-Lussac prend la parole pour faire part d’une observation de laquelle il résulterait que le plâtre le plus dur avant d’être sec est aussi le plus dur après le gachage; il ajoute que ce fait vient à l’appui de ce qu’a observé M. Payen. M. Thénard pense que M. Gay-Lussac a mal observé et il en donne pour raison la composition intime du plâtre qui, dans un cas comme dans l’autre, n’est jamais que du sulfate de chaux. M. Gay-Lussac dit que cela tient sans doute à un arrangement particulier de molécules qu’il ne prétend pas expliquer, mais qui n’en existe pas moins. M. Thénard termine la discussion en persistant dans ses observations sur la note de M. Payen, ainsi que sur les assertions de M. Gay-Lussac.

La séance est terminée par la lecture d’une note de M. Brogniar fils sur le charbon ou la nielle des graminées.

SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE ET HISTORIQUE.

A une assemblée tenue Mardi soir (2 Mars), par permission, au vieux Château, il a été présenté à la Société un modèle d’un perfectionnement pour les chemins en fer, trouvé par le consul de sa Majesté à New-York. Ce perfectionnement consiste entièrement dans les voies (ways), qui sont formées de manière à ne recevoir l’opération du rouage que lorsque la voiture monte par un plan incliné, où cette opération est nécessaire, et à la discontinuer, sur un plan parallèle à l’horizon.

Il a été présenté à la Société une collection précieuse d’échantillons géologiques, la plupart accompagnés de restes organiques, recueilli dans l’île d’Anticosti et le golfe St. Laurent. Il a aussi été produit un échantillon d’adipocère, et lu un mémoire sur le sujet. Il a été lu un écrit intéressant sur la grande défectuosité de la géographie du Canada, et sur le moyen de remédier à cette défectuosité. Les remerciemens de la Société ont été votés à A. Berthelot, Ecr. pour son habile Dissertation sur le canon de bronze, qui se trouve dans le musée de Mr. Chasseur. Il a été admis plusieurs nouveaux membres. (Star.)

RÉGISTRE PROVINCIAL.

Décédés:—A Montréal, le 27 de Février dernier, Dame Madeleine St. Antoine, épouse de Mr. Fr. Poirrier, âgée de 48 ans;

À Nicolet, le 2 du présent mois, à l’âge de 84 ans, Dame Marie Antoinette Pinard, veuve de feu P. Prassard, Ecr. Capitaine de milice.

À Montréal, le 8, âge de ans, Mr. Nahum Mower, pendant longtems propriétaire et imprimeur de la Gazette intitulée, The Canadian Courant.


Commissionnés:—N. C. J. Levasseur Borgia, Ecr. Avocat et Procureur;

Mr. G. J. Bordwine Médecin et Chirurgien.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La bibliothèque canadienne Tome IX, Numero 18 edited by Michel Bibaud]