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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 10, Novembre 1829.

Date of first publication: 1829

Author: Michel Bibaud (1782-1857)

Date first posted: Jan. 18, 2022

Date last updated: Jan. 18, 2022

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La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 15 NOVEMBRE 1829. Numero X.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION.)

Aussitôt que la Grande-Bretagne eut eu connaissance de ce qui s’était passé près des bords de l’Ohio, elle prit la résolution de faire les plus grands efforts pour chasser les Français des postes qu’ils occupaient dans ces quartiers: non seulement elle donna ordre aux gouverneurs de ses colonies de repousser la force par la force; elle fit encore passer plusieurs régimens d’Irlande en Amérique, pour les mettre en état d’agir sur l’offensive. La France, qui regardait sa rivale comme ayant été l’aggresseur dans l’affaire de Jumonville, et qui prévoyait que la paix ne pourrait pas se prolonger encore bien longtemps, se prépara, de son côté, à soutenir la guerre en Amérique, et fit partir de Brest, sous le commandement de l’amiral Bois de la Mothe, une flotte considérable, portant plusieurs régimens de vieilles troupes, et un approvisionnement considérable de munitions et d’effets militaires.

Quoique la guerre n’eût pas encore été déclarée, le gouvernement anglais crut qu’il lui était permis d’intercepter l’escadre française, si la chose lui était possible, et en conséquence, une flotte de onze vaisseaux de ligne et plusieurs frégates, sortit de Plymouth, le 27 Avril 1754, sous les ordres de l’amiral Boscawen. Les deux escadres arrivèrent presque en même temps sur les bancs de Terre-Neuve; et fort heureusement pour l’amiral français, dit Mr. Smith, les épais brouillards qui règnent sur cette côte, donnèrent à toute sa flotte le moyen de s’échapper, à l’exception de deux vaisseaux, l’Alcide et la Lys, qui furent pris par l’escadre anglaise; d’où il parait que l’amiral Boscawen n’avait pas seulement reçu ordre d’épier les mouvemens de la flotte française, comme s’exprime notre historien, mais encore celui de l’attaquer, quoique les deux puissances fussent encore en paix. Il y avait à bord de ces deux vaisseaux, huit compagnies de troupes et un grand nombre d’officiers du génie. M. de la Mothe arriva quelques jours après à Québec, avec le reste de son escadre, à la grande joie du gouverneur général et de la colonie.

Aussitôt que la prise des deux vaisseaux français eut été connue à la cour de France, le comte de Mirepoix, ambassadeur français à Londres, fut rappellé, et il fut publie un manifeste et les journaux retentirent de plaintes contre la conduite du gouvernement anglais. Celui-ci répondit que la conduite des Français sur les bords de l’Ohio avait rendu la mesure à laquelle il avait recouru nécessaire et justifiable.

Cependant le général Braddock s’était mis en marche, le 10 Juin, à la tête de deux mille deux cents hommes pour se rendre dans les lieux où le colonel Washington avait été défait par M. de Villier, l’année précédente; et les colons de la Virginie et de la Pennsylvanie, avaient fait partir plusieurs détachemens de volontaires pour le renforcer. M. de Contrecœur, qui commandait toujours au fort Duquesne, fut informé à bonne heure de la marche des troupes anglaises sous le général Braddock, et envoya un parti consistant en deux cent cinquante Canadiens et six cent cinquante sauvages, sous le commandement de MM. de Beaujeu et Dumas, pour les attaquer à un défilé qu’elles avaient à passer, à environ trois lieues du fort. Ils y attendirent l’arrivée de Braddock, qui s’avança sans méfiance et sans précautions dans l’androit où les Français s’étaient postés, comme en ambuscade. Ceux-ci firent une décharge générale de leur mousqueterie sur l’avant-garde des Anglais, qui se replia aussitôt en désordre sur le corps d’armée. Le mouvement rétrograde et précipité de leur avant-garde jetta les Anglais dans une espèce de terreur panique, et ils se mirent presque tous à fuir dans le plus grand désordre. Braddock parvint néanmoins à en rallier un certain nombre, et alla avec eux à la charge une seconde fois, mais avec aussi peu de succès que la première: il y fut blessé mortellement et les soldats découragés par la perte de leur chef, se mirent aussitôt à fuir en désordre et pêle-mêle. La perte des Anglais se monta à environ sept cents hommes, parmi lesquels il y avait plusieurs officiers de mérite. Toute leur artillerie, leurs munitions et leur bagage tombèrent entre les mains des Français, ainsi que les plans et les instructions du commandant. Du côté des Français, il y eut une trentaine d’hommes de tués, et à peu près autant de blessés: MM. de Beaujeu, de la Perade et Corneval, officiers du corps de la marine, furent du nombre des derniers. M. Dumas se distingua particulièrement dans ce combat, qui se livra le 9 Juillet à midi: les Canadiens y donnèrent de nouvelles preuves de leur bravoure et de leur bonne volonté, et les sauvages s’y conduisirent en alliés fidèles et zélés.

Les Anglais, au lieu de se fortifier, après leur retraite, au cas que le dernier succès des Français les portât à tenter de pénétrer dans la Virginie, se contentèrent de laisser un petit détachement au fort Cumberland, et se retirèrent à Philadelphie, où ils arrivèrent le 2 Août, au nombre de seize cents hommes. Ils furent aussitôt embarqués pour Albany, par l’ordre du général Shirley, auquel le commandement général était dévolu par la mort du général Braddock.

Le marquis Duquesne s’étant démis du gouvernement du Canada, pour rentrer dans le service de mer, on lui donna pour successeur le marquis de Vaudreuil de Cavagnal, gouverneur de la Louisiane. Ses provisions, datées du 1er. Janvier 1755, furent enregistrées à Québec, le 13 Juillet de la même année. M. Bigot était revenu de France quelques mois auparavant.

Cependant les colons anglais, plutôt animés que découragés par la défaite de Braddock, mirent sur pied deux nouvelles expéditions, l’une sous le commandement du général Shirley, et l’autre sous celui du général Johnson. Ce dernier partit le 8 Août pour le lac George, ou du St. Sacrement, où le général Lyman était déjà arrivé avec six mille hommes de troupes provinciales. Il s’y posta dans un endroit avantageux, entourré de bois, ayant derrière lui le lac George, et devant, un long abbatis d’arbres. Aussitôt qu’il fut connu à Montréal, que les troupes anglaises étaient parties d’Albany, et que l’objet du général Johnson était d’attaquer la Pointe à la Chevelure, le baron Dieskau y fut envoyé avec un corps de trois mille hommes, composé de troupes de ligne, de troupes de la marine, de Canadiens et de sauvages. Arrivé au fort Frédéric, le baron Dieskau y laissa la moitié de son armée, et s’avança par la Baie du Sud, avec quinze cents hommes seulement, jusqu’à la vue des retranchemens anglais, sur le lac George.

Le 8 Septembre, à onze heures et demie du matin, le baron s’avança en ordre de bataille contre l’armée de Johnson, et fit sa grande attaque de centre à cent cinquante verges de distance, avec ses troupes régulières, pendant que les Canadiens et les sauvages, dispersés sur les flancs, faissaient un feu de tirailleurs. La bataille devint bientôt générale sur toute la ligne; les soldats français combattirent avec un ordre et une bravoure qui firent croire que si leur commandant n’avait pas fait la faute (car nous croyons que c’en fut une) de laisser la moitié de ses troupes à la Pointe à la Chevelure, il aurait remporté une vicaire éclatante, au lieu de la défaite signalée qu’il essaya: car accablées par la grande supériorité du nombre de leurs ennemis, les troupes de ligne furent obligées de faire un mouvement rétrograde sur la droite les Anglais, et quoique renforcées par corps de Canadiens, après quatre heures d’un combat si inégal, il ne leur fut plus possible de résister, et la retraite leur devint inévitable. Les Français la firent sans être poursuivis; mais leur perte avait été énorme: les historiens anglais la portent à près de mille hommes, tués, blessés et prisonniers; tandis qu’ils n’estiment celle de leurs gens qu’à deux cents quatre-vingts. Le baron Dieskau, qui combattit avec la plus grande bravoure, fut blessé grièvement et fait prisonnier. Les restes de l’armée française se retirèrent à la Pointe à la Chevelure.

L’expédition sous le général Shirley partit d’Albany à la fin de Juillet, et arriva à Oswego au commencement d’Août. Le général y attendit des provisions, qui ne lui arrivèrent qu’à la fin de Septembre. Il crut qu’il était trop tard alors pour entreprendre une expédition contre Niagara, qu’il avait eu en vue, et ayant laissé une garnison de six à sept cents hommes à Oswego, il repartit, le 24 Octobre, pour Albany.

Le Canada souffrait, depuis quelque temps, de la rareté et de la cherté des provisions de bouche: les choses empirèrent sous ce rapport, pendant l’hiver de 1755 à 1756, et cela, en grande partie, par la faute de l’intendant Bigot et des employés du gouvernement. Malgré la rareté du bled, il en fut embarqué, dans l’automne, une grande quantité pour les Iles, au détriment manifeste des habitans de la colonie; et la compagnie dont nous avons déjà parlé, accaparait tout le commerce intérieur des céréales: elle expédia ses agens dans les campagnes, pour y acheter autant de bled que possible: elle en revendit ensuite au gouvernement ce qu’il lui en fallait, à un prix exhorbitant, fixé par l’intendant lui-même, et demanda le même prix aux particuliers pour ce qu’il lui en restait. On se plaignit à l’intendant de la conduite des associés; mais ces messieurs lui firent entendre que la rareté du bled provenait de ce que les cultivateurs le tenaient à un haut prix, dans la vue d’en tirer un plus grand profit, et lui conseillèrent de faire faire des perquisitions dans les campagnes, et de contraindre les habitans à fournir ce qu’il fallait de grains pour la subsistance des villes. M. Bigot fit un estimé de la quantité requise, et en fixa le prix à un taux incomparablement plus bas que celui de la compagnie. Aussitôt le sieur Cadet, commis aux vivres, et ses employés se mirent à parcourir les paroisses de la campagne, pour en contraindre les habitans à vendre leur bled au bas prix fixé par M. Bigot; et ceux qui ne le voulurent pas faire le perdirent; car il fut saisi et enlevé sans payement ni rémunération quelconque. Plusieurs se plaignirent des procédés de Cadet à l’intendant; mais celui-ci les renvoyait à quelqu’un des associés, qui, ligués avec les autres, menaçait les plaignants de la prison, s’ils ne cessaient de se plaindre et de murmurer. Ce manège se continua les années suivantes.

Peu contente du gain énorme que lui procurait le monopole la bled et de la farine, la société fit construire, près du palais de l’intendant, une grande voute, ou magazin, dans la vue d’y loger tous les articles dont le gouvernement pourrait avoir besoin. Chaque automne, l’intendant envoyait en France une estimation des effets nécessaires pour l’usage du gouvernement, et comme il avait sa part dans le gain des associés, il avait soin d’en demander moins qu’il n’en fallait, afin d’acheter ce qui manquerait de la compagnie, aux prix qu’elle y voudrait mettre; et ses prix étaient toujours exhorbitants, aussurée qu’elle était que l’intendant n’acheterait jamais que d’elle seule: d’où vint le nom de Friponne donné par les habitans de Québec à la maison de commerce en question. Il en fut aussi établi une à Montréal, sur le même plan, et elle fut significativement appellée du même nom que celle de la capitale.

(A CONTINUER.)

SUPPLEMENT CRITIQUE.

Chapitre Second.

Remarques utiles et pratiques.

Les plantes, comme les animaux, possèdent un pouvoir absorbant, digestif et assimilateur; mais ce pouvoir ne saurait opérer, d’une manière parfaite, qu’au moyen du sol où elles croissent, de l’eau, de l’air, du calorique et de la lumière. Le sol ou la terre sert de couche et de réservoir alimentaire aux plantes; l’eau et l’air leur servent de nourriture, mais surtout de véhicules des autres substances nutritives pareillement essentielles à leur accroissement. L’air, le calorique et la lumière, au moyen de l’humidité que produit l’eau, favorisent, pendant le jour, la décomposition des plantes mortes, dont les principes constituants retournent au soutien et à la nutrition des plantes végétantes. L’air, le calorique et la lumière agissent encore comme des stimulants puissants sur les organes assimilateurs des plantes, et les incitent à absorber, avec plus d’avidité, les principes nutritifs qui deviennent en contact avec les parties altérantes de leur feuillage, mais surtout avec les extrémités de leurs racines fibreuses, &c. &c.

Les substances principales, dont se nourrissent essentiellement les plantes, sont généralement dans un état de gaz, simples ou composés, tels que l’oxygène, l’hydrogène, le gaz acide carbonique, le nitrogène, l’hydrogène carburé, l’hydrogène sulphuré, l’ammonie, &c. &c. qui résultent tous, plus ou moins, de la décomposition chimique des corps organiques en leurs principes élémentaires, qui se répandent dans l’eau et dans l’air, qui les attirent, les absorbent, et les retiennent jusqu’à ce qu’ils soient parvenus en contact avec les organes altérants et assimilateurs des plantes contingentes, qui s’en nourrissent, et les convertissent en leur propre substance.

L’air absorbe les gaz fétides et le carbone qui provient des décompositions chimiques des substances organiques présentes et circonvoisines, comme aussi de la transpiration et de la respiration des animaux qui, par ces moyens, le produissent en abondance. L’air agit encore principalement sur les organes du feuillage et de l’écorce; et l’eau, qui absorbe pareillement ces diverses substances nutritives, leur sert de conducteur direct, à travers les pores de la terre, et agit sur les racines des plantes; et c’est précisément d’après ces propriétés connues de l’air et de l’eau, que le chêne, dont nous venons de parler, a pu se maintenir et croître, dans la couche de sa boëte, sans l’intervention auxiliaire d’aucun suc particulier de la portion donné de la terre quelle contenait, comme aussi sans la vertu exclusive de l’eau.

Mais il y a encore d’autres substances, telles que la chaux et la cendre qui, à cause des alkalis qu’elles contiennent, le calcium et le potassium, agissent encore puissamment sur les diverses parties absorbantes des plantes. Ces deux substances, y compris le sulphate de chaux (plâtre de Paris), au moyen de leurs alkalis, ont aussi la vertu d’attirer à eux et d’absorber de l’atmosphère, pendant la saison fraiche de la nuit, non-seulement l’eau, mais encore le carbone qui, à l’aide de l’humidité, est ainsi porté au besoin des plantes, comme étant le principe le plus essentiel à leur accroissement. Le carbone, qui a lui-même la grande propriété d’absorber, aussi pendant la nuit, toutes les matières fétides qui flottent dans l’air, après avoir été ainsi incorporé aux alkalis de la chaux et de la cendre, devient libre pendant la saison plus chaude du jour, et est enfin conduit aux plantes contingentes, qui se l’assimilent et se l’approprient pendant le jour, temps durant lequel elles exhalent beaucoup d’oxygène. L’inverse a lieu pendant la nuit; elles exhalent beaucoup de carbone et absorbent avec rapidité l’oxygène de l’air.

Or, l’oxygène est l’air vital par excellence, et la vie, animale et végétale, ne saurait exister et se maintenir sans l’influence bénigne et nécessaire de ce principe vivifiant. Mais le carbone, au contraire, quoique nourrissant et convenable aux organes de la digestion, est cependant très injurieux à ceux de la respiration; car il diminue la vivacité des esprits animaux, affaiblit l’action des organes, produit une lenteur dans leurs fonctions respectives, établit une dépression générale et induit le système dans une débilite proportionée à la quantité surnaturelle que les paumons, dans une circonstance défavorable, ont pu avoir absorbé. La pratique de certains amateurs des fleurs de cultiver des plantes dans des chambres à coucher, ou dans celles avoisinantes, est donc plus ou moins malsaine, pour ne pas dire dangereuse, surtout pour les enfants qui y couchent.

Cette balance alternative de l’absorption et de l’exhalaison de l’oxygène et du carbone, par les plantes et les animaux, nous donne une idée des causes physiques de l’assoupissement et de la propension au sommeil que nous éprouvons pendant la nuit. En effet, le silence et les ténèbres nocturnes, le calme de l’esprit et le repos ostensible où sont tous les objets de la création; joints à tout cela la fatigue des travaux du jour et la privation partitive de l’action stimulante, sur les organes pendant la nuit, de l’oxygène et de la lumière, peuvent donner à celui qui aime à trouver, dans la nature et les œuvres du Seigneur, la cause naturelle des effets qui excitent et commandent tous les jours son attention, une raison suffisante de cet acte suspensif et mystérieux, le sommeil, que l’Eglise regarde comme l’image de la mort.

De cette absorption, pendant la nuit, des matières carbonées, par l’eau et les alkalis, plus considérable que celle de l’oxygène par les plantes, et des matières fétides par le carbone qui, à cause de sa pesanteur spécifique, est toujours sur ou près la surface de la terre, vient que l’atmosphère du matin est au dehors bien plus léger, et que l’air en est bien plus vivifiant et salutaire que celui du dedans et du haut jour, pendant lequel, à l’aide du calorique, de la lumière et de l’humidité, s’opère la décomposition des cadavres et des plantes mortes, comme aussi celle de l’eau, dont les gaz constituants, l’oxygène, mais surtout l’hydrogène, forment une partie considérable de la nourriture végétale; et c’est précisément pour ces mêmes raisons que le matin de bonne heure, avant l’évaporation de la rosée, la nature entière présente, à l’œil observateur, un aspect nouveau et si vivant; parce que les plantes sont saturées du principe vital, et que les animaux le respirent dans un état bien plus pur et conséquemment plus salubre, le serein, en tombant, ayant absorbé les matières fétides et le carbone surabondant de l’air, où, à l’aide du calorique et de la lumière, il s’est répandu plus ou moins facilement pendant le jour précédent.

Cette propriété attractive et absorbante de l’eau, de l’air et des alkalis; cette alternation d’absorption et d’exhalaison de l’oxygène et du carbone par les animaux et les plantes, et cette doctrine des stimulants, paraissent n’avoir encore jamais été bien comprises; cependant ce sont là des faits d’une très grande importance pour l’agriculteur, et dont la connaissance mise en pratique, dans la culture de son art, peut lui procurer les plus grands avantages; car, étant fondés sur des principes strictement philosophiques, outre qu’ils prouvent encore bien clairement que les plantes n’ont pas absolument besoin d’un suc nutritif particulier pour subsister, se maintenir et croître, ils conduisent directement à la pratique qu’on ne saurait trop recommander à nos cultivateurs:—

1°. De labourer souvent, et par petits sillons, c’est-à-dire au moins deux fois pour chaque semence. Cette pratique rend la terre pour ainsi dire comme une éponge, et la met en état d’absorber plus rapidement, et plus complètement, au moyen de l’humidité, &c. les substances nutritives qui flottent sur sa surface et qui conviennent à l’accroissement des plantes. C’est sur ce principe qu’est fondée la pratique de remuer souvent la terre, et de rechausser les plantes, surtout après une petite pluie, afin de présenter aux diverses substances absorbables, toujours une surface nouvelle des parties absorbantes du sol où elles croissent. Par cette pratique de labourer plusieurs fois la même pièce de terre, avant de l’ensemencer, peut résulter encore la destruction des mauvaisses herbes, et en particulier des chardons, qui sont si nuisibles aux grains et aux moissonneurs:

2°. De labourer et de herser immédiatement autant que possible, après une pluie ou la fonte des neiges, mais surtout le matin de bonne heure, après la chute d’une rosée épaisse, afin de faire absorber et d’enfermer dans la terre, l’eau l’air, &c., qui sont chargés des substances carbonées et autres qui sont essentielles à l’accroissement des plantes. C’est en grande partie sur ce principe qu’est fondé le succès qu’ont ceux qui sèment et hersent de bonne heure au printemps, immédiatement après la fonte des neiges:

3°. De labourer par grandes planches, afin de ne pas perdre, en raies, une portion considérable de terrain où il y a toujours trop d’humidité; mais, surtout, afin de préserver le centre des planches d’une trop grande exposition, sur tous les côtés, à l’action du calorique, de l’air et du soleil, qui dilatent, et font évaporer pendant le jour, une grande partie de l’humidité et des matières nutritives qui conviennent aux plantes. C’est principalement sur cette excellente pratique, de tailler de grandes planches, qu’est fondé le succès, comparativement plus grand, des cultivateurs écossais parmi nous:

4°. D’unir, autant que pratiquable, la surface de la terre: ce qui peut se faire en labourant les buttes, et ensuite en transportant alternativement dans les fonds, avec une pelle et un cheval, la terre labourée, à la manière pratiquée pour unir les chemins; car les raisons et les faits exposés touchant les planches et les raies sont également appliquables aux buttes et aux bas-fonds, qui sont souvent perdus pour l’agriculteur indolent. Qu’il se rappelle qu’il importe généralement fort peu quelle espèce de terre il cultive, pourvû qu’on proportionne les ingrédiens du sol, et qu’on lui donne, pour le rendre fertile et profitable, des engrais convenables au grain qu’on y sème:

5°. De répandre, avant leur décomposition, les fumiers sur la terre, que l’on doit labourer aussitôt après, pour l’y enterrer; afin que pendant leur décomposition, les principes qui s’en dé-la gagent ne soient pas évaporés dans l’air, mais déposés dans terre qui, au moyen de l’humidité, peut ainsi aisément les absorber et les retenir pour le besoin des plantes végétantes. Ainsi, c’est sur les pièces de terre qu’on devrait labourer une seconde fois le printemps où l’on devrait répandre, avant de le faire, les fumiers encore verts. Cette pratique paraît en opposition à celle que recommande M. Guillet; mais elle est fondée sur des principes certains, et les avantages qu’elle promet ne le sont pas moins.

A cette seule exception, les avis que donne notre auteur sur la manière d’amasser et de conserver les fumiers, sont excellents, mais dans le cas qu’on ne les répandrait pas sur la terre avant le guérêt du printemps, en suivant bien d’ailleurs les avis de Mr. Guillet sur ce point important, on ne devrait les répandre qu’immédiatement avant le labour de l’été ou de l’automne:

6°. De mêler du sable avec les terres glaises ou fortes, afin de diviser leurs particules, de diminuer leur ténacité, et de permettre aux grains qu’on y sème de recevoir plus aisément l’influence de l’air et les substances nutritives que l’humidité porte à leur besoin:

7°. Outre les engrais ordinaires, de se servir encore de la chaux et de la cendre, en agriculture, comme étant, à la vérité, un peu moins nourrissants, mais beaucoup plus stimulants que les autres.

L’usage de ces ingrédiens a déjà été pratiqué depuis longtemps en agriculture; mais l’explication raisonnée de leur manière d’opérer est beaucoup plus nouvelle, surtout parmi nous, où les principes de la chimie, cette science mystérieuse pour le plus grand nombre, sont encore à peine connus de quelques uns.

Les substances calcaires, alkalines, aqueuses et carbonées, sont non-seulement des principes nutritifs nécessaires a l’accroissement des plantes, mais, comme on l’a déjà observé, font encore l’office important d’absorber de l’atmosphère les gaz oxygène, hydrogène, acide carbonique, &c. &c. qui sont également essentiels à leur subsistance. Il est donc très important que nos cultivateurs canadiens commencent enfin à se livrer un peu à l’observation et à l’expérience d’une manière plus étendue en agriculture, et à se servir plus généralement de ces ingrédiens dont ils ont, jusqu’à présent, ignoré ou dédaigné les vertus, afin d’améliorer le sol fatigué de leurs terres, et d’en augmenter les produits annuels.

La cendre et la chaux (éteinte,) quelques jours après avoir ensemencé le sol, peuvent être jettées sur la surface des pièces de terre stérile, ainsi que des prairies, de bonne heure au printemps, de la même manière que le sont les grains; se rappellant toujours qu’une ou deux expériences ne suffisent pas pour décider de leur utilité; parce que les circonstances étant rarement les mêmes, elles peuvent donner des résultats variés; tout ce qui cependant, n’empêche pas l’usage soigné des engrais ordinaires qui, dans le cas actuel, deviennent encore plus avantageux, à cause du pouvoir, dans les alkalis, d’attirer leurs parties nutritives, et de les tenir en contiguité avec les racines fibreuses des plantes qui, pour cette raison et celles mentionnées ci-avant, les absorbent avec beaucoup plus d’aise et d’activité. Même les cendres à potasse, qui sont passées par le procédé de la lixiviation, peuvent n’être pas tout-à-fait inutiles sur les terres stériles et ingrates, vu qu’elles contiennent toujours une certaine quantité de potassium qui, quoique d’une importance sécondaire, comme principe nutritif, est encore un ingrédient plus ou moins nécessaire à la nutrition des plantes, mais surtout des arbres, comme on le voit dans leur cendre après la combustion, principalement celle du bois franc.

Les sels qui ont pour base les oxydes (ou rouilles) de fer, rendent la terre stérile, mais ils sont décomposés, et leur effet est détruit, par la présence de la chaux, pour laquelle leurs acides ayant une plus grande affinité chimique que pour le fer, ils changent de base, et forment des sels nouveaux, d’une nature et d’une propriété différente. Le sol, par exemple, qui contient du sulphate de fer (couperose) est généralement d’une couleur bleuâtre, et la présence de la chaux, surtout lorsqu’elle est répandue en saison chaude, faisant opérer l’affinité élective chimique, il y a un échange de base, le sulphate de fer est décomposé, son oxyde est déposé, et le sulphate de chaux (plâtre de Paris) est formé au grand avantage des plantes et du cultivateur d’un pareil sol. La terre glaise d’une couleur bleue ou bleuâtre contient généralement du sulphate de fer, et celle de couleur jaune ou rouge contient de l’oxyde de fer, qui se trouve encore plus souvent dans les sables jaunes; mais une certaine quantité d’oxyde ne saurait nuire beaucoup à la végétation. L’oxyde de fer abonde dans certains quartiers de notre comté, de celui de Lachenaie et de Berthier, et plusieurs s’en servent, délayé dans de l’eau, du lait, du lessive, &c. pour colorer leurs maisons et autres bâtisses. Lorsqu’au moyen d’un four chaud, on expose une portion de la terre qui en contient à un dégré intense du calorique (chaleur,) l’affinité chimique est augmentée entre le fer et l’oxygène, leur union est plus intime, et il se forme un peroxyde parlait d’un rouge agréable; au lieu que celle qui n’a pas subi cette opération est d’une couleur approchant le jaune, parce que le fer est dans un état de deutoxydetritoxyde. Notre beau village commence déjà à être décoré des couleurs de cet ingrédient peu couteux; et j’ai dans mon office, un bel échantillon de cet oxyde naturel solide, qu’à ma suggestion, on a trouvé, à une certaine profondeur, dans un sol qui contient beaucoup de cette terre d’un rouge imparfait, qui adhère ou tient fortement aux bâtisses dont elle préserve bien le bois des injures et des rigueurs du temps.

Ainsi, pour revenir à notre sujet, il est donc très utile de diviser la glaise avec du sable, de substanter le sable avec la glaise, et de mitiger, avec de la chaux, la terre qui, par sa couleur ou autrement, paraît contenir des sels, ou une surabondance d’oxydes de fer.

DE L’ESPRIT DE PARTI.

Si l’on considère à quel point est méprisable l’esprit de parti, et dans combien de fausses démarches il entraine ceux qu’il anime, on s’étonnera peu de l’indifférence, du ridicule et même du mépris dont ils finissent par être l’objet. Je ne conçois rien de plus immoral,[1] de plus funeste pour un état, que l’existence simultanée de plusieurs sectes politiques ou religieuses n’ayant d’autre mobile que l’esprit de parti. Ce déplorable esprit fausse le jugement des hommes et pervertit leur cœur; il les rend soupçonneux, méfiants, hypocrites, injustes, inconséquens, barbares, impitoyables; il les excite aux haines, aux perfidies, aux vengeances cruelles; il les faits trahir lâchement, sans honte et même avec joie, leurs parens, leurs amis, leurs concitoyens, leur patrie elle-même; en un mot, cet abominable esprit est une espèce de démence qui rend insensible à la voix de la raison et de la nature.

En Angleterre, l’esprit de parti n’a cessé d’agir avec une sorte de fureur à la fois niaise et dangereuse; on peut assurer “qu’il a été et est encore pour ce pays en particulier une peste et une honte; il n’est même aucun peuple qui en ait autant souffert que les Anglais, et qui néanmoins ait si peu profité de leur expérience.”[2] Voyons d’ailleurs en quels fermes les plus chauds partisans de ce détestable esprit s’en exprimaient encore tout récemment. “Nous sommes bien loin de vouloir nier qu’on a toujours abusé du principe des associations de parti, et que la perversion qu’on en a faite est résultée, le plus souvent, de la coalition de quelques grandes familles, qui n’étaient unies par aucune opinion distincte, et qui s’opposaient au gouvernement par des motifs presque inintelligibles.” L’objet qu’on avait en vu semble plutôt avoir été la distribution du patronage, et le point de différence avec le ministère paraît n’avoir rien eu de plus important pour la nation que celui de savoir par quels canaux particuliers couleraient les faveurs royales. En pareil cas, Swift aurait bien pu se moquer et se railler de l’esprit de parti, en l’appellant “la folie d’un grand nombre d’hommes pour l’avantage de quelques uns.”[3]

Et, d’ailleurs, comment les Anglais pourraient-ils juger autrement d’une opposition systématique, débile, envieuse, maligne, pie-grièche, qui repousse indifféremment et du même ton de voix tout ce qui vient des ministres. Une telle opposition ne saurait être un frein salutaire contre un gouvernement oppressif; elle n’offre en réalité qu’une lutte scandaleuse de pouvoir entre des chefs de parti, ou une ligne d’hommes qui, ayant besoin de se vendre, ne contrarient le gouvernement que pour s’en faire acheter. Quant à l’intérêt public, dont ils se disent les champions sincères, il n’est pour eux qu’un prétexte.

Dans une revue anglaise on trouve ce passage curieux: “L’effet produit sur une vile faction par une victoire décisive remportée de nos jours, montre qu’en tout temps l’esprit de parti est le même, et qu’il détruit tout véritable sentiment patriotique: l’un de nos oppositionnistes distingués, et qui habite la province, se trouva, par hazard, avoir un grand diner le jour où la nouvelle d’une bataille gagnée parvint à la poste de sa ville; par une pieuse fraude, on crut devoir la lui cacher, de peur que le choc de cette nouvelle ne le rendit incapable de recevoir ses amis: cette ignorance fut pour lui un bienfait, et il dormit avec calme une nuit de plus.”[4]

Le nombre des Torys qui, par principes monarchiques, soutiennent aujourd’hui au parlement l’administration actuelle, est si bornée, qu’on pourrait les compter dans les deux chambres; ils ne s’y font d’ailleurs constamment remarquer que par la nature servile de leurs doctrines, leur esprit rampant et une conduite réellement pitoyable; on les voit même combiner avec leur torysme les basses propensions des coureurs d’emplois.[5].

Quant aux autres Torys en plus grand nombre; ceux qu’on devrait appeller simplement ministériels, et dont la pratique invariable “est de voter toujours en faveur du ministère existant, quels que soient ses principes, ses mesures et sa composition,” on ne saurait disconvenir que leur caractère a quelque chose d’assez méprisable. Le mot est dur, je l’avoue; mais comment ne pas trouver dignes d’un profond mépris, “des hommes qui ont besoin d’être payés pour voter selon leur conscience.” (Essai sur la Constitution pratique et le Parlement d’Angleterre. Paris, 1821.)


En preuve de l’immoralité de l’esprit de parti, on peut citer la conduite des Whigs, qui se sont faits les avocats d’une femme que, sans lui ils auraient en honte de défendre, et dont ils ne voudraient pas même faire leur société particulière.

Quarterly Review, No. 45, pag. 7 et 19.

Edinburgh Review, No. 59, pag. 192.

Quarterly Review, No. 45, pag. 30.

Edinburgh Review, No. 63, pag. 25.

LE 14 JUILLET 1829.

Air: A soixante ans, il ne faut pas remettre, etc.

Pour un captif souvenir plein de charmes!

J’étais bien jeune; on criait: Vengeons-nous!

A la Bastille! aux armes! vite, aux armes!

Marchands, bourgeois, artisans, couraient tous.

Je vois pâlir et mère, et femme, et fille;

Le canon gronde aux rappels du tambour.

Victoire au peuple! il a pris la Bastille.

Un beau soleil a fêté ce grand jour.

 

Enfant, vieillard, riche ou pauvre, on s’embrasse:

Les femmes vont redisant mille exploits.

Héros du siège, un soldat bleu qui passe

Est applaudi des mains et de la voix.

Le nom du roi frappe alors mon oreille;

De Lafayette on parle avec amour.

La France est libre, et ma raison s’éveille.

Un beau soleil a fêté ce grand jour.

 

Le lendemain, un vieillard docte et grave

Guida mes pas sur d’immenses débris:

“Mon fils, dit-il, ici d’un peuple esclave

Le despotisme étouffait tous les cris.

Mais, des captifs pour y plonger la foule,

Il creusa tant au pied de chaque tour,

“Qu’au premier choc le vieux château s’écroule.

Un beau soleil a fête ce grand jour.

 

“La Liberté, rebelle antique et sainte,

Mon fils, s’armant des fers de nos aïeux,

A son triomphe appelle en cette enceinte

L’Egalité, qui redescend des cieux.

Entends leur foudre; il gronde, il tue, il brillé:

C’est Mirabeau tonnant contre la cour.

Sa voix nous crie: Encore une Bastille!

Un beau soleil a fêté ce grand jour.

 

“Où nous semons, chaque peuple moissonne.

Déjà vingt lois, au bruit de nos débats,

Portent, tremblants, la main à leur couronne,

Et leurs sujets de nous parlent tout bas.

Des droits de l’homme ici l’ère féconde

S’ouvre, et du globe accomplira le tour.

Sur ces débris Dieu crée un nouveau monde.

Un beau soleil a fêté ce grand jour.”

 

De ces leçons qu’un vieillard m’a données

Le souvenir dans mon cœur sommeillait;

Mais je revois, après quarante années,

Sous les verroux, le quatorze juillet.

O Liberté! ma voix, qu’on veut proscrire,

Redit ta gloire aux murs de ce séjour.

A mes barreaux l’Aurore vient sourire:

Un beau soleil fête encore ce grand jour.

 

De Beranger.

DE LA QUESTION GRECQUE.

(Extrait de la Gazette d’Augsbourg du 17 Septembre.)

Les évenemens de cette année et la nouvelle situation de l’Europe nous tracent le cercle dans lequel il faut circonscrire aujourd’hui la solution de la question grecque.

Le colosse ottoman est brisé, ses parois se désunissent, et ses ruines vont encombrer son piédestal; heureusement pour lui que ce n’est pas là le vœu du cabinet de Saint-Pétersbourg; la chute de la Turquie contrarirait ses propres mesures et se trouverait en opposition avec les engagemens qu’il a pris vis-à-vis du ses ennemis cachés, et de ses vrais et sincères amis, à la tête desquels il faut placer le royaume de Prusse, plus glorieux et plus brillant que jamais.

Ainsi la derrière heure de l’empire turc n’a point encore sonné: le venit summa dies et inevitabile fatum n’est point encore applicable au croissant. Mais cette destinée lui est réservée tôt ou tard: il n’a plus d’espoir d’y échapper.

Ce cas posé, quels sont les intérêts de la Russie et de l’Europe? De la solution de cette question dépend celle de la question grecque.

Que la Russie quitte l’Hellespont et le Bosphore, qu’elle évacue même la Bulgarie, les débouchés n’en seront pas moins ouverts au commerce du monde. Le cabinet de St. Pétersbourg ne renoncera pas aux forteresses riveraines de la Turquie, et il brisera les faibles nœuds qui unissaient la Moldavie et la Valachie à l’empire ottoman; il répartira sur tous ces peuples une partie de sa gloire et de sa prospérité, et la civilisation ira se répandre à travers des pays plongés dans un long abrutissement.

En possédant l’Arménie, la Russie tient les clefs de l’Asie et s’ouvre les sources sacrées de l’Euphrate, du Tigre et de l’Araxe. Qui osera lui dire: “Tu iras jusqu’ici, et tu n’iras pas plus loin.

Reste à savoir quelle sera la position de l’Europe vis-à-vis de ce système, et quel est son rôle pour se préserver d’être écrasée tôt ou tard par le colosse du nord.

La Mer Noire est le centre du système oriental; là se réunissent toutes les directions; là se croisent toutes les routes; autour d’elle viennent se grouper les intérêts divers de l’Europe et de l’Asie.

La Méditerranée est le centre du système occidental: là s’offre le plateau européen pour contrebalançer le colosse du nord.

Cet équilibre une fois maintenu, quel sera le sort de la Grèce? Quels sont les moyens qu’on employera pour lui donner une existence? Quel rôle joueront les puissances européennes? Qui se chargera du principal rôle? Il ne s’agit plus de la Morée et des Cyclades, mais de la Grèce réelle, de l’ancienne Grèce, qui comprend la Thessalie, l’Epire, Janina, et tout l’Archipel, sans excepter la Crète. Il n’est plus question de suzeraineté, de tributs, ni de toutes ces chaines dorées que le protocole anglais a déterrées dans les archives poudreuses de la vieille diplomatie. La situation n’est plus la même; le Balkan est franchi; Mahmoud est vaincu; les forces turques sont anéanties.

Ce serait une politique singulière et d’un genre tout-à-fait neuf, si l’on stipulait aujourd’hui les intérêts de la Grèce sur les mêmes bases et sous les mêmes conditions qu’on croyait pouvoir le faire naguère! On imposera donc à Mahmoud sans ménagemens, sans détours, tout ce qu’on voudra, tout ce qu’on devra lui imposer; il serait plaisant de traiter comme une puissance celui qui a cessé de l’être.

EXPEDITION SCIENTIFIQUE.

On se rappellera que MM. F. A. Laroque, T. Pothier et P. de Rocheblave, furent nommés par son Excellence, l’Administrateur du gouvernement, Commissaires pour mettre à exécution les dispositions d’un acte de la dernière session de la Législature, qui accorde £500 pour l’exploration du pays situé entre les rivières de St Maurice et des Outaouais. Ces messieurs partirent des Trois-Rivières, vers la fin d’Août, accompagnés de Mr. Bouchette, député arpenteur-général, du lieutenant Ingall, de l’enseigne Nixon, et de sept voyageurs, dans trois canots. Ils se rendirent d’abord à la rivière à la Hache, au-dessus des Forges, où Mr. Bouchette les laissa pour s’en retourner à Québec. De là le parti explorateur se rendit à la rivière au Rat, qui se jette dans le St. Maurice, du côte de l’ouest, environ quatre-vingts mille au-dessus des Trois-Rivières, et où la compagnie de la Baie d’Hudson à un poste de commerce. Le parti y attendit environ trois semaines l’arrivé de Mr. John Adams, qui remplaçait Mr. Bouchette comme astronome et arpenteur. Ayant entendu dire qu’il y avait un espace de terre fertile à l’ouest du St. Maurice, nos messieurs firent une excursion dans l’intérieur, et y visitèrent une suite de lacs, au nombre de quatorze, qui se déchargent dans la rivière au Lait, branche de la rivière Vermillon, qui tombe dans le St. Maurice, au nord de la rivière au Rat. N’ayant pas réussi dans l’objet de leur recherche, ils revinrent à la rivière au Rat, d’où ils recommencèrent à remonter le St. Maurice. Ils passèrent par le poste que la compagnie des Postes du Roi a établi à La Tuque, à environ 100 milles des Trois-Rivières, et continuèrent à remonter le St. Maurice jusqu’à l’embouchure de la rivière Vermillon. Le St Maurice est ici rempli de rapides, et c’est la coutume des voyageurs de remonter le Vermillon, puis une suite de petits lacs, avec portages, pour rentrer plus haut dans le St. Maurice: c’est ce que firent nos messieurs, qui après être rentrés dans cette rivière, en suivirent le cours jusqu’à Ouémontichingue, où elle se partage en trois branches. Les compagnies de la Baie d’Hudson et des Postes du Roi ont des comptoirs en cet endroit, qui se trouve par les 47°. 38′ de latitude septentrionale. L’expédition remonta une de ces branches, qui coule de l’ouest, et rencontra une chaine extraordinaire de lacs et de courants navigables, qui n’a probablement sa pareille ni en Canada ni ailleurs. Ces lacs sont, dit-on, au nombre de vingt-trois, et nos messieurs mirent douze jours à faire le tour du plus considérable, auquel ils donnèrent le nom de Lac Kempt. En plusieurs endroits, l’eau s’y trouva de plus de quarante brasses de profondeur, le parti n’étant pas muni de lignes pour sonder plus avant.

En sortant de cette chaine de lacs, nos messieurs rencontrèrent la rivière au Lièvre, à 120 milles environ du St. Maurice, laquelle distance fut considérablement augmentée par l’examen et la mesure des anses et des pointes de chaque lac; ce qui fit peut-être plus de 2000 milles de navigation. Après être entrés dans la rivière au Lièvre, ils mirent huit jours à la descendre jusqu’au lac des Sables, qui est une expension de cette rivière, et où il y a un poste de commerce particulier. La compagnie de la Baie d’Hudson a aussi un poste de commerce à la pointe de ce lac. Depuis la sortie du lac des Sables jusqu’à l’entrée de la rivière au Lièvre, il y a plusieurs défrichemens et établisemens, et des moulins appartenant à Mr. Bowman. La rivière au Lièvre, dans la distance entre les lacs et la rivière des Outaouais, a vingt-trois portages, ce qui en rend la navigation un peu difficile. De l’embouchure de la rivière au Lièvre, le parti descendit la rivière des Outaouais jusqu’à l’entrée du canal.

Les officiers de l’expédition représentent le pays qu’ils ont traversé, comme n’offrant rien de bien intéressant; et l’espace qui se trouve entre Ouémontichingue et la rivière au Lièvre, et sur les bords de cette rivière, comme sablonneux en plusieurs endroits, et ne produisant-guère d’autres arbres que le tremble et le bouleau, tandis que les bords des lacs offrent par-ci par-là de hauts rochers taillés à pic. Le sol s’améliore pourtant graduellement, après qu’on a passé le lac des Sables, et qu’on approche de la Grande Rivière.

Les Têtes de Boules, tribu qui ne compte pas présentement 200 âmes, chassent dans l’espace compris entre Ouémontichingue et la rivière au Lièvre; mais le gibier n’y est pas très abondant.

La minéralogie du pays n’offre rien non plus de bien extraordinaire. Le parti explorateur n’y a trouvé aucun indice de mines de charbon ou de métaux, si ce ne sont quelques légères apparences de mines de plomb, mais où le minerai ne paraît pas assez abondant pour mériter d’être exploité. On a dit qu’il y avait d’abondantes mines de plomb sur les bords de la rivière Gatineau; mais l’apparence du pays traversé par le parti explorateur, si elle est la même plus à l’ouest, semblerait rendre cette assertion fort douteuse.

Les eaux des lacs intérieurs sont remplis de truites, de brochets, de dorés, et autres poisons de la meilleure qualité; mais le gibier n’est nulle part très abondant. Le principal résultat de cette expédition, c’est la preuve qu’il existe une grande communication par eau entre le Saguenay et la rivière des Outaouais à Hull.

Montreal Gazette.

PORTRAIT DU ROI.

Nous avons vu avec plaisir la copie du portrait de sa Majesté, que Mr. Légaré, de cette ville, tire présentement, sur celle de Mr. Weathley, d’après l’original de Sir Thomas Lawrence. Mr. Légaré a parfaitement réussi à attrapper le ton du tableau qu’il étudie, et la draperie, ainsi que les joyaux et la broderie en or, sont remarquablement bien imités. Le tableau est presque achevé, et c’est un bel échantillon de l’habileté de cet artiste canadien, qui n’a eu que son bon goût et ses talens naturels pour guides dans l’art qu’il a cultivé et qu’il pratique avec honneur pour lui-même et pour son pays. Nous apprendrions avec plaisir qu’il éprouve assez d’encouragement pour l’induire à continuer de suivre les hauts sentiers de sa profession: nous ne doutons pas qu’un peu d’instruction, et l’occasion d’étudier les grands maîtres, ne missent Mr. Légaré bien au-dessus d’un peintre médiocre.

Mercury.

Nous avons eu nous-mêmes occasion de voir le travail de Mr. Légaré. Ce n’était encore qu’une ébauche, mais ce qui en était achevé nous a semblé être une imitation parfaite de la copie de Mr. Weathley. Nous avons même cru y remarquer cette amélioration, que le visage, trop jeune, en apparence, dans l’ouvrage du peintre anglais, semblait, dans celui de notre compatriote, plus convenable à l’âge de sa Majesté, lors de son couronnement.

Editeur.

INDUSTRIE.

On verra par un avertissement inséré dans une autre colonne de notre journal, (dit le Canadian Freeman d’York, dans le Haut-Canada,) que Mr. W. Long a établi en cette ville une manufacture de parchemin. Il est du devoir de tons ceux qui veulent le bien du pays d’encourager les manufactures domestiques: elles font circuler l’argent dans le pays et en augmentent les richesses. Il ne peut y avoir une plus grande preuve de la prospérité d’York que l’établissement presque journalier de quelque nouvelle branche de manufacture, qui n’y était point auparavant en opération.

Nous apprenons avec plaisir, (dit le Quebec Mercury,) qu’à l’assemblée des marchands tenue à la bourse de cette ville, on a ouvert une souscription, à l’effet de construire un vaisseau à vapeur pour naviguer entre Québec et Halifax.

LIVRES ELEMENTAIRES.

Nous avons vu avec plaisir, ces jours derniers, à la librairie de MM. E. R. Fabre & Cie. le Maître Français, imprimé pour la seconde fois, par Mr. L. Duvernay, mais sur un plan beaucoup amélioré, quant au papier, à l’impression, et surtout au contenu. Ce petit livre renferme, autant que nous en avons pu juger en le feuilletant, tout ce qu’il faut à un enfant, pour apprendre, non seulement à lire correctement, mais encore à bien orthographier. La petite grammaire, qui en forme comme la seconde partie, nous a paru rédigée avec beaucoup de soin: plusieurs articles y sont traités avec plus d’étendue que dans la grammaire de Lhomond, et il y en a un sur la prononciation, qui ne se trouve pas dans cette dernière. En un mot, nous croyons que ce petit livre sera pour nos écoles élémentaires une acquisition précieuse, qui mettra les maîtres et les écoliers en état, les uns d’enseigner et les autres d’apprendre les élémens de leur langue, beaucoup plus facilement que par le passé. Un tel livre introduit dans toutes les écoles élémentaires, en supposant qu’il y eût de ces écoles partout où besoin serait, améliorerait de beaucoup, nous n’en doutons pas, dans l’espace d’un certain nombre d’années, le langage des classes ouvrières et agricoles.

Mr. Duvernay a aussi imprimé, dernièrement, une Méthode courts et facile pour apprendre à bien lire le Latin, petit livret, au moyen duquel un enfant tant soit peu intelligent, peut en effet apprendre à lire correctement en latin, dans l’espace de quelques jours.

On nous dit que le même Mr. D. se propose d’imprimer aussi (sans doute plutôt dans la vue d’être utile à ses compatriotes, que d’y faire du profit,) un livret contenant les quatre premières règles de l’Arithmétique, et peut-être aussi une petite Géographie élémentaire. Ce serait bien, en effet, le moyen de mettre les parens peu fortunés en état de procurer, presque pour rien, à leurs enfans, une espèce de petite bibliothèque, qui pourrait leur être très utile et contribuer à améliorer de beaucoup leur sort futur.

Nous oubliions de parler du Nouveau Traité abrégé de la Sphère, sorti de la même presse, et aussi à vendre chez MM. E. R. Fabre & Cie. C’est encore un de ces petits ouvrages qui se recommandent par eux-mêmes, et qui valent à ceux qui les achètent infiniment plus qu’ils ne leur coûtent.

ESSAI EPIGRAMMATIQUE.

Plante-moi là cette Gazette,

Qui n’est bonne qu’à m’ennuyer,

Et qu’il le faut pourtant payer;

Disait, à son mari, Lucette,

D’un ton approchant du courroux.

J’ignore ce que dit l’époux:

Quant à moi, j’eusse dit: “Mamie,

St vous n’en êtes point l’amie,

Pourquoi, diable, la lisez-vous?”

REGISTRE PROVINCIAL.

Mariés: À St. Gilles, le 27 d’Octobre dernier, Jean Bte. Laporte, écr. Seigneur du Cap. Blanc, à Dame veuve Dallaire;

À Montréal, le 31, Mr. John Simpson, Négociant, à Dlle Eléonore Barron, fille de Thomas Barron, écuyer.


Commissionnés: Mr. Z. J. Truteau, Notaire Public;

J. B. R. Hertel de Rouville, écr. Lieutenant Colonel Commandant du Bataillon de Milice de Bedford;

Mr. Gédéon Coursolles, Lieutenant et Adjudant au même Bataillon;

William Henry Scott, écuyer, de St. Eustache, a été élu, sans opposition, membre de l’Assemblée, pour le comté d’York, en remplacement de feu J. Bte. Lefebvre, écuyer.


Accidens.—Hier (11) dans l’après midi, pendant que les travailleurs occupés à l’Eglise Paroissiale de cette ville, étaient à défaire les échafauds, une poutre qui manqua fit perdre pied à trois d’entre-eux. L’un; nommé Lamoureux, jeune homme de 16 ans, reçut un coup mortel en tombant, et expira quelques instans après. Le second a reçu une blessure dangereuse, mais on espère qu’il en reviendra; il est à l’Hôtel-Dieu. Le troisième en a été quitte pour une légère contusion.—La Minerve.

Vendredi dernier, (30 Octobre,) il s’est tenu une enquête du Coronaire sur les corps de Julie Eléonore et d’Adeline, enfans jumelles de M. Olivier Fiset, marchand dans la rue St. Jean. Les jurés rapportèrent la déclaration de—«empoisonnés par de l’opium administré aux défuntes, par mégarde.»

Il fût déposé que deux phioles de sirop de pavot avaient été achetées des religieuses de l’Hôtel-Dieu, pour le prix de 12 sous chacune, afin de faire reposer les enfans pendant la nuit. On acheta une troisième phiole chez les religieuses, mais malheureusement celle-ci se trouva être, par mégarde, une forte solution d’opium, dont la première dose causa la mort en quelques heures.

Gazette de Québec.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 10, Novembre 1829. by Michel Bibaud]