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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 11, Decembre 1829.

Date of first publication: 1829

Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)

Date first posted: Dec. 31, 2021

Date last updated: Dec. 31, 2021

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La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 1er. DECEMBRE 1829. Numero XI.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION)

Une grande partie des Acadiens, ou Français neutres de la Nouvelle Ecosse, connue on les appellait, s’étaient retirés, ainsi qu’on l’a vu, de la presqu’île sur le continent. Les Anglais et les Français travaillaient, les uns à faire repentir les émigrés de leur démarche, et à les faire rentrer dans leur pays natal, les autres à faire que leur exemple fut imité du reste des Acadiens. Ces derniers, qui ne pouvaient sympathiser avec leurs nouveaux voisins, ni ne voulaient consentir à perdre le nom de Français, prirent en effet la résolution de passer aussi sur la terre-ferme de l’Acadie, et ils se préparaient à mettre cette résolution à exécution, lorsque les autorités anglaises, voulant prévenir ce qu’elles appellaient une désertion, les assemblèrent, sous le prétexte de leur faire renouveller le serment qu’ils avaient autrefois prêté au nouveau souverain de leur pays. Ils ne furent pas plutôt réunis, qu’on les embarqua sur des vaisseaux qui les transportèrent dans d’autres colonies anglaises, où le plus grand nombre, dit l’abbé Raynal, périt encore plus de chagrin que de misère. Une partie de ceux de Miramichi, craignant d’éprouver un sort semblable, s’embarquèrent sur les vaisseaux qui leur avaient apporté des provisions, et arrivèrent à Québec, dans l’automne de 1755. Ils furent confiés aux soins de M. Cadet, qui, suivant l’historien anglais du Canada, au lieu de leur fournir des provisions saines, ne les nourrit que de chair de cheval. On leur avait promis des terres, et l’on en donna à ceux qui en voulurent prendre, mais avec cette différence, au dire du même historien, que ceux qui consentirent à s’établir sur la seigneurie de M. de Vaudreuil et sur celle de M. Péan, obtinrent des faveurs qui furent refusées aux autres.

Cependant, le gouverneur général ayant appris que les Anglais avaient construit un nombre de petits forts sur la route d’Oswego, pour la sûreté du transport des provisions, et qu’ils avaient dessein de construire des vaisseaux à l’embouchure du la rivière où était située cette place, afin d’obtenir la supériorité sur le lac Ontario, et de couper par là la communication avec les postes français situés au-dessus, il forma un parti d’environs Français, Canadiens et sauvages, qu’il mit sous le commandment de M. Chaussegros de Léry, fils du célèbre ingénieur de ce nom, et lieutenant au corps de la marine. Ce détachement partît de Montréal, le 17 Mars 1756, et après avoir traversé un immense désert et enduré de grandes fatigues, il arriva à la vue d’un fort en pieux de bout, où était posté un lieutenant nommé Bull, avec vingt-cinq-hommes. Mr. de Léry fit sommer cet officier de se rendre: sur son refus, le fort fut attaqué avec vigueur et emporté de vive force, et la plus grande partie de ceux qui le défendaient furent massacrés par les sauvages, malgré les efforts de M. de Léry et des Français pour les sauver. Mr. Smith, qui rapporte ce fait, ne dit pas si l’expédition française s’en retourna à Montréal, après cet exploit, ou si elle continua à agir dans ces quartiers, ou, d’après ce qui vient d’être dit, il devait y avoir plusieurs autres forts comme celui où était posté le lieutenant Bull.

Quoiqu’il en soit, M. de Contrecœur n’ayant pas acquis l’estime et l’amitié des sauvages de l’ouest, autant qu’il aurait été à désirer, pour l’intérêt du gouvernement, il fut rappellé, et remplacé au fort Duquesne, par M. Dumas, qui s’était distingué, comme nous l’avons vu plus haut, à la défaite du général Braddock. D’un autre côté, M. Céleron, qui avait réussi à raffermir dans l’alliance des Français tous les sauvages des environs du Détroit et de Michillimakinac, demanda son rappel, en conséquence de quelque mécontentement qu’il avait éprouvé, et eut pour successeur M. de Mery, capitaine dans les troupes de la colonie. Celui-ci s’étant brouillé avec les commerçans du Détroit, se retira de ce poste, et fut remplacé par M. Picoté de Bellestre, officier canadien.

Cependant, M. de Vaudreuil n’était pas inactif dans la capitale: il comprenait qu’il était de la plus grande importance pour la sûreté et l’avantage du Canada, de ne point permettre que les Anglais devinssent les maîtres sur le lac Ontario; mais pour cela, il fallait les déloger du poste d’Oswego, où ils continuaient à se fortifier de plus en plus. Comme pour préluder à cette entreprise, il envoya dans ces quartiers un parti de trois cents hommes sous les ordres du même M. de Villiers, dont nous avons déjà eu occasion de parler. Cet officier construisit, à quelque distance d’Oswego, un fort en palissades, tellement entouré d’épaisses forêts, qu’il fallait en être tout près, pour l’appercevoir; ce qui lui donna le moyen d’intercepter à plusieurs reprises les effets et les provisions envoyés d’Albany à Oswego.

Le dessein des Français sur cette dernière place étant parvenu aux oreilles des Iroquois, ils tinrent un grand conseil, à la suite duquel ils firent partirent trente députés pour Montréal. Ils y trouvèrent M. de Vaudreuil, et dans l’audience que leur donna ce général, après l’avoir complimenté sur la conduite qu’il avait tenue jusqu’alors à l’égard de sa nation, le chef qui portait la parole, lui dit que l’intérêt et le désir des Cantons étaient de demeurer neutres, et que c’était pour cela qu’ils n’avaient jusqu’alors favorisé ni les Anglais ni les Français, dans les différens qu’ils avaient entr’eux; qu’il espérait qu’Ononthio continuerait à avoir pour eux la même bienveillance qu’il leur avait déjà montrée en plusieurs occasions, et que le gage le plus sûr qu’il pût leur en donner, ce serait de ne leur point fermer le chemin entre Montréal et Oswego.

Le gouverneur leur répondit que la coutume de ses guerriers était d’aller chercher leurs ennemis, et de les combattre partout où ils les trouvaient, mais que s’ils lui promettaient de ne point se joindre aux Anglais, il donnerait des ordres pour qu’il ne leur fût fait aucune insulte. Il les renvoya ensuite, après leur avoir fait distribuer les présens accoutumés.

Tandis que ceci se passait à Montréal, il arriva à Québec un grand corps de troupes, sous les ordres du général marquis de Montcalm, du chevalier de Levi, brigadier, et du colonel de Bourlamaque. Le marquis de Montcalm monta de suite à Montréal, où était le gouverneur général, afin de se conserter avec lui sur les opérations de la campagne. Il approuva fort qu’on eût envoyé des troupes pour bloquer Oswego, ou lui couper la communication avec Albany; et après avoir donné les ordres qui lui parurent nécessaires, il se rendit à Frontenac, pour y attendre l’arrivée des troupes qui montaient de Québec, ainsi que des Canadiens et des sauvages qu’on assemblait à Montréal. En attendant, il fit bloquer l’embouchure de la rivière d’Oswego par deux vaisseaux armés, et envoya des partis de sauvages en différents endroits sur la route d’Albany, afin doter aux Anglais tout moyen de communication. Les troupes attendues arrivèrent enfin, et le 4 Août, M. de Montcalm se mit en marche avec la première division, et arriva le 6, à la baie de Niaouaré, où il fut joint, deux jours après, par la seconde division, avec l’artillerie et les provisions. M. Rigaud de Vaudreuil, gouverneur des Trois-Rivières, avait eu ordre de prendre les devans, avec un corps considérable de Canadiens: il arriva le 7 à trois lieues d’Oswego, et fut joint, le 10, par la première division. M. de Rigaud s’avança alors par les bois jusqu’à une demi-lieue des forts anglais, (car il y en avait deux à l’embouchure de la rivière), afin de favoriser le débarquement du principal corps d’armée. La première division arriva le 10 au soir, et la seconde l’ayant jointe, le débarquement se fit le 12, à minuit.

Le marquis ayant fait ses disposions, ouvrit d’abord la tranchée devant le fort Ontario. La garnison fit un feu soutenu, le 13, depuis la pointe du jour jusqu’à six heures du soir. Ses munitions se trouvant alors épuisées, elle encloua ses canons, et se retira au fort Oswego. Aussitôt que le général français se fut apperçu de ce mouvement, il envoya un gros détachement pour prendre possession du fort abandonné. Plusieurs des canons qu’avaient laissés les Anglais s’étant trouvés en état de servir, on les dirigea contre l’autre fort. Le feu de ces canons joint à celui des batteries qu’on avait érigées, effectua bientôt une brèche considérable dans les murs du fort Oswego, et M. Mercer, le commandant, ayant été tué, la garnison demanda à capituler, à la condition d’être conduite à Montréal prisonnière de guerre; ce qui lui fut accordé.

La perte des Anglais fui de cent cinquante hommes tués et blessés, et celle des Français de quarante. Le seul officier tué fut M. Descombes, ingénieur: le colonel Bourlamaque, et les capitaines Parmarol et Parquet, du régiment de la Sarre, furent du nombre des blessés. Outre les deux forts dont nous venons de parler, sept vaisseaux de huit à dix-huit canons, deux cents bateaux, plusieurs pièces d’artillerie et une grande quantité de provisions de bouche et d’effets militaires tombèrent entre les mains des Français. Les étandards pris aux Anglais furent suspendus, comme trophées, dans les églises de Québec, de Montréal et des Trois-Rivières. Les prisonniers, au nombre de douze cents, furent traités avec beaucoup d’humanité, à Montréal, d’après le témoignage de M. Smith lui-même, et échangés avant la fin de l’année.

La victoire d’Oswego, ou de Chouaguen, ajouta beaucoup à la réputation que le marquis de Montcalm s’était déjà faite en Europe, et ne contribua pas peu à entretenir, à augmenter même le goût pour la guerre, ou pour parler plus juste, peut-être, l’enthousiasme militaire des Canadiens. Ce général, après avoir démoli les forts dont il venait de se rendre maître, redescendit, avec ses troupes à Montréal, où il passa l’hiver.

Dans l’automne de la même année 1756, d’autres Acadiens de Miramichi, et ceux des environs du fort de Beauséjour, qui avait été attaqué et pris par les Anglais, arrivèrent à Québec, pour être plus en sûreté, et dans l’espoir qu’on ne les laisserait manquer de rien de ce qui leur serait nécessaire. Ils étaient porteurs d’un mémoire, où parlant pour eux-mêmes et pour ceux de leurs compatriotes, qui étaient restés en Acadie, ils représentaient, en substance, au marquis de Vaudreuil, “qu’ils n’avaient pas été la cause de la reddition de Beauséjour,” comme il avait plu à M. de Vergor de le dire; que leur attachement à la France ne pouvait pas se mieux prouver que par le rejet des offres avantageuses que leur avaient faites les Anglais; qu’ils étaient réduits à un état d’autant plus déplorable, qu’ils n’y voyaient pas de terme, si le gouverneur général ne venait pas promptement à leur secours, et ne les prenait pas sous sa protection; que la cause de cet état déplorable était un attachement à la France, que les Anglais n’avaient jamais pu leur faire perdre; qu’ils auraient cru se déshonorer en acquiesçant à ce que les Anglais exigeaient d’eux, particulièrement dans un temps où ils étaient en guerre avec la France; que les habitans de Beaubassin, des Mines et autres villages, étaient ou prisonniers des Anglais, ou dispersés dans les bois; que leur seul désir était de se venger de leurs persécuteurs et de redevenir, sous tous les rapports, les sujets d’un roi qui leur était devenu d’autant plus cher, qu’il avait pris soin de les protéger et de pourvoir à leurs besoins en toutes occasions; que leur état de dénouement et le refus constant qu’ils avaient fait d’obéir aux autorités anglaises, en ce qui dépassait leur condition de neutralité, parlaient d’autant plus hautement en leur faveur, qu’on savait que c’était en conséquence de leur attachement au gouvernement de France qu’ils avaient abandonné leur terre natale et les biens qu’ils y possédaient, pour venir s’établir, au nombre de trois mille, à Miramichi, Beauséjour, &c. Ceux qui étaient restés à Miramichi priaient qu’il fût nommé une personne pour agir parmi eux comme surveillant, et faire une équitable répartition des vivres et des effets qui leur seraient envoyés du Canada. Enfin tous demandaient à être regardés et traités comme l’étaient les autres sujets de sa majesté Très-Chrétienne en Amérique.

Et certes! il méritaient bien qu’on eût égard à leur prière, et qu’on leur accordât leur demande. Si c’est bien mériter d’un gouvernement que de lui sacrifier volontairement ses intérêts privés et personnels, quels sujets méritèrent mieux de celui de France que les bons et honnêtes Acadiens? Sans doute, ce gouvernement eut toujours pour eux de la bienveillance, et leur donna même des preuves d’une sollicitude particulière; mais il n’en fut pas de même de ses employés dans ce pays; les Acadiens réfugiés éprouvaient assez souvent de leur part du dédain, de la dureté, et quelquefois même une espèce de spoliation. Une partie de ceux qui étaient venus à Québec, étaient porteurs de bons ou billets, qu’ils présentèrent à l’intendant. M. Bigot, qui ne voulait pas que la cour eût connaissance de la dépense, ou plutôt du gaspillage des deniers publics qui avait eu lieu, remit à payer ces bons, après qu’il aurait tiré les lettres de change pour l’année. Plutôt que de souffrir en attendant, ils s’adressèrent au secrétaire de l’intendant, qui ayant des liaisons avec le trésorier, et étant receveur de la taxe imposée aux habitans de Québec pour la construction de casernes, avait toujours beaucoup d’argent à sa disposition, et il leur changea leurs billets, moyennant un escompte du tiers ou plus de leur valeur. Ces billets payés ensuite en plein par l’intendant à son secrétaire, procurèrent à celui-ci un profit considérable.

(A CONTINUER.)

SUPPLEMENT CRITIQUE.

CHAPITRE TROISIEME.

Manière simple de détruire les Puces des Blés, &c. &c.

Contraire aux doutes qu’a manifestés un correspondant de la “Bibliothèque Canadienne,” je crois qu’il est bien possible à la mouche hessoise de déposer dans l’épi, sur les grains de blé, et ce, malgré leurs envelopes naturelles, ses œufs qui produisent les insectes qu’on appelle puces, et qui causent tant de ravages. Je crois encore qu’il est aussi bien possible à ces œufs, de demeurer intacts et dans un état productible, malgré les opérations de la cueille, du battage et du vanage, étant fortement attachés au grain par une substance glutineuse dont les entourre la mouche qui les produit. Mais il parait que lorsque le blé a été exposé à l’eau de la pluie, ou d’autre source, pendant ou après la récolte, ces petits œufs, d’abord transparents et imperceptibles à l’œil naturel, deviennent opaques; et c’est même un fait d’observation commune parmi nos cultivateurs attentifs aux événemens qui les intéressent, que le blé est souvent taché: et que lorsqu’il l’est considérablement, la crue qui en provient est ordinairement beaucoup mangée des puces. Un cultivateur de cette paroisse ayant été, l’hiver dernier, dans le hangar de notre curé, lui prédit que le blé de cette année serait mangé, parce que celui qui devait être employé à en faire la semence était taché.

Quelle que soit la cause ou la manière productive des puces, toujours, nous n’en ressentons que trop souvent les effets dommageables, et s’il est des moyens faciles et capables de les prévenir et de les empêcher d’avoir lieu, on ne doit pas négliger de les faire connaître et d’en recommander partout l’emploi. Or l’expérience a déjà prouvé que l’usage de la chaux et de la cendre diminue, et même empêche totalement les ravages de ces insectes injurieux qui, au moyen de l’humidité et de la chaleur vivifiante du printemps, commencent à prendre naissance avec la germination du blé. Quelques cultivateurs nous ont fourni, cette année, plusieurs exemples frappants de ce fait incontestable.

Outre cette méthode, que j’ai recommandée, il y a déjà près de deux ans, de répandre la chaux et la cendre sur la surface de la terre, quelques jours après l’avoir ensemencée, avec intention de faciliter l’accroissement des grains et de détruire la vermine, un correspondant du “Canadian Courant” nous enseigne encore la suivante: “trempez le blé de semence dans l’eau pendant douze-heures; étendez-le sur le pavé de la batterie, de manière à faire échapper l’eau surabondante; ensuite prenez de la chaux fraichement, éteinte, et mêlez-la au blé en quantité suffisante pour que tous les grains en soient couverts, ayant soin de bien remuer le blé avec une pelle, de manière à ce qu’aucune partie n’échappe au contact immédiat de la chaux qui, ainsi appliquée, détruira promptement les œufs, et par conséquent préservera les grains de la destruction.”

Cette méthode peut-être préférable à la première; et outre le grand avantage de pouvoir détruire les œufs qui engendrent les puces des blés, et autre vermine, comme l’autre, elle a encore celui, par la présence plus immédiate et l’adhésion de la chaux sur ce grain, de contribuer beaucoup à son accroissement, par la nourriture dont elle lui facilite l’approche, l’absorption et l’assimilation, de quatre manières différentes. Mais avant de procéder à leur énumération, pour agir d’une manière un peu scientifique, je dois poser ici quelques principes fondamentaux pour nous guider plus sûrement dans notre entreprise.

Il faut donc sa rappeller d’abord que les alkalis de la chaux et de la cendre, &c. ont une grande affinité chimique pour quelques unes des substances élémentaires, le carbone, le soufre, le phosphore, l’oxygène, l’hydrogène, &c. &c. dont sont composés, en plus ou moins grande partie, tous les êtres animés; qu’au moyen de cette affinité, les corps organiques avec lesquels les alkalis sont mis en contact sont décomposés, détruits et convertis en différents gaz, acides, sels, &c. &c. qui, dans l’occasion et dans des proportions bien conditionnées, servent de nourriture aux plantes contingentes; et qu’outre ces substances élémentaires nutritives, provenant de la décomposition des corps organiques, et dont se nourrissent essentiellement les plantes, mais qui sont absolument étrangères à la terre, qui ne les possède que par endroits, d’une manière accessoire et très irrégulière, étant l’effet de l’art, ou de l’accident, ou l’opération naturelle de certaines lois physiques, les alkalis ont encore la grande propriété d’attirer l’eau imprégnée de ces principes nécessaires à la végétation, et de la tenir en contiguïté avec les parties altérantes des plantes végétantes.

Or, 1º. la chaux contient un alkali, et dans le cas actuel, elle décompose les œufs des puces en question, et, par le dégageaient des différents principes nutritifs qu’elle en occasionne à l’aide de l’humidité et de la chaleur solaire, &c. elle les rend, pour autant contribuables à la nourriture du blé dans son accroissement.

2º. La chaux ainsi adhérente au blé, ou dans la sphère de sa résidence dans la terre, attire à elle, surtout pendant la saison fraiche de la nuit, et absorbe de l’atmosphère, au moyen de l’alkali qu’elle contient, non-seulement l’eau, mais encore les diverses matières carbonées qui, à l’aide de l’humidité, sont portées au besoin des plantes, comme autant d’ingrédiens nécessaires à leur accroissement.

3º. Comme ou l’a déjà observé dans le chapitre précédent, la chaux, par sa qualité alkaline, agit encore comme un stimulant puissant sur les organes assimilateurs des plantes, ce qui les incite à absorber, avec plus d’aise et d’avidité, et à assimiler plus promptement les divers principes nutritifs qu’elle attire en contiguïté avec leurs parties altérantes.

4º. Comme le principe alkalin entre dans la nourriture qui est essentielle aux plantes, la chaux qui en contient peut y contribuer encore en quelque degré, ce qui peut faciliter beaucoup l’accroissement du grain soumis au chaulage. Mais, considérant cette proposition comme étant bien fondée, la bonne cendre doit être, dans le cas actuel, encore bien meilleure, vu qu’elle possède par rapport aux plantes, toutes les qualités de la chaux, et qu’elle leur est bien plus naturelle, l’alkali qu’elle contient, le potassium (ou la potasse) en étant extrait par le procédé de la lixiviation. Cette méthode de chauler le grain, ou, ce qui peut opérer les mêmes effets, de répandre de la chaux ou de la cendre sur la surface de la terre, quelques jours après l’avoir ensemencée, est donc excellente, et ne saurait être trop recommandée à l’attention particulière de nos cultivateurs canadiens, qui peuvent, avec peu de coutement et de peine, et ce sans aucun risque, la mettre généralement en pratique. Diverses expériences, surtout de l’année dernière, ont prouvé l’égale efficacité de ces deux méthodes peu différentes; et l’exemple que nous a fourni Mr. Partenais, de St. Paul, et un cultivateur de Longueil, ne nous permet pas d’entretenir, en cette occasion, aucun doute fondé. Une preuve saillante, du grand avantage de chauler le blé, se manifeste dans la citation suivante: “On prit du blé qu’on supposait être attaqué des puces; on opéra sur la moitié avec de la chaux, et on sema aussi l’autre moitié sur le même terrain, par planches alternatives; le résultat fut que le grain qui avait subi le chaulage vint à maturité et rapporta beaucoup, pendant que les planches où on avait semé le blé sans préparation furent presque totalement détruites!”

De l’usage de la chaux et de la cendre, en agriculture, vient encore le grand avantage qu’en reçoit le blé, parla chaleur additionelle à la vigueur qu’elles lui communiquent, et qui en accélèrent la végétation, de manière à le mettre en état de résister plus aisément aux ravages imprévus des inconstances et des rigueurs du temps d’une saison plus éloignée; ce qui n’est pas un objet d’une petite considération.

Mais si l’on doit se garder de l’effet destructeur des puces et autres insectes, on ne doit guère moins se préserver des nuisances des mauvaises herbes. Or outre les moyens déjà indiqués dans le système de Mr. Guillet et dans ce supplément, celui de laver le blé de semence dans une solution de sel commun, (muriate de soude) me paraît très recommandable, parce que, par rapport aux œufs des puces au moins, le sel pourrait produire le même effet que la chaux, et permettrait aux graines étrangères et au blé improductible de flotter sur la surface de la solution saline qui, étant plus pesante que l’eau ordinaire, ne saurait être déplacée par les graines plus légères des herbes, ni par les grains de blé tari.—Par cette méthode, qui n’empêche pas la pratique d’un chaulage plus doux, on a le grand avantage de se procurer une semence du blé le plus net et le plus pur; et comme, quelque simple qu’elle soit en apparence, elle est fondée sur des principes strictement philosophiques, je crois qu’on ne saurait trop en recommander, à nos cultivateurs canadiens, la mise en usage, qui leur est facile à tous.

Je ne saurais terminer ce chapitre sans témoigner le regret que j’éprouve de n’avoir pu donner à ce supplément tout le degré d’attention que demandait de moi l’importance des matières qui en font le sujet. Une faible santé, les occupations domestiques et de ma profession, et la courte période qui me restait pour l’écrire en temps convenable, ne m’ont pas laissé le loisir de la faire de la meilleure manière. Cependant, j’ose me flatter que, sous le rapport de la pratique, les deux derniers chapitres au moins seront jugés propres à accompagner l’excellent traité de Mr. Guillet; et que si on ne loue pas mon travail, on ne saurait du moins blâmer le désir que j’ai d’être utile à mes compatriotes, et de contribuer en quelque manière à leur avancement dans la pratique des arts de leur ressort; et l’agriculture étant le premier, comme aussi le plus nécessaire, le moindre effort contributif vers sa perfection ne doit pas être compté pour peu de chose.—C’est le désir d’être utile aux miens, irrésistible à celui qui écoute les doux sentiments de la nature, qui m’a fait revenir des Etats-Unis, où, après avoir été gradué en médecine, quelques circonstances favorables m’offraient une perspective aisée, et me permettaient de m’établir d’une manière avantageuse. Sincèrement intéressé au sort de mes compatriotes, si après une série de mauvaises années et de troubles politiques, ils parviennent enfin à un état plus heureux, je me réjouirai cordialement avec eux de les y voir prospérer; mais si, au contraire, le destin continuant de s’opposer à leur bonheur, vent les laisser demeurer sous l’influence du système affligeant de “turn him out” et de la gène oppressive où l’on vent nous maintenir, toujours fidèle à ma patrie adoptive et à son gouvernement, sans ce pendant le confondre avec les abus qui peuvent s’y glisser, je me trouverai encore heureux de pouvoir, en gémissant, allégir le fardeau, et porter avec eux, le joug ignoble que quelques étrangers arbitraires s’efforcent, déjà depuis longtemps, de nous imposser à tous.

CULTURE DU TABAC,

Dans la Virginie.

Le meilleur tabac de la Virgine se recueille sur une langue de terre qui s’avance entre la rivière d’York et celle de James. Les Virginiens ont porté la préparation de cette denrée à une telle perfection, que le tabac qu’ils débitent passe pour le meilleur du monde. Il s’en fait un commerce si prodigieux, que la plupart des maisons de la Virginie sont toujours accompagnées de grands magasins bâtis en bois, avec un grand nombre d’ouvertures, qui donnent passage à l’air sans en donner à la pluie.

Le débit de cette précieuse denrée se pratique d’une manière remarquable. Tout planteur (cultivateur) de tabac, qui destine sa récolte à l’exportation, la met en boucauts (tonneaux,) et l’envoie ainsi en magazin. Là, le tabac est ôté de sa barrique, que l’on défonce, et est sondé dans tous les sens, pour connaître sa qualité, sa netteté, et on le rejette comme non exportable, si on y apperçoit quelque défaut; dans le cas contraire, il est admis à l’exportation. Alors on le remet dans sa barrique, que l’on marque avec un fer rouge du nom du lieu de l’inspection, et l’on désigne sa qualité; puis il est mis dans les magazins de l’inspection, à la disposition du planteur, qui reçoit un certificat de la valeur, et en même temps constatant le dépôt. C’est en vendant ce papier au négociant que le planteur vend son tabac. Celui-là le connaît par le billet d’inspection, comme s’il l’avait inspecté lui-même; il envoie seulement son billet et le transfert au magazin où est le tabac, où il est délivré pour son compte.

Le culture du tabac, en Virgine, est difficile, et ses produits ne sont pas toujours certains. Il se sème dans le mois de mars, dans un terrain gras et un peu humide. Avant le temps de la semence, le terrain est couvert de petites branches d’arbres, que l’on y brûle pour détruire les herbes et les racines qui pourraient nuire à la croissance de la plante, et aussi pour féconder la terre par leurs cendres. Le tabac est semé par couches et fort épais dans un coin du champ le plus à l’abri qu’il est possible. Cette semence est couverte de branches, dans la crainte que le froid ne nuise à son dévelopement, et n’empêche la plante de pousser. Quand elle a trois à quatre pouces de haut, elle est transplantée dans le champ, qu’on a bien ameubli et travaillé en butte; un nègre, du coup du dos de la bêche, applatit le haut de la butte, et un pied de tabac est planté sur chacune d’elles, distantes l’une de l’autre de quatre pieds en tout sens. On tient constamment le terrain propre; on épluche la plante, et on lui arrache les feuilles, que l’on juge pouvoir nuire à sa parfaite croissance, en commençant toujours par celles qui sont le plus près de terré, et que l’humidité pourrait affecter. On en butte la tige, on en brise la tête avec l’ongle, pour l’empêcher de s’élever trop haut; on coupe tous les rejetons qui poussent sous les aisselles des feuilles; on arrache successivement toutes les feuilles, n’en laissant jamais plus de huit à neuf. Enfin, quand la plante est jugée mûre, ce qui a lieu dans le mois d’Août, elle est coupée et laissée plusieurs jours à sécher dans le champ, puis emportée dans des greniers: chacune d’elles y est séparément suspendue par la partie inférieure. Là les feuilles prennent par la dessication, un dernier degré de maturité, mais ne le prennent pas également; car cette dessication, qui a lieu au bout de deux jours pour quelques unes, dure plusieurs semaines pour quelques autres. A mesure que les feuilles sont sêchées, elles sont arrachées de la tige, et arrangées les unes sur les autres en petits paquets. Les feuilles les plus parfaites doivent être mises ensemble; les feuilles de qualité inférieure doivent encore être séparées en classes différentes; les petits paquets dé feuilles liées par leurs queues, sont mis ensuite sous la presse, puis entassés de force dans les boucauts.

(Beautés de l’Histoire des Etats-Unis.)

PLAN D’UN CONSEIL LEGISLATIF

Pour le Bas-Canada.

Mon plan serait, que le roi, en vertu de sa prérogative constitutionnelle, accordât à un certain nombre de propriétaires fonciers dû Bas-Canada, des titres héréditaires de distinction à certaines conditions. Les titres seraient, comme de raison, au choix de sa majesté; mais il serait désirable qu’ils fassent les mêmes pour tous, et que les titulaires fussent égaux en rang; le titre de baron me parait le plus convenable, attendu que nous avons déjà deux baronnies titulaires dans le pays, et qu’il est de soi, et dans l’origine, le même que celui de seigneur du manoir. Les conditions seraient, premièrement, qu’ils possédaient des biens-fonds rapportant franc et net un revenu annuel de £500 à £600, par exemple, et qu’ils substituassent ces biens du la manière autorisée par les lois françaises, c’est-à-dire par une substitution fidei-commissaire, qui paraît être la plus convenable au cas, et qui assure la propriété pour trois générations. Leur nombre devrait être proportionné à celui des grandes seigneuries et des grandes propriétés dans les townships, de cent soixante, par exemple. Ces cent soixante barons se réuniraient en assemblée électorale, et éliraient trente d’entr’eux pour siéger à vie au Conseil Législatif, et à la mort d’un de ces membres, ils en éliraient un autre. Ajoutant douze membres à nommer à vie par la couronne, comme ils le sont à présent, et le grand juge de la province et les deux évêques ex officio, le nombre des conseillers serait de quarante cinq: ce nombre pourrait être augmenté par la suite, si on le jugeait nécessaire: mais il parait être proportionne au nombre des membres qu’il y aura dans la chambre d’Assemblée, quand le nouvel acte sera en pleine opération. Ici se trouvent combinés les trois systèmes de conseillers héréditaires, élus et nommés. Si la proportion est celle qui conviendrait, c’est ce que prouveraient le temps et l’expérience, la pierre de touche de toutes les institutions. Les trente membres ainsi élus à vie pour le Conseil, ne pourraient pus, naturellement, être élus membres de l’Assemblée; il ne devrait pas non plus leur être permis de voter pour le choix de représentans; mais je ne vois pas pourquoi les autres barons ne seraient pas éligibles pour l’Assemblée, et ne pourraient pas voter pour le choix de membres pour cette chambre, aussi bien que les fils des trente barons conseillers, s’ils étaient d’ailleurs qualifiés, de la même manière que les fils des lords en Angleterre, et les pairs irlandais, avant l’union, pouvaient être élus membres de la chambre des communes.

Un changement aussi essentiel dans le Conseil Législatif, et conséquemment dans la Constitution du Bas-Canada, ne pourraient pas être effectué par l’autorité du roi seule, ni même par celle du parlement impérial, sans le consentement de notre parlement provincial; et l’on ne pourrait pas même le proposer ici sans enfreindre la prérogative royale; car d’abord, le roi est autorisé par l’acte constitutionnel à annexer à un litre héréditaire quelconque, qu’il peut conférer dans la province, le droit d’être appellé au Conseil Législatif, mais non pas à accorder le pouvoir d’élire des conseillers; et en second lien, il n’appartient qu’au roi, par l’acte constitutionnel, de déterminer comment le Conseil Législatif sera composé. Néanmoins, la chose pourrait prendre son origine ici, au moyen d’une adresse au gouverneur, le priant de représenter à sa majesté les vœux et les recommandations de la Législature de la province, sur ce sujet.

Mais que ferait-on du présent Conseil Législatif? La question n’est pas difficile à résoudre. Les conseillers sont nommés à vie; et il y en a onze qui possèdent de grandes seigneuries, ou autres propriétés foncières: ces messieurs pourraient être nommés barons et conserver leurs places, maintenant à vie; au nombre des dix restant, (sans compter le juge en chef, l’évêque, et tout naturellement, les trois qui sont morts dernièrement,) il y en aurait deux à ajouter par la nomination de la couronne: et il resterait à en élire dix-neuf d’entre les grands propriétaires titrés. Il est aisé de voir qu’un Conseil ainsi constitué, deviendrait dans l’espace de quelques années, bien différent de celui que nous avons présentement.

Cardo.

COURAGE EXTRAORDINAIRE.

Un vaisseau de Boston venait de mouiller dans la rade de la Barbade. Aussitôt qu’il eut jette l’ancre, plusieurs matelots, comme c’est d’usage, fort imprudents, se jettèrent à la nage pour se raffraichir, pendant que les autres, montés sur les vergues et dans les hunes, veillaient de tous côtés l’approche des requins. Quelques momens après, l’alarme fut donnée; ils aperçurent un de ces animaux d’une longueur énorme, dont la grande nageoire s’élevait au-dessus des eaux, qu’elle sillonnait. Tous les nageurs revinrent avec précipitation. Le monstre vorace voyant fuir sa proie, fend les vagues comme un trait, et arrive dans l’instant où le dernier des nageurs, saisi par ses camarades, était déjà presque dans la chaloupe, et lui emporte la cuisse et une jambe. Le malheureux matelot, hissé a bord, expire au bout d’une demi-heure.

Pendant cet intervalle, Emmanuel Purdy, de bout, les yeux fixés sur son camarade expirant, s’écria avec fureur, dès qu’il le vit rendre lé dernier soupir: “Mon camarade est mort! il était né dans la même ville que moi, à Darmouth, état de Massachusetts, et je pourrais me résoudre à ne le pas venger!” En achevant ces mots, il saisit un grand couteau, et va l’aiguiser sur la meule du charpentier. “Quel est ton dessein,” lui demanda-t-on. “De tuer le monstre qui me prive de mon compatriote,” répondit-il avec le sang froid du courage. Il monte ensuite sur le pont, se déshabille sans proférer une parole, et s’élance à la mer, avant qu’on eût pu deviner son projet. Le requin affamé, qui n’avait pas quitté les environs du vaisseau, en attendant une nouvelle proie, ne tarda pas à l’appercevoir. Il nagea d’abord lentement, suivant l’usage de ces poissons, voraces, lorsqu’ils voient un objet dont il vont s’emparer. L’équipage croyant voir dévorer son compagnon trop hardi, poussa un cri d’effroi. Emmanuel, sans se laisser troubler, n’épuise pas ses forces; il tient ferme son couteau, et avec une tranquillité admirable, il attend le monstre, qui s’approche la gueule ouverte; plonge et l’évite, et bientôt après reparaît à dix toises de distance. Il décrit un cercle autour de l’énorme cétacé, en nageant lentement pour l’attaquer sur les flancs. Le requin, dont tous les mouvemens annonçaient la fureur, certain d’atteindre sa proie, s’élance en se penchant sur le côté, la gueule des poisson de cette espèce étant placée à une si grande distance de leur museau, qu’ils ne peuvent rien saisir sans se renverser. C’était l’instant que le brave marin attendait. Déployant alors toute la présence d’esprit, toute la vigueur et l’énergie dont le courage est susceptible, il plonge son couteau dans le corps du monstre. Sa machoire à triple rang de dents se referme aussitôt; les coups terribles de sa queue font élancer dans les airs les flots de l’élément dans lequel il nage: il ne poursuit plus sa proie. Mais la blessure qu’il vient de recevoir n’était pas suffisante pour lui arracher la vie. Le matelot déterminé se tient entre deux eaux, avec l’adresse du poisson même, et le frappe encore plusieurs fois: bientôt la mer est teinte du sang de ce requin; ses mouvemens s’affaiblissent, il roule, surnage et meurt. Ce combat extraordinaire ne dura que sept minutes. La terreur dont tout l’équipage avait été saisi fut bientôt convertie en transports de joie, chacun d’eux, en aidant l’intrépide marin à monter à bord, se félicitait d’être le compagnon d’un homme qui avait osé attaquer corps à corps, et qui avait su vaincre un monstre si redoutable, dans son propre élément. Dès que le requin fut sur le pont du navire, son vainqueur lui coupa la tête, lui ouvrit le ventre, et en retira les membres de son camarade, qu’il rejoignit aux restes insensibles de celui qu’il venait de venger avec tant de courage.

(Lettres d’un Cultivateur Américain.)

INSTITUT DE FRANCE.

Mr. Geoffroy St. Hilaire fait, au nom de la commission chargée d’examiner les travaux de l’expédition scientifique envoyée en Grèce, un rapport sur les opérations de cette expédition.

Sous la direction de M. Bory de Saint-Vincent se trouvaient Mr. Virlet, pour la minéralogie et la géologie; M. Despréaux, pour la botanique; M. Pector, médecin, et M. Brusle, pour la zoologie; M. Delaunay, pour la géographie et la géologie; et M. Baccuet, dessinateur, pour toutes les parties. La traversée a été longue et pénible; ce n’est que dans les derniers jours de Mars que l’expédition a vu les côtes de Navarin. Après quelques jours d’un repos nécessaire, nos savans se sont livrés à l’examen intérieur et extérieur de la rade de Navarin. La commission a adressé au ministère la description de différens poissons et coquillages qui peuplent cette rade, et des côtes qui la bordent.

L’expédition s’est ensuite divisée en deux parties. MM. Pector et Delaunay ont été chargés d’explorer tout le littoral de la Messénie en partant de Modon. M. Despréaux, resté malade à Navarin, a été remplacé par un jeune chirurgien, M. Panaget, auquel M. le maréchal Maison a permis de s’adjoindre à l’expédition. M. Bory de Saint-Vincent, accompagné de MM. Virlet, Bruslé, et Baccuet, ont exploré l’intérieur des terres, à travers des montagnes et des vallées jusqu’ici peu fréquentées. Tous les voyageurs avaient pour instruction de prendre constamment trois hauteurs barométriques par jour.

Partout nos voyageurs ont trouvé les Grecs bons, hospitaliers, humains, intelligens; partout ils ont vu les Français accueillis avec reconnaissance et empressement. Les Grecs font précéder leurs prières publiques d’une prière pour la famille royale de France.

L’expédition a remarqué et signalé des débris de monumens de la plus haute antiquité. Un premier rapport, daté du 10 mai, contient le détail des observations que nous venons d’indiquer.

Dans un second exposé, M. Bory de Saint-Vincent rend compte de nouvelles excursions, et décrit d’abondantes collections de produits du sol, qu’il adresse au Muséum d’histoire naturelle. L’expédition augmentée d’un nouveau membre, M. Goguet de Bourley, envoyé par le ministre de l’intérieur, s’est encore partagée en deux sections: la première s’est embarquée pour explorer les côtes, la seconde a visité l’intérieur de l’Etolie. Le rapport signale un grand nombre d’erreurs dans les cartes que nous possédons. L’expédition continue à se louer de l’accueil qui lui est fait partout par les Grecs; elle fait les plus grands éloges de leur caractère moral et de leur capacité.

“Dans la Laconie comme dans la Messénie, dit M. Bory, les Français sont l’objet de la plus vive affection et d’un culte de gratitude qui porte les habitans, jusque dans les moindres villages, à ne plus commencer l’office divin que par une prière gêné-le pour la famille royale de France. Les Mœurs des Maniotes, dit M. Bory, nous ont singulièrement intéressés. Leur histoire sera certainement l’une des parties les plus piquantes de notre relation. Nous reclamons l’honneur d’avoir parmi les Européens, pénétré les premiers chez ces descendans des Spartiates, chez lesquels nous avons observé les mœurs des temps anciens modifiées par des coutumes féodales dont l’esprit nous reporterait au troisième siècle.

“La Laconie est susceptible des plus grandes améliorations; les terres y rendent considérablement, quoique mal tenues. Toutes les pratiques de l’agriculture et du jardinage y sont dans l’enfance, les fruits et les herbages d’une qualité très inférieure; les moindres terres sont délaissées et abandonnées aux roseaux et à toutes les plantes croissant spontanément. Quand on pense qu’on pourrait remédier à ce qui est là si défectueux, y prévenir l’insalubrité de beaucoup de terrains marécageux en y rapportant un grand nombre de plantes exotiques, dont on ignore même le nom, on juge qu’une commotion politique et le moindre changement dans les usages sont un bienfait pour cette partie de la Grèce, et deviennent ainsi secourables à l’humanité.”

Cependant l’excès du travail et les fatigues sous un ciel ardent devinrent enfin funestes aux voyageurs. M. Baccuet tomba d’abord dangereusement malade; puis M. Virlet, que son zèle emportait trop souvent. “A notre arrivée à Monembasie, continue le directeur de l’expédition, MM Bruslé et Delaunay, tous deux si pleins de zèle, tombèrent aussi malades. M. le docteur Pector resté en arrière dans son expédition maritime, ne put alors donner ses soins à ses collaborateurs. Ce fut un jeune médecin bavarois, Succharini, attaché aux troupes grecques régulières, qui fui appellé, ou plutôt envoyé expressément par M. le président de la Grèce.” Les malades convalescens au départ du courrier, ont été conduis par M. le directeur Bory sur un bateau à vapeur à Tisio, île de l’Archipel, à quinze heures de la côte.

Des récoltes abondantes ont été faites pendant ce voyage d’Arcadie et de Laconie; mais il n’en a encore été rien envoyé en France.

M. le rapporteur termine par une énumération des richesses scientifiques qu’on doit à la commission. Elle sont aussi nombreuses qu’on pouvait s’y attendre dans un pays connu depuis si longtemps, quoique d’une manière imparfaite, si voisin du nôtre et sous une latitude si peu différente. La commission de l’Institut donne les plus grands éloges au zèle, à l’activité et au savoir profond du directeur de l’expédition, ainsi que de tous les membres qui la composent. Il rappelle que c’est l’autorité qui a eu l’heureuse idée d’une expédition qui doit faire beaucoup d’honneur à la France. L’Académie des sciences, consultée pour le choix des sujets, n’a qu’à s’applaudir de ceux auxquels elle s’est fixée.

M. Brongniart fait à son tour un rapport sur deux mémoires de M. Virlet, relatif à la géologie de la Messénie, et notamment à celles des environs de Modon et de Navarin. La lecture de ce rapport n’a pas été terminée; nous en donnerons une idée dans la prochaine séance.

STATISTIQUE DE LA PRESSE EN FRANCE.

C’est en ce moment qu’il importe de passer en revue toutes ses forces, pour les bien connaître au besoin. Des relevés faits récemment établissent qu’il existe à Paris 152 journaux sur la littérature, les sciences et la religion, et 17 sur la politique, en tout 169; 151 de ces journaux sont rédigés par l’esprit constitutionnel, c’est-à-dire entendant la monarchie avec la Charte, et les 18 autres entendant la monarchie sans la Charte, ou revue et corrigée avec le droit d’aînesse, la loi d’amour, les rigueurs salutaires de la rue Saint Denis, MM. de Villèle et de Polignac.

Les 151 journaux constitutionnels ont 197,000 abonnés, 1,500,000 lecteurs, et donnent au trésor 1,155,200 francs. Les 18 autres ont 21,000 abonnés, 192,000 lecteurs, et ne donnent au trésor que 437,000f. par année.

Voici les noms des principaux rédacteurs des 10 journaux politiques quotidiens imprimés à Paris; il est assez intéressant de les connaître;

Le Moniteur, journal officiel, compte 2,500 à 4,000 abonnés, principalement parmi les fonctionnaires publics. Directeur, M.........: rédacteurs, MM. Massabiau, Peuchet, Amar, Aubert de Vitry.

Le Constitutionnel: Le nombre de ses abonnés est de 18,000 à 20,000. Il a pour rédacteurs MM. Etienne, Jay, Evariste Dumoulin, Thiers, Léon Thiessé, Année, Gilbert Desvoisins, le comte de Laborde, Thierry, Rolle.

Le Journal des Débats compte de 12,000 à 14,000 abonnés. Les rédacteurs sont; MM. Bertin-Devaux, Duviquet, Feletz, Lesourd, Guisot, Salvandy; Saint-Marc, Girardin, Becquet, M. de Châteaubriand lui a prêté l’appui de son immense talent.

La Quotidienne, 5,000 abonnés. Rédacteurs, MM. Laurentie, Michaud, Soulier, Mennéchet, Merle, Larose, Audibert, Ferdinand Laloue, Bazin et Charles Nodier.

Le Courrier Français, 4,500 abonnés. Il est rédigé par MM. Chatelin, Kératry, Jouy, Avenel, de la Pelouse, Alexis Jussieu, Moreau, Guyet, De Pradt, Benjamin Constant.

Journal du Commerce, 3,500 abonnés. Rédacteurs MM. Bert, Larregay, Rouen, Desloges, Justin, Gensoul, Leclerc, Guillemont, Thomas.

La Gazette de France, 2,000 abonnés. Rédacteurs, MM. de Genoude, Colnet, Sevelingues, Boisbertrand, Bénaben, de Rougement, René Perrin, Mme Bolly et les comtes de Peyronnet et de Corbière.

Messager des Chambres, 2,500 abonnés. Ce journal, qui depuis l’avènement du ministère Polignac semble avoir pris à tache de devenir le représentant des idées jeunes, est maintenant rédigé par MM. A. Romieu, J. Jani, Brucker, Véron, Royer, &c. Les anciens rédacteurs étaient MM. Molitourne et Capefigue.

Tribune des Départemens, 1,000 abonnés. Cette feuille, de nouvelle création, a pour rédacteurs M. Daunou et la plupart des écrivains de la Revue encyclopédique.

Nouveau Journal de Paris, 1,000 à 1,500 abonnés. Rédacteurs, MM. Léon Pillet, de Montglave, Eusèbe Salverte.

Voilà pour Paris; calculons maintenant pour la province. Le compte sera d’autant plus curieux, que l’opinion des départemens acquiert en ce moment une grande importance. Sachons donc quelle est cette opinion.

On compte dans les départemens 75 journaux, non compris les feuilles d’annonces et les bulletins administratifs. Sur ces 75, soixante-six propagent les doctrines constitutionnelles, et ne sont payés que par leurs abonnés, à qui leur opinion convient; un, le Mémorial de Toulouse, est écrit et payé par l’archevêché de Toulouse; 4 vivent sur les fonds secrets de la congrégation, et les 4 autres se soutiennent à leurs frais, jusqu’à ce que fatigués de vendre du monarchisme sans profit, ils ferment boutique, comme a fait la Gazette universelle de Lyon.

Ce n’est pas tout, complétons cette statistique de l’opinion, en France par les élections. Sur 100 électeurs réunis dans un collège pour une élection, on trouve 25 fonctionnaires publics révocables, 4 juges, 5 avocats, 4 avoués, 6 notaires, 3 médecins, 19 négocians et 43 personnes sans professions déterminées. Celles-ci donnent 36 voix aux candidats constitutionnels, les négocians 8, les médecins 2, les notaires 4, les avoués 1, les avocats 2, les juges et les fonctionnaires révocables 3; en tout, 60 voix constitutionnelles sur 100.

Parmi les 40 voix qui restent, 22 sont acquises aux ministères présens et futurs. Ce sont les Spartiates de tous les régimes, les omnibus de la politique; 8 à la congrégation, ce sont les dévots de place, et 10 aux partisans de la monarchie absolue, ce sont royalistes à la turque.—Le Compilateur.

VERRES ASTRONOMIQUES.

Nous avons parlé, il y a quelque temps, des efforts persévérants qu’on fait en Allemagne, pour amener à perfection cet objet si désirable en astronomie, la manufacture, pour les instrument, de verres exempts des défauts qui ont jusqu’à présent mis obstacle à l’exacte observation des corps célestes; et nous ne pouvions qu’être fachés de voir notre pays en arrière dans cette carrière honorable et profitable en même temps. Nous avons dit ensuite que Mr. Farraday (sans contredit, un des plus habiles chimistes dont l’Europe puisse se vanter,) avait dirigé ses talens sur cet objet, et avait réussi à effectuer une grande amélioration dans la fabrique des miroirs astronomiques; mais il lui semblait y avoir beaucoup à faire encore, avant qu’il pût être parfaitement satisfait du résultat de son travail. Nous avons présentement le plaisir sincère de pouvoir dire que Mr. Farraday a complètement réussi. Il peut maintenant fabriquer des lentilles d’un pied de diamètre, et même de deux pieds, s’il est nécessaire, d’une transparence si égale et si parfaire, qu’elles ne laissent rien à désirer a l’astronome le plus difficile, et ne peuvent manquer de donner des résultats propres à conduire à des découvertes extraordinaires dans le système celeste.

Literary Gazette.

VARIETES POLITIQUES, &c.

Angleterre.Londres, 7 Oct. Il paraît que le gouvernement est déterminé à procéder contre M. Lawless. Il avait excipé dans le dernier terme, et l’on croyait que la chose en resterait là; mais il n’en est pas ainsi, car le solliciteur général a signifié un avenir à son avocat.

Londres.12 Octobre. A mesure que l’on vient à mieux connaître les divers articles préluminaires du traité d’Andrinople, on en apprécie de plus en plus la sévérité, et ils ont suscité de la part des Européens auprès de la Porte, une remontrance couchée dans les termes les plus énergiques. On peut dire que l’Angleterre et la France battent la marche dans ce protêt, car ce n’est autre chose qu’un protêt; si les autres puissances n’y ont pas pris une part aussi marquante, il ne faut pas conclure qu’elles sont indifférentes sur les résultats probables d’un traité définitif assis sur de pareilles bases. L’Autriche, en particulier, a manifesté son mécontentement d’une manière non equivoque.

Les papiers de Liverpool sont remplis de rapports de courses entre des voitures locomobiles, dont l’une inventée par Erickson et Braithwaite, de Londres, du poids de 2 tonneaux, 15 quintaux, court sur le pied de 28 milles à l’heure. Cette voiture s’appelle le “Novelty” et est considérée comme le beau idéal de la locomobilité.

Irlande.—C’est avec beaucoup de satisfaction que nous voyons en état d’annoncer, sur des rapports publics et privés, que l’état de l’Irlande laisse appercevoir des marques évidentes d’amélioration. Le Vice-Roi, mu par le même esprit d’humanité et de conciliation qui lui a dicté son refus à une certaine application mal avisée pour faire revivre les bienfaits de l’insurrection dans un district provincial, a mis le veto sur une certaine coutume de vieille intolérance, qui jusqu’ici a souvent signalé l’inauguration du lord Maire de Dublin; nous voulons parler de la santé ridicule et offensante de la mémoire glorieuse.

France.—L’agitation contre le nouveau ministère continue encore. Les habitans de Grenoble, ou une partie d’entre eux ont pétitionné le Roi contre le ministère, contre lequel ils profèrent plusieurs fortes accusations, entre autres, de mépris pour la charte et pour la liberté de la presse; de favoriser la fraude dans les élections; d’avoir levé des taxes exhorbitantes, de s’être opposé à l’éducation publique. &c. &c.

Italie.—Des lettres de Rome annoncent que le pape, étant informé des ventes continuelles d’esclaves à Rio de Janeiro, et que le commerce d’esclaves s’y fait encore d’une manière scandaleuse, a chargé son nonce de représenter la chose à l’empereur Don Pedro, et d’obtenir de sa majesté impériale la prohibition de cet infame trafic.—(Papier de Paris.)

REGISTRE PROVINCIAL.

Mariés: A St. Antoine, le 9 du présent mois par Messire Alinotte, Mr. Albert Piché, Marchand, de Contrecœur, à Dlle Lucie Brazeau;

A Ste. Thérèse de Blainville, le 10, par Messire Ducharme. Mr. F. X. Valade, Etudiant en droit, de Terrebonne, à Dlle Ephise Prévost;

A St. Roch de Québec, le 24, par Messire Maillou, Mr. Narcisse Hamel, à Dlle Emilie Knight.

Décédês: A Québec, le 17, Dame Marie Geneviève Noel, veuve de feu Joseph Drapeau, écuyer, Seigneuresse de Rimouski, &c.

A Montréal, le 23, Ludger Alphonse, enfant de Mr. L. Duvernay, âge de 14 mois;

Au même lieu, le 24, Joseph Philippe Arthur, enfant de Philippe Bruneau, écuyer, âgé de 10 mois:

A L’Assomption, le 27, Louis Raymond, écuyer, N. P. âge de 76 ans.

Commissionnés: Robert Armour, fils, et Hugh Taylor, écuyer, Avocats et Procureurs; MM. P. M. Bardy et C. Z. Frémont, Médecins et Chirurgiens; Germain Guay et F. X. Racicot. Notaires; A. J. Russel, Arpenteur, et F. Winter, écuyer, Schérif du District inférieur de Gaspé.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 11, Decembre 1829. edited by Michel Bibaud]