* A Distributed Proofreaders Canada eBook *

This eBook is made available at no cost and with very few restrictions. These restrictions apply only if (1) you make a change in the eBook (other than alteration for different display devices), or (2) you are making commercial use of the eBook. If either of these conditions applies, please contact a https://www.fadedpage.com administrator before proceeding. Thousands more FREE eBooks are available at https://www.fadedpage.com.

This work is in the Canadian public domain, but may be under copyright in some countries. If you live outside Canada, check your country's copyright laws. IF THE BOOK IS UNDER COPYRIGHT IN YOUR COUNTRY, DO NOT DOWNLOAD OR REDISTRIBUTE THIS FILE.

Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 6, Septembre 1829.

Date of first publication: 1829

Author: Michel Bibaud (1782-1857)

Date first posted: Dec. 26, 2021

Date last updated: Dec. 26, 2021

Faded Page eBook #20211261

This eBook was produced by: Marcia Brooks, John Routh & the online Distributed Proofreaders Canada team at https://www.pgdpcanada.net



La Bibliothèque Canadienne


Tome IX. 15 SEPTEMBRE, 1829. Numero VI.

HISTOIRE DU CANADA.

(CONTINUATION.)

Loin d’être découragé par le mauvais succès de son entreprise, le gouvernement de France résolut de faire incontinent de nouveaux efforts pour reprendre le Cap Breton, et même ce qu’il avait perdu en Acadie. Pour cet effet, il prépara un armement, et fit appareiller, dans le port de Brest, une escadre dont le commandement fut confié à M. de la Jonquière, qui joignait la commission de vice-amiral à celle de gouverneur général de la Nouvelle France. Cette escadre mit à la voile dans le mois d’Avril 1747, conjointement avec une autre sous les ordres de M. de St. Georges, et qui devait agir contre les établissemens anglais des Indes Orientales.

Le ministère anglais, qui avait été informé à bonne heure des préparatifs de la France, et qui savait que les deux escadres devaient, pendant quelque temps, faire route de compagnie, comprit qu’il n’avait rien de mieux à faire que d’essayer à les intercepter avant qu’elles se fussent séparées. En effet, à peu près dans le même temps que les escadres françaises sortaient du port de Brest, l’amiral Anson et le contre-amiral Warren firent voile de Plymouth avec une escadre supérieure à celles qu’ils avaient ordre de chercher. Ils se dirigèrent vers le cap Finistère, sur les côtes de la Galice, et le 3 Mai, ils rencontrèrent les escadres françaises, qui se composaient de six vaisseaux de ligne, d’autant de frégates et de quatre vaisseaux armés de la compagnie des Indes, ayant sous convoi une trentaine de navires chargés de marchandises. Aussitôt les vaisseaux de ligne troussèrent la voile et se formèrent en ordre de bataille, tandis que les batimens marchands faisaient force de voiles pour s’éloigner, sous la protection des frégates. Ce fut peut-être une faute lourde de la part des amiraux français d’éloigner d’eux toutes leurs frégates, en présence d’un ennemi déjà supérieur en force, et qui le devenait beaucoup plus par cette séparation: aussi voulurent-ils s’éloigner des Anglais, dès qu’ils virent leur convoi à une certaine distance; mais ces derniers, qui ne s’étaient pas pressés d’attaquer, tant qu’ils avaient vu les vaisseaux de ligne et les frégates à portée de se soutenir, comprirent que le moment favorable était arrivé, et manœuvrèrent de manière à mettre leurs adversaires dans l’impossibilité d’éviter le combat. Les Français se battirent bravement, et tinrent quelque temps la victoire indécise; mais ils furent à la fin contraints de la céder au nombre, et peut-être à l’habileté supérieure de leurs ennemis. Tous les vaisseaux abaissèrent leurs pavillons, et les deux commandans et leurs équipages demeurèrent prisonniers de guerre.

En même temps que la France avait fait les armemens dont nous venons de parler, il avait été levé, dans les colonies anglaises, de nouvelles troupes pour faire partie d’une expédition contre le Canada. Ces troupes furent tenues sur pied pendant l’année 1746 et le printemps et l’été de 1747, dans l’attente d’une flotte d’Angleterre; mais dans le mois d’Octobre de cette dernière année, le gouvernement anglais craignant de ne pas réussir dans l’enterprise, ou prévoyant qu’il serait obligé de restituer, à la paix, qui paraissait alors prochaine, ce qu’il aurait enlevé à la France en Amérique, envoya aux gouverneurs de la Nouvelle Angleterre et de la Nouvelle York l’ordre de licencier toutes les troupes et milices levées pour une expédition contre le Canada.

Le gouvernement du Canada devenait vacant par la captivité de M. de la Jonquière: le roi nomma pour le remplacer ad interim le comte de la Galissonniere, dont les provisions sont datées du 10 Juin 1747. M. Hocquart, qui avait été rappellé en même temps que le marquis de Beauharnois, eut pour successeur dans l’intendance M. François Bigot, par commission du 1er. Janvier 1748. Ses pouvoirs comme intendant furent augmentés dans la colonie, et s’étendirent à la Louisiane et à toutes les terres et îles dépendantes de la Nouvelle France.

Le comte de la Galissonnière, homme instruit, habile et entreprenant, n’eut pas plutôt pris les rênes de l’administration, qu’il travailla à se procurer des renseignemens exacts sur le pays qu’il avait à gouverner, sur son sol, son climat, sa population son commerce et ses ressources.[1] Mais son activité ne lui permit pas de se borner à acquérir des connaissances même utiles, ou d’attendre, pour agir, qu’il les eût acquises: persuadé que la paix ne pouvait pas tarder beaucoup à se conclure, et comprenant de quelle importance il était de donner au Canada et à l’Acadie des limites fixes et déterminées, il fit partir M. Celeron de Bienville, accompagné de trois cents hommes, pour le Détroit, avec ordre de traverser de là le pays jusqu’aux monts Apalaches, qu’il admettait être les bornes des possessions de l’Angleterre, et au-delà desquels il soutenait qu’elle ne pouvait avoir aucune prétention. Cet officier avait ordre, non seulement d’engager un certain nombre de sauvages à l’accompagner dans son excursion, mais encore de tirer parole de toutes les tribus chez lesquelles il passerait, qu’elles ne permettraient à l’avenir à aucun commerçant ou traitant anglais de les venir visiter. Il lui fut fourni des plaques de plomb sur lesquelles étaient gravées les armes de France, et qu’il avait ordre d’enterrer à des stations particulières; ce dont il devait être dressé des procès-verbaux signés de lui-même et des officiers qui l’accompagnaient.

Dans le même temps que le comte de la Galissonnière faisait partir M. de Céleron pour le Détroit et les contrées de l’ouest, il envoya une lettre à M. Hamilton, gouverneur de la Pensylvanie, pour l’informer de la démarche qu’il faisait, et le prier de donner ses ordres pour qu’à l’avenir les habitans de son gouvernement n’allassent pas commercer au-delà des monts Apalaches, attendu qu’il avait reçu de son gouvernement l’injonction expresse de saisir les personnes et de confisquer les effets de ceux qui seraient trouvés faisant la traite avec les sauvages dans les contrées situées à l’ouest de ces montagnes, lesquelles, disait-il, appartenaient incontestablement à la France.

M. de Céleron s’acquitta ponctuellement de la commission dont le gouverneur général l’avait chargé; mais non sans exciter des soupçons et des craintes dans l’esprit des sauvages, dont plusieurs ne se gênèrent pas de dire tout haut, que l’objet de la France, en prenant ainsi possession de leur pays, pourrait bien-être de faire d’eux ses sujets, et peut-être même ses esclaves. La masse des procès-verbaux qui furent dressés dans le cours de cette expédition, furent apportés à M. de la Galissonnière, et par lui transmise à la cour de France. Deux ans après, Céleron fut récompensé des services qu’il avait rendus en cette occasion, par la place de commandant du Détroit avec le rang de major.

Par un des articles du traité d’Utrecht, il était stipulé que ceux des habitans français de l’Acadie qui voudraient devenir sujets de la Grande-Bretagne et demeurer dans la Nouvelle Ecosse, y jouiraient du libre exercice de leur religion, &c. Plusieurs de ces habitans se prévalant de cette clause, (que M. Smith appelle indulgente, quoiqu’elle ne fut que juste,) avaient prêté le serment de fidélité, ou comme le prétendent quelques écrivains français, de neutralité seulement, et étaient demeurés sur leurs propriétés. Le gouverneur du Canada crut voir dans cet état de chose une anomalie, ou une inconvenance préjudiciable au bien de son gouvernement: il pensa qu’il ne convenait pas que des Français d’origine, de langue et de religion demeurassent sous un gouvernement étranger et souvent ennemi de la France, tandis qu’à moins de cent milles de distance, ils pouvaient se trouver parmi leurs compatriotes, et faire corps, pour ainsi dire, avec les autres habitans du Canada. Il forma donc le projet de retirer les Acadiens de sous la domination anglaise, c’est-à-dire de les faire passer de la Nouvelle Ecosse dans la terre-ferme de l’Acadie, ou ce qu’on appelle présentement le Nouveau Brunswick, et qui était encore censée alors faire partie de la Nouvelle France. Pour mieux réussir dans l’entreprise, il se servit de l’entremise des missionnaires, et surtout de l’abbé Leloutre, qui exerçaient sur ces hommes simples et crédules l’influence morale la plus étendue. Les missionnaires entrant dans les vues du gouverneur général, donnèrent à entendre aux Acadiens qu’il y allait non seulement de leur intérêt, mais encore de leur honneur, comme français et catholiques, de se retirer de parmi des Anglais et des protestans, pour faire partie d’une colonie qui devait s’établir dans un certain endroit de l’Acadie continentale. Pour seconder les missionnaires dans leurs efforts, M. de la Galissonnière envoya quelques troupes au nord-ouest de la Baie Française, avec ordre au commandant du poste français qu’il y avait dans ces quartiers, de s’y maintenir par la force des armes, si l’on cherchait à l’en déloger. Par ces moyens, et principalement par les mouvemens que se donna M. Leloutre, on parvint à induire plusieurs familles acadiennes à venir s’établir au poste français dont nous venons de parler, ou elles trouvèrent tout l’appui et les avantages qu’on leur avait promis.

Flatté de ce premier succès, et persuadé qu’avec un peu d’encouragement, un grand nombre suivraient l’exemple de ces premiers émigrans, et qu’il se formerait par ce moyen une puissante colonie, qui serait comme une barrière contre les Anglais de ce coté là, M. de la Galissonnière s’adressa au ministère français pour lui demander un fond qui le mit en état d’exécuter pleinement le plan qu’il s’était proposé par rapport aux Acadiens. Ce plan fut approuvé en France, et il fut accordé huit cent mille livres par année pour le mettre à exécution.

Sur ces entrefaites, le comte de la Galissonnière fut remplacé par M. de la Jonquière, qui ayant recouvré sa liberté, à la paix de 1748, rentra en possession de son gouvernement, en vertu de sa première commission. Par l’article V du traité d’Aix-la-Chapelle, l’Angleterre s’obligeait de rendre à la France tout ce qu’elle avait conquis sur cette puissance en Amérique, et nommément la ville de Louisbourg et l’île du Cap Breton, au grand regret sans doute des habitans des colonies anglaises; et par l’article IX du même traité, deux seigneurs anglais du premier rang devaient se rendre en France, et y demeurer comme otages, jusqu’à ce qu’on y eût eu des avis certains que ces conquêtes avaient été restituées.

Avant de s’embarquer pour la France, M. de la Galissonnière communiqua à son successeur tous les renseignemens qu’il s’était procurés concernant la colonie, et lui indiqua les plans qu’il croyait être les plus propres à la faire fleurir et prospérer. Il fut ensuite nommé, conjointement avec M. Silhouette, commissaire de la part de la France,[2] pour le règlement des limites des possessions anglaises et françaises, et particulièrement de Acadie, et il ne se montra pas comme tel moins actif et moins zélé qu’il ne l’avait été comme gouverneur de la Nouvelle France. Il dressa un mémoire où il exposait, d’une manière détaillée, tous les avantages que la France pouvait retirer du Canada, et il proposa un plan qui, s’il eût été adopté à temps, et suivi exactement, aurait probablement empêché la conquête de 1760. Ce plan était de prendre possession de l’intérieur du pays, au moyen de forts érigés de distance en distance, et d’envoyer en même temps dix mille paysans de France, pour peupler les bords des lacs, du Mississipi et des principales rivières qui s’y jettent. Si ce plan avait été suivi, dit M. Smith, les colonies anglaises auraient été bornées par les monts Alleghanys, ou Apalaches, et seraient conséquemment toujours restées faibles; les mesures qui occasionnèrent les hostilités de 1755 n’auraient pas eu lieu, et l’envahissement de 1759 n’aurait pas été entrepris.

(A CONTINUER.)


Si les Canadiens, dit M. Lambert, dans son Voyage en Canada avaient été disposés à cultiver les arts et les sciences, cette disposition se serait manifestée sous le marquis de la Galissonnière, qui fut le gouverneur le plus actif et le plus entreprenant qui fut envoyé en Canada, et qui avait des connaissances étendues dans chaque branche des sciences. C’était à tous égards un homme d’état accompli, et ses connaissances dans l’histoire naturelle, la philosophie et les mathématiques devinrent utiles aux vues de son gouvernement. Il procura des renseignemens des parties les plus eloignées de la colonie, concernant ses habitans, ses animaux, ses arbres, ses plantes, ses terres et ses minéraux, ainsi que sur les rivières, les lacs et mers qui baignent cette portion étendue de l’Amérique qu’il gouvernait. Il était même en état de donner la description des endroits éloignés qu’il n’avait pas vus mieux que ceux qui les habitaient. Enfin, M. de la Galissonnière était l’homme qu’il fallait pour réveiller dans l’esprit des Canadiens le goût des sciences et des arts, s’il n’y avait été qu’endormi.

Les commissaires de la part de l’Angleterre furent MM. Shirley et Mildmay.

PETIT SYSTEME D’AGRICULTURE.

Chapitre Sixieme.

Des Chardons, et autres mauvaises herbes.

Autant les fumiers et autres espèces d’engrais raniment et vivifient la terre épuisée, autant les chardons et autres espèces de mauvaises herbes, la ruinent et la détériorent. Le chardon est le plus grand ennemi de l’agriculture; après avoir ravi au froment l’engrais et toutes les vertus nutritives de la terre, il l’étouffe et l’empêche de croître, suivant le désir et les vœux de la bienfesante nature. Les laboureurs n’ont pu jusqu’à présent, qu’en diminuer le nombre et la quantité: tous les efforts de l’homme ne sauraient détruire entièrement le nuisible chardon. C’est l’ennemi déclaré de nos champs: il domine sur tous nos travaux; et ce n’est qu’avec des peines et des soins extraordinaires que le laborieux cultivateur parvient à en diminuer la prodigieuse quantité; et si malheureusement, il est près d’un voisin négligent, il verra avec douleur ses travaux devenir inutiles et ses champs se recouvrir de cette plante cruelle et destructive. La graine du chardon est environnée de duvet si léger, que lorsqu’elle est à sa maturité, le vent le plus faible et le plus doux la sépare de sa tige et l’enlève, et la transporte dans les airs par tous les lieux de la terre. Cette herbe privilégiée est de tous les climats et tous les pays; le chardon s’accommode de toutes les terres, toutes les saisons lui sont avantageuses et favorables. Il n’y a que l’hyver des pays froids qui arrête la crûe de cette plante insupportable. Les premiers rayons du soleil du printems la font reparaître, pour le malheur des cultivateurs et de tout le genre humain. Le chardon est détesté de tous les êtres vivants. L’homme le fuit et évite sa rencontre sévère et piquante: peu d’oiseaux se reposent sur sa tige. Il n’y a pour ainsi dire que le chardonneret qui s’y arrête, et auquel sa graine serve de nourriture.

Le chardon est quelquefois attaqué par une espèce de chenilles, qui ne le détruisent jamais entièrement: il résiste vigoureusement à tous leurs efforts destructifs. Dans sa verdeur, les animaux les plus affamés n’osent en faire une pénible pâtûre: ils évitent même de passer dans les lieux où ils sont plus forts et plus apparents. Ils ne vont pas même brouter l’herbe qui croit sous son détestable ombrage. Ce n’est que quand il est séparé de la terre et qu’il est tombé sous la faulx tranchante du bon cultivateur, qu’il devient un met délicieux pour les animaux, et particulièrement pour le bœuf et la vache: encore faut-il qu’il soit fané par les ardeurs d’un soleil de dix à douze heures de tems. Dans les lieux où le chardon croît avec plus d’abondance et de force, on en fait quelquefois une espèce de fourrage qui devient utile par la perte et le manquement des foins et autres espèces de fourrages ordinaires et usités. Mais si le chardon est un ennemi de nos champs, et s’il cause au cultivateur des travaux et des soins pénibles, il n’est pas le seul qui soit préjudiciable à l’agriculture, et qui contrarie les vues intéressées du diligent cultivateur. Il y a outre cette plante privilégiée, un grand nombre d’autres herbes qui nuisent à l’agriculture, ruinent la terre comme le chardon, et qui sont fort désavantageuses et dommageables au froment, et autres espèces de grains. Ce serait un détail trop long, et presqu’inutile de décrire et désigner chaque espèce d’herbe qui est nuisible à l’agriculture. Elles ne sont pas les mêmes dans tous les lieux; souvent elles doivent leur existence aux circonstances des tems et des saisons; mais toujours elles ravissent au froment le suc nutritif qui lui est nécessaire et particulier: elles épuisent la terre comme les grains que nous lui confions. Ce serait un grand avantage pour l’agriculture, si les cultivateurs parvenaient à détruire entièrement les mauvaises herbes préjudiciables au bled, et autres espèces de grains. Je pense qu’un champ où il ne croîtrait aucune autre plante que le grain que l’on confierait à la terre, serait beaucoup plus fertile et plus abondant: il se détériorerait moins promptement, et les engrais seraient plus durables et plus avantageux. Une terre ainsi nétoyée et exempté de toutes mauvaises herbes pourrait être ensemencée avec succès pendant plusieurs années consécutives. Les sucs nutritifs que la terre contient ne serviraient d’aliment qu’aux différentes espèces de grains qu’on lui confierait: les chaumes rendraient à la terre les substances que la récolte précédente en aurait tirées. Les travaux seraient beaucoup plus faciles et plus aisés. Le grain en général serait plus pur et d’une meilleure qualité. Mais les cultivateurs de notre pays n’ont pas encore éprouvé ni essayé cette manière avantageuse de cultiver: attachés à leur ancien système, ils le suivent machinalement. Les méthodes nouvelles leur portent presque toujours ombrage. Ils n’osent pas même en faire l’expérience, qui souvent les convaincrait par d’heureux succès, de l’avantage qu’il y aurait à changer les anciennes manières de cultiver. Il faut espérer que le tems pourvoira amplement à l’amélioration de l’agriculture, et que dans un certain nombre d’années, nous verrons avec une grande satisfaction des changemens notables arrivés par l’industrie, ou la nécessité; car quelquefois cette dernière opère plus elle seule que les efforts multipliés de plusieurs cultivateurs oisifs et fortunés, ou que les leçons vagues des écrivains étendus. Le principal moyen dont on se sert pour détruire les chardons, et autres mauvaises herbes, est de labourer la terre à sillons étroits, vers la fin du mois de mai ou au commencement de juin, lorsque le chardon a quatre ou cinq feuilles, et que les herbes sont dans le plus fort de leur crûe: quelques jours après on herse la terre, et quelques jours après on pourra encore la labourer, et la herser de même, et en répétant cette opération plusieurs fois, on parviendra infailliblement, à détruire tous les chardons, et les autres herbes nuisibles au froment.

Il vaut mieux faire ces labours dans le croissant de la lune, lorsque le chardon est plus en sève; il se détruit beaucoup plus facilement et promptement. Il y a quelques espèces de grains qui détruisent aussi très promptement le chardon, tel que le sarrazin, qui est, je crois, son plus cruel et son plus dangereux ennemi: en effet, on voit peu souvent des chardons sur les terrains semés en sarrazin, et s’il s’en trouvent quelques uns, ils ne résistent pas longtems à la vigueur d’un ennemi qui l’étouffe et le détruit impitoyablement. Le sarrazin est un grain que l’on sème très tard. C’est ordinairement vers la fin de juin, que nous le confions à la terre. Les chardons et les autres mauvaises herbes sont alors dans le plus fort de leur crûe; l’action de la charrue et de la terre arrête ce vif et rapide accroissement et le retarde beaucoup. Le sarrazin est un grain qui pousse promptement; et il est déjà grand, quand le chardon commence à sortir de la terre; ses feuilles s’élargissent promptement et couvrent entièrement la terre, de sorte que le soleil n’y peut parvenir. Alors le chardon languit, et rarement il s’élève au-dessus des premières feuilles du sarrazin. L’avoine aussi arrête l’accroissement des chardons par le même moyen; mais son effet est plus long et plus tardif. La raison en est qu’on la sème toujours avant le sarrazin, quand les chardons ne commencent qu’à sortir de terre; qu’elle met beaucoup plus de tems à lever et qu’elle donne bien moins d’ombrage à la terre que le sarrazin. L’on peut encore détruire le nuisible chardon en laissant en prairie les terrains qui en sont le plus infectés. Deux ou trois années peuvent suffire pour les détruire presqu’entièrement. Le moyen le plus efficace et le plus général, et qui est le plus utile et le plus praticable en Canada, est de les faucher vers le vingt du mois de juillet; c’est dans ce tems que l’action de la faulx leur est plus préjudiciable; ils commencent alors à fleurir; souvent même la première fleur commence à passer. La tige et le coton du chardon est ordinairement creuse à cette époque. Lors donc que les chardons sont fauchés, ils ne produisent aucune graine, et le tems qui reste à aller à l’automne, ne leur est jamais assez favorable, ni assez durable pour qu’ils puissent produire une seconde fois. Ils s’étendent ordinairement sur la terre après cette fauche, en poussant un grand nombre de tiges qui ne donnent aucune fleur. Ce moyen est fort efficace; mais il doit être général; car si les voisins sont assez négligents pour ne pas se servir de cette bonne pratique, les peines de celui qui est assez laborieux pour faire cet ouvrage, deviennent inutiles, et il verra avec douleur, reparaître les chardons, avec autant d’abondance que s’il n’y eût jamais mis la faulx. C’est à quoi avait généralement pourvu la Législature de cette province, en faisant une loi qui obligeât chaque propriétaire à faucher les chardons, dans un certain tems de l’été, afin d’arrêter les rapides progrès d’une plante si nuisible à l’agriculture. Mais malheureusement cette loi est très négligée presque par toute la province, et n’a point produit les effets heureux qu’en attendaient ceux qui l’avaient si sagement faite. Il est à désirer qu’un plus grand soin soit porté à l’exécution de cette sage loi, et que ceux qui out le pouvoir de la faire accomplir, touchés par les détestables fruits de leur coupable négligence, y apporteront désormais une diligence toute particulière.

Il est même surprenant qu’on soit obligé de faire des lois pour forcer les cultivateurs à extirper les mauvaises herbes, de leurs champs: la vigilance, le soin et l’intérêt d’un chacun devraient prévoir l’utilité d’un ouvrage si avantageux. C’est une grande marque d’indifférence chez les cultivateurs Canadiens: ils devraient prévenir par un travail opiniâtre et industrieux les nuisibles effets des chardons et autres mauvaises herbes. Avec quelle peine et quelle fatigue ne sont-ils pas obligés de cultiver leurs terres, lorsqu’elles sont couvertes d’une prodigieuse quantité de chardons! Les récoltes sont certainement plus difficiles à faire: il faut presqu’être couvert de cuir pour couper le bled, avec lequel il croît un grand nombre de chardons. Si l’on est obligé de le revirer, à cause de l’abondance des pluies, la même peine se renouvelle; enfin l’engerber, le charroyer, le tasser et le battre, sont des ouvrages durs et pénibles, si les chardons ont crû de pair avec le bled ou autre grain. L’industrie, l’intérêt et de nouveaux soins arrêteront, il faut l’espérer, les malheureux progrès de cette détestable et nuisible plante.

Nota. Dans le dernier numéro, à l’article Petit Système d’Agriculture, le mot «végétation» est omis à la fin de la page 92.

LE MILITAIRE ANGLAIS.

De la discipline de l’armée anglaise dans ses rapports avec les
Citoyens
, par M. Charles Dupin.

L’armée anglaise mérite d’être citée comme un modèle à toutes les nations qui chérissent à la fois les lois et la liberté. Le gouvernement britannique a trouvé le secret de constituer une armée redoutable seulement aux peuples étrangers, et qui regarde comme une partie de sa gloire l’obéissance aux lois de la patrie. Les nobles sentimens qui animent le militaire anglais sont empreints sur sa physionomie; il n’a pas cet aspect menaçant et farouche, que trop souvent, sur le continent européen, on prend pour l’attitude martiale; son regard insolent ne va pas toises les hommes et les femmes avec cette arrogance qui semble dire: c’est moi qui suis la force et la terreur! Un tel air n’est pas un objet d’admiration dans la Grande-Bretagne, et jamais a Londres il n’y eut lieu de dessiner des caricatures semblables à celles de nos calicots. Loin que sur les bords de la Tamise, les garçons marchands et les commis de bureaux prennent les gros talons, les éperons et la moustache, pour briller au sortir de l’office et du comptoir, le militaire, au sortir des camps, cherche plutôt à faire oublier son état en entrant dans la cité. Dès qu’un officier anglais arrive dans la capitale, à moins d’être de service, il quitte ses armes, son uniforme et ses décorations; son costume ne diffère alors pas plus de celui d’un simple citoyen que le frac tout uni d’un membre du parlement ou d’un prince du sang......Par là, l’officier, rentrant à chaque instant dans la classe des citoyens, en reprend l’esprit et le caractère. Par là, le peuple s’habitue à ne voir dans les militaires que des citoyens, armés momentanément pour sa défense, mais non pas attachés à l’épée comme un janissaire au cimeterre, et dévoués pour la guerre, à l’exclusion de tout autre devoir. Tel doit être, à cet égard, l’esprit d’un peuple régi par des lois constitutionnelles.

Le soldat anglais est obligé d’être constamment en uniforme; mais, au sein de la patrie, et surtout en tems de paix, il n’est armé que quand il est de service; dans ce dernier cas même, si, par suite d’une dispute avec des citoyens, il abusait de ses moyens d’agression pour les frapper, un cri d’horreur s’élèverait de toutes parts, et la vindicte des lois sévirait contre le coupable avec une rigueur inexorable: ajoutons que, dans tous les cas, il serait jugé par les tribunaux civils.

En Angleterre, l’officier et le sous-officiers seuls portent le sabre on l’épée; ils ne s’arment que quand ils sont de service ou de parade; enfin le sous-officier est si sage, qu’il est presque sans exemple de le voir abuser de son arme pour répandre le sang des citoyens sans défense.

Lors même que les troupes anglaises sont sous les armes, rien n’altère leurs égards, et je dirais presque leurs respects pour les moindres citoyens. J’ai vu des compagnies marchant par file sur des trottoirs se déranger, et passer vers le milieu de la rue pour céder le pas à des habitans qui venaient en sens contraire. Jamais, en Angleterre, on ne voit, comme sur le continent européen, des fonctionnaires exerçant dans les lieux publics une police digne d’Alger ou de Tunis, en avertissant à coups de crosse (et parfois à coups de bayonnettes,) qu’on ne passe pas là, et qu’on ne peut rester ici. Lors même que, dans les cas extrêmes de rébellion ou d’outrage à la paix publique, la force armée est requise de prêter main-forte au pouvoir civil, la troupe respecte encore des citoyens qui ne se respectent plus. Guidée par les officiers de paix, elle arrive à l’endroit du tumulte, se place en bataille à la vue des mutins, reçoit en silence leurs injures et même les projectiles qui leur sont lancés par des mains séditieuses. On croit voir les soldats de Dion traversant, au milieu des outrages et des violences, cette ingrate Syracuse, qu’ils avaient déjà sauvée, et que malgré elle ils sauveraient encore. Il faut que le magistrat lise aux séditieux l’acte contre les émeutes (riot act), leur enjoigne, d’après cet acte, de se disperser paisiblement, et leur laisse une heure entière pour rentrer sous l’empire de la loi; ce n’est qu’au bout de ce tems qu’il ordonne, si cela est indispensable, de mettre par la force un terme à la violence.

ANECDOTES.

Quand les Missouris commencèrent à faire usage de la poudre à canon, ils la prirent pour de la graine, et demandèrent à celui qui leur en avait vendu pour des fourrures, comment elle croissait en Europe. Le Français leur fit croire qu’on la semait en terre, et qu’on en faisait des récoltes comme du millet. Par cette ruse il se défit de toute sa poudre, et reçut en échange des pelleteries. Les Missouris furent bien contents de cette découverte, et ne manquèrent pas de semer leur poudre. Ils allaient de temps en temps voir si elle levait, et avaient soin d’y mettre des gardes, pour empêcher les animaux de ravager le champ et ruiner la moisson. Ils reconnurent enfin la tromperie, et cherchèrent l’occasion de s’en venger. Elle ne tarda pas à se présenter. Un autre Français vint, quelque temps après, exposer chez eux d’autres marchandises: ils apprirent qu’il était l’associé de celui qui les avait trompés: ils dissimulèrent le tour qui leur avait été joué, et lui prêtèrent même la cabane publique, où il étala tous ses ballots. Ils y entrèrent ensuite en tumulte, et emportèrent tous les effets dont ils purent s’emparer. Le marchand se récria contre un pareil procédé: il s’en plaignit au grand chef, qui lui répondit d’un air grave, qu’il lui ferait rendre justice, mais qu’il fallait pour cela attendre la récolte de la poudre que son peuple avait semée par le conseil du marchand français.

Au 13 vendémiaire, Bonaparte n’étant encore que général, avait été investi du commandement de Paris. Le peuple souffrait alors de la disette, et la disette amène toujours à sa suite l’effervescence et l’émeute. Pour mieux veiller à la tranquillité publique, Napoleon parcourait les places, les marchés, les faubourgs, et se dirigeait de préférence vers les attroupemens nombreux qui se formaient aux portes des boulangers. Un jour, la foule, plus excitée que de coutume, se presse autour de lui d’un air menaçant et demande du pain à grands cris. Une femme remarquable par une corpulence qui contrastait avec la maigreur extrême du général Bonaparte, se fait entendre au-dessus des autres. “Pourvu que ces gueux-là mangent, disait-elle en désignant les officiers, pourvu qu’ils s’engraissent bien, il leur est bien égal que le pauvre peuple meure de faim.—La bonne, dit Napoléon, regarde-moi bien, quel est le plus gras de nous deux?” Un rire universel se fit entendre, et chacun s’empressa d’applaudir à la repartie du général et de faire place pour le laisser passer librement.


Il y a quelques semaines qu’un prédicateur au chapitre fit un sermon dans un village du Derbyshire, en Angleterre, sur le texte: Si quelqu’un prend ton manteau, donne-lui aussi ton habit. Après son sermon, étant monté dans sa voiture, il ne trouva plus son manteau, et vit à la place un billet avec ces mots: “J’ai pris votre manteau, j’espère que vous me donnerez aussi votre habit, comme vous l’avez prêché.”

INVENTIONS.

La médaille d’or de la Société des Arts, de Londres, a été présentée à Mr. G. Gibson, de Birmingham, qui étant aveugle, a néanmoins inventé une suite de caractères, au moyen des quels il peut coucher ses pensées par écrit, faire des calculs d’arithmétique, et en communiquer les résultats, non seulement à ceux qui voient clair, mais à ceux qui sont comme lui privés de la vue.


M. Brunel, l’ingénieur du tunnel de Londres, vient de découvrir une nouvelle force d’impulsion qui menace de supplanter la vapeur. Il a mis à profit la liquéfaction du gaz acide carbonique, d’après le procédé de M. Faraday. La mécanique de ce nouvel appareil sera beaucoup plus simple que la mécanique à vapeur. Son énergie sera la même, et elle sera quatre fois meilleur marché.

VARIÉTÉS.

Les présens de roi.—Il est d’usage peut-être parmi les princes de se donner le change lorsqu’ils ont envie de se faire des niches.

Peu de tems avant le commencement de la dernière guerre entre la Russie et la Perse, Alexandre avait fait faire un lit magnifique en cristal massif, richement orné d’argent, avec des marche-pieds en cristal bleu. En touchant un petit ressort, quatre jets d’eau parfumés s’élançaient des quatre coins, au son d’une musique harmonieuse. Ce présent était destiné au schah de Perse, et le bienveillant prince russe, qui paraissait prendre tant d’intérêt au sommeil du Persan, le réveilla bientôt après, à grands coups de canon.

C’est ainsi que dernièrement le dey d’Alger nous envoyait, en signe d’alliance, un animal du plus haut intérêt, la girafe!... Six mois après, le dey d’Alger tirait à boulets rouges sur nos vaisseaux.

Ce n’est pas en parlant des princes qu’on peut dire: les petits présens entretiennent l’amitié.—— Journal Français.


La relation d’un voyage entrepris par le major Kepel pour visiter l’antique Babylone, vient d’être publiée à Londres; entre autres circonstances curieuses que contient cette relation, l’auteur rapporte que les ruines de la tour de Babel, construites en briques séchées au soleil, offrent encore l’aspect d’une montagne dévastée par le feu; on découvre de son sommet les ruines immenses de cette antique cité que Sémiramis avait rendue si célèbre.


Le savant abbé Mai, bibliothécaire du Vatican, auquel le monde lettré est redevable de la découverte de la République (de Republicá) de Ciceron, &c. a présenté au Pape quelques fragmens curieux de Saluste, de Tacite et de Cornelius Nepos, qu’il a découverts dernièrement.


Il se trouve actuellement à Marseille une femme née en 1714; elle a été mariée deux fois, la seconde à l’âge de 66 ans avec un jeune homme de 25. Dans l’intervalle du premier au second mariage elle a été 7 ans courrier de suite près du prince de Milan; personne pendant ce tems n’eut le secret de son sexe.—Cette femme singulière à toutes ses facultés; elle se porte a merveille et se nourrit de café, dont elle prend, dit-on, 30 à 40 tasses par jour. Née un an avant la mort de Louis XIV, elle a maintenant 115 ans.

PANORAMA DE QUEBEC.

Nous traduisons l’article suivant du New-York Gazette and General Advertiser.

Mr. Gibson, le peintre, est sur le point d’exiber à Washington, le panorama de la ville de Québec et de ses environs, d’après des dessins faits par lui-même, sur le lieu, dans l’espace incroyablement court de dix jours, onze étant toujours nécessaires pour comprendre le cercle entier de 360 degrés. La haute ville, son majestueux promontoire et sa forteresse, (la troisième en importance qu’il y ait au monde), ses temples, ses palais, et ses remparts; les plaines d’Abraham, immortalisées par la mémoire de Wolfe et de Montcalm; la basse ville, où fut tué notre intrépide Montgommery; son animation mercantile, ses navires et ses barques de toutes les nations; ses bateaux-à vapeur ou à cheveaux; ses quais où règne une continuelle agitation; les belles campagnes adjacentes; des colines d’une élévation prodigieuse, couronnées de champs jaunissants on verdoyants, de villages, ou de maisons ou chaumières éparses ça et là, où le bonheur paraît régner dans sa plénitude; tout cela est, dit-on, peint et représenté avec une exacte fidélité et la plus grande perfection.

TREMBLEMENT DE TERRE.

A St. Paul de la Valtrie, le 1er Septembre, il y a eu une secousse très considérable de tremblement de terre. On a déjà vu par les papiers publics, que le 20 Août de l’année dernière, quelques secousses se sont fait sentir en cette paroisse, ainsi que dans plusieurs autres paroisses voisines. C’est le troisième tremblement dont on a connaissance depuis quatre ans. Ce dernier s’est annoncé par une espèce d’explosion semblable à plusieurs canons tirés ensemble. Un marchand qui comptait de l’argent en échange, a affirmé que la secousse était si forte, que sa monnaie sautillait sur son comptoir. Des maisons en bois craquaient comme si elles eussent menacé ruine, et les vîtres des chassis tintaient comme si on les eût frappées avec quelque chose de sonore. La paroisse de St. Paul est située sur un galet dont on ne connaît pas l’épaisseur; il est assez probable qu’il y a sous ce galet des airs, ou vents souterrains, qui travaillent à s’en échapper, et qui par conséquent occasionnent ces explosions pour se délivrer de cet état de gêne qui leur est contre-nature. Les différentes cavernes qu’on trouve pénétrer sous ce galet, tant dans St. Paul que dans les environs, porteraient à croire, qu’il y eu a beaucoup d’autres, qu’on ne connaît pas, et qui peuvent être remplies d’un air qui cherche à se faire jour. Près de l’église de St. Paul, il y a dans le ruisseau dit St. Pierre, qui est guéable en tout tems de l’été, un abîme rempli d’eau, dont on n’a encore pu trouver le fond.

La Minerve.

ETAT DE L’IRLANDE.

Pour tout juge impartial, la source des souffrances de l’Irlande, c’est la conquête, c’est l’oppression. Les habitans de ce beau pays ne sont ni moins actifs ni moins intelligents que ceux de l’Angleterre. Pourquoi donc seraient-ils tombés aussi bas, quand leurs voisins s’élevaient au sommet de la civilisation? Pour les asservir, on s’est efforcé de les dégrader. Tout bien-être, toute ambition, tout espoir leur ont été interdits. Irrévocablement enchaînés à leur condition, on leur a défendu de regarder au-dessus d’eux; on a étouffé dans leurs âmes tous germes d’intelligence et de perfectionnement. La vie, une vie physique, animale, voila tout ce qu’on leur a laissé; et maintenant on leur demande de la prudence! De la prudence à des esclaves!

Il est vrai que ces esclaves commencent à s’émanciper: il en est peu qui ne sachent lire et écrire. Mais si leur intelligence s’éveille, c’est pour compter avec leurs maîtres; et l’Angleterre doit craindre leurs lumières plus encore que leur ignorance. On s’étonne qu’ils se passionnent pour des droits politiques; je m’étonnerais qu’ils y restassent indifférents. Ces droits, c’est comme nation, c’est comme secte religieuse, qu’on les en dépouille. Or l’homme n’est point un être isolé; il appartient à une famille, à une religion, à un pays, et il sent a tous ces titres. Autour du foyer qu’une tourbière voisine entretient à peu de frais, le paysan cause des malheurs de l’Irlande, de la dureté de son seigneur, de l’avidité du prêtre protestant, des rigueurs du code pénal, du dernier discours d’O’Connell ou de Shiel; et si la faim le presse, il croit, en s’armant, faire la guerre à ses oppresseurs et venger son pays. En vain ses maîtres viendraient-ils lui dire que l’émancipation n’est rien pour lui. Qui croira-t-il de ceux qui l’oppriment ou de ceux qui le consolent, de ses vainqueurs ou de ses compatriotes, de ceux qui prient au même autel ou de ceux qui professent une religion ennemie? Les droits qu’il reclame sont-ils d’ailleurs si peu importants? N’est-ce rien d’être jugé par ses pairs, et d’envoyer au parlement qui l’on croit le plus digne? Mais s’agit-il du privilège le plus futile, il n’en serait pas moins une flétrissure de la conquête, un stigmate de l’oppression, et l’Irlande s’agiterait encore pour l’effacer. Singulière destinée de cette nation, à laquelle l’Angleterre a toujours voulu inoculer à la pointe de l’épée ses croyances et ses lois! égorgée sous Henri II, parce qu’elle refusait de reconnaître le pape; persécutée depuis Elisabeth, parce qu’elle ne veut point y renoncer, victime éternelle du fanatisme et de l’intolérance, mais en même temps monument vivant de leurs déplorables effets! Chaque année, le parlement rend vingt bills relatifs à l’Irlande. Il défend de sous-louer sans le consentement formel du propriétaire, encourage l’instruction, permet de convertir les dîmes en une redevance fixe, bouleverse les lois commerciales du pays, et l’Irlande reste la même. Quand la racine est gâtée, à quoi bon élaguer quelques branches?

(Lettres sur la situation de l’Irlande; Paris 1827.)


Dungannon, 18 juillet. Je ne puis, en vérité, je ne crois pas que personne puisse parler avec exactitude du nombre des tués et des blessés dans l’affaire de Coal Island. Je serais porté à croire qu’il n’y en n’a pas eu moins de 30. Les deux partis étaient et sont assez bien armés. Les gens de Cumberland, comme quelques-uns appellent les orangistes, avancèrent avec leurs armes domestiques, et avec les balles et la poudre du roi. Les autres ayant appris depuis une quinzaine de jours l’intention où étaient les Cumberlandais de les attaquer, se préparèrent du mieux qu’ils purent. Ce sont une race de montagnards, et comme vous savez, gens de courage et de taille d’athlète. On acheta toute la poudre qu’il y avait à Dungannon, et l’on dit que les magasiniers d’Armah et d’Omah déclarèrent n’avoir jamais vu une si forte demande. Les papistes se mirent sur la défensive, et il était convenu qu’ils ne tireraient pas un coup que les gens du duc de Cumberland n’eussent commencé. Ils n’attendirent pas longtemps; aussitôt que les Cumberlandais furent en vue, et ils n’étaient pas encore à la distance du fusil, ils tirèrent une volée. Les autres réservèrent leur feu, n’étant pas aussi bien pourvus de munitions, jusqu’à l’approche de leurs ennemis. La bataille alors commença; ce fut plutôt une espèce d’escarmouche, où il y eut sept ou huit homme de tués, et plus de vingt blessés. Jeudi il y eut encore une autre escarmouche, ou plusieurs perdirent la vie. Il est impossible de décrire la terreur qui règne dans cette partie du pays.

Il y a eu une autre affaire funeste dans le comté de Fermanah, dans un lieu appelé Macken. Il y eut là quatre hommes de tués et plusieurs de blessés.

Une autre affaire aussi désastreuse que celle-ci s’est passée près de Moy, dans le comté d’Armah.

“Le 15 courant,” dit le Belfast Gardien, “il s’est tenu à Stuartstown une enquête sur les corps de 3 catholiques et de 2 protestans, qui ont été tués dans l’émeute près de Glenoe Chapel. Il est probable qu’il en a été tué un plus grand nombre, du sort desquels on n’a pas encore reçu de rapports certains. Depuis ce malheureux événement, les orangistes ont pris le dessus et parcourent le pays pour enlever les armes qui sont entre les mains des catholiques. Les partis opposés s’appréhendent l’un l’autre, veillent la nuit, font une garde vigilante, quelques-uns même veillent dans les plaines.”

N.B.—Les troupes ont été mises en mouvement dans chacune de ces occasions.

SENTIMENS POLITIQUES

De la majorité des habitans des townships de l’Est.

A une assemblée générale des délégués choisis par les habitans des différentes communes (towns,) dans les comtés proposés de Stanstead, Sherbrooke et Shefford, tenue à Lennoxville, dans le canton (township) d’Ascott, le 26 d’Août, à l’effet de considérer quels candidats il conviendrait d’élire pour membres de l’Assemblée à la prochaine élection, les résolutions suivantes, entr’autres, ont été adoptées à l’unanimité:

Résolu 1º. Que les habitans de ces cantons (townships) de l’Est envisagent avec reconnaissance la perspective d’avoir une représentation directe dans la Chambre d’Assemblée de cette Province, mesure qui tendra éminemment à avancer leur prospérité et leur bonheur.

2º. Qu’afin de retirer le plus grand avantage du privilège de la représentation, il est expédient que le peuple choisisse pour ses représentans en parlement, des hommes unis dans leurs vues et leurs opinions politiques.

3º. Que la plus grande partie des habitans de ces cantons de l’Est sont persuadés que les membres de la Chambre d’Assemblée, dans leur différents et leurs disputes avec le Conseil Législatif, ont noblement travaillé à maintenir et préserver les droits et privilèges qui appartiennent incontestablement et équitablement au peuple.

4º. Que dans l’opinion de cette assemblée, les habitans de ces cantons de l’Est pourvoiraient de la manière la plus sûre et la plus étendue à l’avancement de leurs intérêts les plus chers, en élisant pour leurs représentans des individus qui ne tiennent aucun emploi lucratif de l’Exécutif de cette Province, dont la conduite publique sera un gage certain qu’ils soutiendront invariablement les droits du peuple, et qu’ils s’efforceront constamment de procurer et d’assurer au peuple leslois, les améliorations et les avantagent dont il aura besoin et quiseront propres à établir et à perpétuer sa liberté et sa prospérité.

5º. Que les habitans de ces cantons de l’Est devraient choisir pour leurs représentans en parlement des personnes qui s’efforceront constamment d’établir un système de judicature efficace et salutaire; une taxe sur les terres pour l’amélioration des communications intérieures; une égale protection et des privilèges légaux à toutes les dénomination de chrétiens; des bureaux d’enrégistrement; la dissémination générale de l’éducation, et généralement tout ce qui pourra paraître nécessaire ou utile dans ces cantons.

6º. Que pour prévenir toute fausse interprétation, ou perversion du sens des mots ou du langage employé dans les résolutions précédentes, nous exprimons volontairement et cordialément notre entière approbation de l’administration de ce gouvernement, en autant qu’elle s’est améliorée sous Sir James Kempt, comme aussi notre ferme détermination de préserver de tout empiétement, aussi bien que de toute extention indûe la constitution de cette province, telle qu’elle nous a été départie et assurée par la bienveillance et le justice de la mère-patrie.

PETITE CHRONIQUE CANADIENNE.

Le Général Comte de Dalhousie, G.C.B. a fait voile le 15 juillet de Portsmouth pour Calcutta, dans le vaisseau de S. M. le Pallas, de 42 canons, capitaine A. Fitzclarence. Il était accompagné de l’aimable Comtesse de Lord Ramsay, et du colonel John Ramsay. Le Dr. Turner, Evêque de Calcutta était aussi passager dans le Pallas. Le vent d’ouest, qui soufflait alors avec violence, força la frégate d’entrer le 18, dans le port de Plaomouth, d’où elle remit à la voile le 20.

Gazette Officielle de Québec.

 

Mine de plomb. Il a été apporté à Québec de très riches échantillons de galène ou sulphurate de plomb, qu’on a trouvés dans le pays en arrière de Kamouraska, dans ce district. On rapporte que ce minéral y est abondant, et l’on doit prendre des mesures pour obtenir des renseignemens ultérieurs à cet égard. Il est connu qu’on a trouvé de la galène près de Cornwall (H. C.) et dans quelques-uns des townships situés au sud du St. Laurent, dans ce district, mais en trop petite quantité pour être exploitée.—Gazette de Québec.

M. Proulx (arpenteur) est parti de cette ville, il y a quelques jours, avec un parti de sauvages de Lorette, pour aller explorer le pays situé entre les lignes occidentales des seigneuries de Fossambault et de St. Gabriel, et le St. Maurice, au-delà de la chaîne de montagnes qui borné les établissemens au nord du St. Laurent, au-dessus de Québec. Nous croyons qu’il y a de grandes étendues de bonne terre dans cette partie de la province.

M. Andrews est aussi revenu d’explorer le pays dans le voisinage de Chicoutimi, sur la rivière Saguenay.—Ibid.


Voyage expéditif.—Samedi dernier, la ligne de la diligence du Haut-Canada a fait le voyage de Prescôt—à cette ville (cent quarante milles de distance,) dans l’espace d’environ 17 heures, ce qui, il y a peu d’années, prenait deux et quelques fois trois jours. Mais grâce aux améliorations faites par le propriétaire industrieux, M. Dickinson, qui a mis des barques à vapeur sur les lacs Saint-François et Saint-Louis, et qui tient toujours ses chevaux en bon état, le voyage se fait maintenant en un peu plus du tier du temps qu’il fallait auparavant. Herald.


Dans nos nouvelles de mer se trouvé une lettre du capitaine Gamache, concernant le pillage du brig Hibernia naufragé à Anticosti, fait par des goëlettes supposées américaines. D’après cette lettre et les faits recueillis par le capitaine Gabouri, concernant le naufrage du Granicus, il paraîtrait que nos voisins, tant Français (des îles de St. Pierre et Miquelon) qu’Américains, exercent contre les débris des vaisseaux qui ont le malheur de faire naufrage sur les côtes de l’île d’Anticosti, ou sur les riges du golfe St. Laurent, un système de déprédation, qui exigerait pour l’empêcher à l’avenir, la présence d’un croiseur dans ces parages.

Mercury.


Le Kingfisher vaisseau du gouvernement, commandé par W. Rayside, écr. a reçu ordre de Son Excellence le lieutenant général Sir James Kempt, de se rendre à Anticosti, afin d’y faire une enquête plus circonstanciée quant à l’exactitude des différents rapports relatifs aux naufrages qui y ont eu lieu, l’automne dernière, et d’examiner et fournir de vituailles les différents dépôts. Le capitaine Rayside a aussi ordre de s’enquérir et rapporter s’il serait expédient de faire des changemens on des augmentations dans les dépôts pour le soulagement des vaisseaux naufragés.—— Gazette Officielle.


Il paraît par une lettre reçue de la Rivière du Loup, que le parti explorateur sous les ordres du capitaine Bayfield était à cette place le 3 du courant, à son retour du golfe. On se proposait de traverser de l’autre côté, le jour suivant, pour y mettre le vaisseau en mouillage, et aller de là dans quatre chaloupes relever la côte du Saguenay. Si le temps le permet, cette exploration doit s’achever cet automne, et le parti peut s’attendre à être de retour à Québec vers le 10 octobre.—Gaz. de Québec.

RÉGISTRE PROVINCIAL.

Mariés.—A Berthier, le 1er. du présent mois de septembre, par le révérend Mr. Jackson, de Sorel, Mr. le Dr. John Nelson, de Boucherville, à l’aimable demoiselle Léocadie Boucher, troisième fille de François Boucher, écuyer, Lieutenant-Colonel de Milice, de Maskinongé;

A Québec, le 5, N. O. Saunders, écuyer, du commissariat, à Dlle. Louise Caroline Panet, fille unique de feu Narcisse Panet, écuyer;

Au même lieu, le 8, Mr. F.-X. Méthot, Marchand, à Dlle. Dorothée Measam.


Décédés.—A Québec, le 4 du courant, Dlle. Honorine Masse, âgée de 18 ans;

A Montréal, le même jour, Mr. John P. O’Doherty, Instituteur, âgé de 59 ans; et Mr. J. B. Decary, âgé de 70 ans;

A Québec, le 5, Mr. J. M. Hausseman, ancien Capitaine de milice, âgé de 61 ans;

A Chambly, le même jour, Dlle. Marguerite Lareau;

A la Présentation, le 6, Mr. François Aubry, âgé de 24 ans;

A Montréal, le 10, Mr. Barnabé Gosselin, Médecin et Chirurgien, âgé de 30 ans;

Au même lieu, le 11, Louis Joseph, enfant de Hugues Heney, écuyer, âgé de 7 mois;

Au Courant de Ste. Marie, le 12, Mr. François Bourbonniere, âge de 89 ans;

A Ste. Catherine, près Montréal, le 13, à l’âge de 70 ans, John Gray, écuyer, ci-devant Capitaine dans la Milice incorporée.


Commissionnés: Roch de St. Ours, Joseph Cartier, J. T. Drolet, L. Chicou-Duvert et le Dr. W. Nelson, Commissaires pour mettre à exécution les dispositions des actes pour l’amélioration de la navigation de la rivière Richelieu;

John Ussher, écuyer, Avocat et Procureur;

Mr. Charles Fleming, Chirurgien et Pharmacien;

Mr. Chevalier de Lorimier, Notaire public.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome IX, Numero 6, Septembre 1829. edited by Michel Bibaud]