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Title: La Bibliothèque Canadienne, Tome VI, Numero 6, Mai 1828.

Date of first publication: 1828

Author: Michel Bibaud (1782-1857) (editor)

Date first posted: Aug. 27, 2021

Date last updated: Aug. 27, 2021

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La Bibliothèque Canadienne


Tome VI. MAI, 1828. Numero 6.

HISTOIRE DU CANADA.

Le comte de Frontenac, peu content d’avoir vu échouer tous les projets des Anglais et des Iroquois contre le Canada, voulut à son tour porter la guerre chez ces derniers. Cinq ou six cents hommes eurent ordre d’entrer dans le canton d’Agnier, et en prirent la route; mais le mauvais état des chemins joint, peut-être, à d’autres inconvéniens, les contraignit de s’en revenir sans avoir rien fait.

On se consola de ce contretemps par l’arrivée de M. d’Iberville de la Baie d’Hudson, avec deux vaisseaux chargés de pelleteries, et par la nouvelle que les Abénaquis avaient remporté de nouveaux avantages sur les Anglais, et que le chevalier de Villebon était arrivé au Port Royal, et y avait mené une prise anglaise, sur laquelle étaient le chevalier Nelson et le sieur Tyne, nommé gouverneur de l’Acadie. Ces deux prisonniers furent envoyés, quelque temps après, à Québec, où M. de Frontenac les reçut et les traita bien.

Le chevalier de Villebon était passé de Québec en France, où il avait obtenu la commission de gouverneur, ou commandant en Acadie. Il était revenu par Québec, pour y recevoir les ordres de gouverneur général, et y prendre, si on le trouvait convenable, quelques officiers canadiens. Il arriva au Port Royal le 26 Novembre 1691. Dès qu’il eut jette l’ancre, il fit armer sa chaloupe, et s’y embarqua avec cinquante soldats et deux pierriers. Il alla jusqu’aux habitations, où il apperçut le pavillon d’Angleterre, mais où il ne trouva aucun Anglais pour le garder. Il le fit abattre et mit à sa place celui de France. Le lendemain, il assembla les habitans, et fît en leur présence, au nom du roi, une nouvelle prise de possession du Port Royal et de toute l’Acadie. Il passa ensuite à l’ancien fort de la rivière St. Jean, où il se cantonna, en attendant que des secours de France le missent en état de s’établir au Port Royal.

Lés Iroquois continuaient toujours leurs hostilités: deux femmes sauvages, qui étaient prisonnières parmi eux, s’étant échappées, au commencement de Novembre, avertirent le gouverneur de Montréal que deux partis, de trois cent cinquante hommes chacun, étaient en marche pour surprendre le Sault St. Louis. Sur cet avis, M. de Callières envoya dans cette bourgade une partie des troupes qu’il avait à Montréal, distribua l’autre dans les forts des environs, et confia la garde de la ville à ses habitans.

Peu de jours après, un des deux partis, composé d’Onnontagués, de Goyogouins et de Tsonnuonthouans, qui était descendu par le lac Ontario, parut à la vue du Sault, mais sans s’éloigner des bois: on marcha contre ces barbares, et pendant deux jours, il y eut des escarmouches assez vives, où la perte fut à peu près égale de part et d’autre, après quoi, les ennemis, qui avaient compté sur la surprise, se retirèrent.

Le second parti, composé d’Agniers, d’Onneyouths et de Mabingans, avait pris sa route par le lac Champlain; mais quelques uns ayant déserté, et les chefs ayant été informés de la retraite du premier parti, ils ne jugèrent pas à propos d’aller plus loin. Il s’en détacha néanmoins une cinquantaine d’hommes, qui parcoururent en petites troupes les habitations françaises, et y enlevèrent quelques habitans, qui s’étaient écartés malgré les défenses.

Vers la fin du même mois, trente-quatre Agniers surprirent, près de la montagne de Chambly, des sauvages du Sault, qui chassaient sans la moindre méfiance, en tuèrent quatre et en prirent huit, dont quelques uns se sauvèrent et allèrent avertir le village de ce qui venait d’arriver. Il en partit aussitôt cinquante hommes, qui se mirent à la poursuite des ennemis, et les joignirent près du lac Champlain. Ceux-ci les voyant venir se jettèront derrière des rochers, et s’y retranchèrent; mais les chrétiens tombèrent sur eux avec tant de furie, la hache à la main, que le retranchement fut forcé en très peu de temps. Presque tous les Agniers furent tués ou pris, et les prisonniers qu’ils avaient faits furent délivrés.

Au commencement de Février de l’année suivante 1692, M. de Callières reçut ordre du comte de Frontenac de lever un parti, et de l’envoyer dans la presqu’île formée par la rencontre du fleuve St. Laurent et de la rivière des Outaouais, où les Iroquois avaient coutume de venir chasser pendant l’hiver, et où le gouverneur était informé qu’ils étaient alors en grand nombre. M. de Callières assembla trois cents hommes, partie Français et partie sauvages, et les mit sous la conduite de M. d’Orvilliers, qui s’étant estropié, après quelques jours de marche, fut obligé de retourner à Montréal, et laissa son parti sous les ordres du sieur de Beaucourt, capitaine reformé.

En arrivant à l’île de Toniatha, qui est à une journée de marche eu deça de Catarocouy, M. de Beaucourt y rencontra cinquante Tsonnonthouans, qui s’étaient avancés jusque là en chassant, dans le dessein de se jetter ensuite sur les habitations Françaises, pour empêcher les habitans de faire leurs semailles. Il les attaqua dans leurs cabannes, leur tua vingt-quatre hommes, leur en prit seize, et délivra un officier français, nommé La Plante, qui était prisonnier parmi eux depuis trois ans.

Beaucourt s’en revint après cet exploit. On apprit des prisonniers qu’une autre troupe de cent guerriers du même canton faisait la chasse près de l’endroit de la rivière des Outaouais appellé le Sault de la Chaudière; que leur dessein était de s’y cantonner, dès que la neige serait fondue, et que deux cents Onnontagués commandés par La-Chaudiere-Noire, un de leurs plus braves chefs, devaient les y joindre, pour y passer toute la belle saison, afin d’arrêter tous les Français qui voudraient aller à Michillimakinac, ou en revenir. Connue on attendait incessamment un grand convoi de pelleteries des contrées du nord et de l’ouest, on comprit qu’il était absolument nécessaire d’envoyer au-devant une bonne escorte; mais M. de Callières, qui avait besoin de toutes ses troupes pour soutenir ceux qui étaient occupés aux travaux de la campagne, ne voulut rien faire sans l’ordre du comte de Frontenac. Ce général persuadé que l’affaire de Toniatha avait déconcerté les mesures des Iroquois, manda au gouverneur de Montréal de faire partir au plutôt le sieur de St. Michel, avec quarante voyageurs canadiens, pour porter ses ordres à Michillimakinac, et de le faire escorter par trois canots bien armés jusqu’au-dessus du Sault de la Chaudière.

M. de Callières obéit: l’escorte conduisit les Canadiens jusqu’à l’endroit marqué, sans avoir rencontré un seul Iroquois; mais peu de jours après, St. Michel ayant apperçu des pistes et deux Iroquois, il ne douta point que La-Chaudière-Noire ne fût proche avec toute sa troupe, et il s’en retourna à Montréal. Il ne faisait que d’y débarquer, lorsque M. de Frontenac y étant arrivé de Québec, le fit repartir sur le champ, avec trente Français et trente sauvages. Le général le fit suivre par Tilly de St. Pierre, lieutenant, qui eut ordre de prendre sa route par la Rivière du Lièvre, qui se décharge dans la Grande Rivière environ cinq lieues au-dessous de Sault de la Chaudière, et à qui il donna un duplicata de l’ordre dont St. Michel était porteur pour M. de Louvigny.

Il fut heureux d’avoir pris cette précaution: St. Michel arrivé au même endroit d’où il avait relâché à son premier voyage, y vit encore deux découvreurs, et apperçut en même temps un grand nombre de canots que l’on mettait à l’eau. Il crut qu’il n’était pas de la prudence de s’exposer à un combat trop inègal, et reprit une seconde fois la route de Montréal. Trois jours après qu’il y fut revenu, on y vit arriver soixante sauvages chargés de pelleteries, qui avaient descendu par la rivière du Lièvre, et qui dirent qu’ils avaient rencontré M. de St. Pierre au-delà de tous les dangers. Après qu’ils eurent fait leur traite, ils demandèrent une escorte, pour passer jusqu’à l’endroit où ils devaient prendre les chemins détournés.

St. Michel s’offrit à les accompagner, et son offre fut acceptée. On lui donna une escorte de trente hommes, commandés par le lieutenant de La Gemeraye, qui avait sous lui deux des fils du sieur Hertel. Cette troupe étant arrivé au Long Sault, où il fallait faire un portage, tandis qu’une partie des hommes étaient occupés à monter les canots à vide, et que les autres marchaient le long du rivage, pour les ouvrir, une décharge de fusils, faite par des gens qu’on ne voyait point, écarta tous les sauvages, qui étaient de la seconde bande, et fit tomber plusieurs Français morts ou blessés.

Les Iroquois sortant aussitôt de leur ambuscade, se jettèrent avec fureur sur ce qui restait du parti français, et dans la confusion qu’une attaque si brusque et si imprévue avait causée, ceux qui voulurent gagner leurs canots les tirent tourner; de sorte que les barbares eurent bon marché de gens qui avaient en même temps à se défendre contre eux et contre la rapidité du courant, qui les entrainait. La Gemeraye, les deux Hertels et St. Michel se défendirent pourtant avec une bravoure qui aurait pu les sauver, si les sauvages qu’il avait escortés ne les eussent point abandonnés; car on apprit ensuite que La-Chaudière-Noire n’avait avec lui que cent quarante hommes, et environ soixante femmes ou enfans. Mais ayant en bientôt perdu l’élite de leur soldats, ces messieurs n’eurent plus d’autre parti à prendre que de s’embarquer au plus vite, pour faire retraite. La Gemeraye et quelques soldats furent assez heureux pour s’échapper, et regagnèrent Montréal: mais le canot où les deux Hertel et St. Michel s’étaient jettés ayant tourné, ils furent tous trois faits prisonniers.

On fut ensuite quelque temps sans entendre parler des Iroquois; et le comte de Frontenac partit de Montréal, où tout était tranquille pour se trouver à Québec à l’arrivée des vaisseaux de France. Mais le 15 Juillet, au moment où l’on y pensait le moins, La-Chaudière-Noire fit descente à l’endroit nommé La Chenaye, sur la rivière Jésus, et y enleva quatorze habitans et trois enfans sauvages.

Dès que le chevalier de Callières en eut été averti, il envoya contre lui cent soldats, commandés par M. Duplessys-Faber, capitaine, et les fit suivre par le chevalier de Vaudreuil, à la tête de deux cents hommes. L’ennemi se voyant sur le point d’avoir sur les bras des forces si supérieures aux siennes, et s’étant apperçu que le sieur de Villedonné, officier français, qui avait été pris en même temps que le sieur La Plante, s’était échappé, se jetta dans les bois, et s’enfuit avec précipitation, abandonnant ses canots et quelque bagage. On ne le poursuivit point; et il eut le temps de faire d’autres canots et de regagner la Grande Rivière.

En arrivant à Montréal, Villedonné dit au gouverneur que les Iroquois avaient caché beaucoup de pelleteries sur les bords du Long Sault; sur quoi on rapella tous les détachemens qui étaient en campagne, et l’on en fit un seul corps, auquel on joignit cent-vingt sauvages de la Montagne et du Sault St. Louis, et le chevalier de Vaudreuil eut ordre de courir après les Iroquois, avec cette petite année. Il fit une si grande diligence qu’il atteignit la queue de l’ennemi, deux lieues au-dessus du Long Sault, lui tua dix hommes, lui en prit cinq et treize femmes, et délivra les trois enfans sauvages et six des habitans pris à la Chenaye. Le reste lui échappa.

Quelques jours après, le sieur de Lusignan, capitaine réformé, tomba dans une ambuscade, en passant par les îles de Richelieu, et fut tué à la première décharge. La Monclerie, son lieutenant, soutint presque seul, pendant deux heures, un feu continuel, et fit une belle retraite. Ces nouvelles obligèrent le comte de Frontenac de remonter à Montréal, au commencement d’Août; il y conduisit trois cents hommes de milice, qu’il distribua dans les habitations les plus exposées, pour y faciliter la récolte.

Il trouva dans la ville deux cents Outaouais, qui avaient franchi heureusement tous les passages, mais qui n’avaient osé se charger de leurs pelleteries, parce que M. de St. Pierre les avait avertis que La-Chaudière-Noire était sur la Grande Rivière. Cet officier les avait même exhortés, suivant l’ordre qu’il en avait reçu, de ne point partir qu’ils n’eussent eu des nouvelles sûres de la retraite des Iroquois; mais la disette où ils étaient de munitions et de vivres ne leur avait pas permis de différer leur voyage. Il leur fit beaucoup d’amitié, et leur proposa une expédition contre l’ennemi commun; mais ils s’y refusèrent, prétextant qu’ils ne pouvaient prendre aucun engagement sans la participation de leurs anciens. Le gouverneur s’en consola, lorsque, peu de jours après, il reçut une lettre qui lui apprenait que les vaisseaux de France étaient arrivés, mais ne lui avaient point apporté de recrues; car, remarque Charlevoix, comme il avait besoin de tontes ses forces pour la conservation de ses postes, la plupart seraient demeurés dégarnis, si, comptant sur les secours de France, il eût envoyé une partie de ses troupes avec les sauvages, ainsi qu’il se l’était proposé.

Tandis que les Iroquois tenaient le Canada dans de continuelles alarmes, l’Acadie n’était guère moins embarrassée à se défendre contre les Anglais. Le chevalier Phibs, devenu gouverneur général de la Nouvelle Angleterre, ne pouvant, à cause des dissentions qui agitaient alors la Nouvelle York, tenter une seconde fois la conquête de toute la Nouvelle France, voulut au moins se délivrer de toute inquiétude du côté de l’Acadie, et résolut de faire enlever le chevalier de Villebon dans son fort de la rivière St Jean. Il envoya un vaisseau de 48 pièces de canon, avec deux brigantins, et fit embarquer quatre cents hommes sur ces trois bâtimens.

Il s’en fallait bien que Villebon fût en état de résister à tant de forces; il ne voulut pourtant pas perdre son poste avant d’avoir au moins fait mine de se défendre; et il ne lui en conta presque rien pour le faire avec succès. Il avait envoyé un petit détachement de Français et de sauvages au bas de la rivière, afin de pouvoir être averti à temps de la descente des ennemis, qu’il ne pouvait empêcher. Ceux-ci ayant apperçu ce détachement, et le croyant plus considérable qu’il n’était, craignirent de se trouver contraints de livrer un combat douteux, et se retirèrent.

Ce coup manqué chagrina le chevalier Phibs; mais il eut bientôt de quoi s’en consoler. Les Anglais étaient retournés depuis peu à Pemkuit, et y avaient relevé leur fort, d’où ils incommodaient beaucoup les sauvages des environs. M. de Villebon avait représenté au comte de Frontenac la nécessité de les chasser pour toujours d’un poste qui exposait les Français au danger de perdre leurs meilleurs alliés, ou qui du moins traversait toutes leurs entreprises contre la Nouvelle Angleterre. Le général comprit l’importance de ce projet, et crut avoir trouvé une occasion favorable de l’exécuter. M. d’Iberville était parti de France, sur l’Envieux, vaisseau du roi commandé par M. de Bonaventure avec l’ordre exprès d’aller attaquer le Port Nelson. Il devait trouver à Québec le Poli, autre vaisseau du roi, qu’il devait monter lui-même. Mais comme il ne mouilla devant la capitale du Canada que le 18 Octobre, c’était trop tard pour une entreprise dans la Baie d’Hudson. On songea donc à employer ailleurs un armement qu’il eût été dommage de laisser inutile. Le siège de Pemkuit fut proposé à MM. d’Iberville et de Bonaventure, et ils l’acceptèrent avec joie. Ils firent voile aussitôt pour l’Acadie, et s’étant abouchés avec le chevalier de Villebon, il fut résolu que les deux vaisseaux feraient le siège par mer, tandis que le chevalier attaquerait par terre, à la tête des sauvages.

Cet arrangement pris, l’Envieux et le Poli appareillèrent pour Pemkuit; mais les deux commandans y ayant trouvé un vaisseau anglais mouillé sous le canon du fort; et n’ayant pas eu la précaution d’embarquer un pilote côtier, ou n’en ayant point trouvé, ils ne jugèrent pas qu’il fût de la prudence de s’engager dans un combat sur une côte qu’ils ne connaissaient point, et s’en retournèrent sans avoir rien fait; ce qui mécontenta fort les sauvages, qui étaient accourus en grand nombre, dans l’espérance d’être bientôt délivrés d’un voisinage qui les incommodait extrêmement. Il est à croire que d’Iberville, qui ne fut jamais soupçonné de manquer de zèle ni de courage, ayant compté de surprendre la place, n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’enlever de force.

Quoiqu’il en soit, ce manque de succès chagrina fort le comte de Frontenac; et pour comble de disgrâce, il eut avis qu’on avait vu, à trois journées d’Orange, un corps de huit cents Iroquois, qui étaient en marche pour venir attaquer la colonie. On sut ensuite que ces barbares s’étaient séparés en deux bandes à peu près égales; que l’une devait descendre par le lac Champlain, et l’autre par le lac St. François; que leur dessein était de se réunir près du Sault St. Louis, de s’y retrancher, d’y attirer par de feintes négociations le plus qu’ils pourraient des habitans de cette bourgade, et de massacrer tous ceux qui tomberaient entre leurs mains.

Après avoir pensé à aller au-devant de ces deux troupes, on jugea qu’il était plus expédient de se tenir partout sur ses gardes. De leur côté, les sauvages du Sault promirent d’opposer une contre-ruse au piège qu’on se disposait à leur tendre, et pour les mettre en état de soutenir un coup de main, s’il en était besoin, on envoya un renfort de soldats, et de munitions, au marquis de Crisasi, (frère du chevalier de même nom,) qui commandait dans leur bourgade. On mit aussi hors d’insulte les forts de Sorel et de Chambly; on renouvella aux habitans la défense de s’éloigner trop de leurs habitations, et tous les officiers eurent ordre de se tenir à leurs postes respectifs. Ces précautions, dûe principalement à la sagesse et à la vigilance du gouverneur de Montréal, eurent tout le succès qu’on en pouvait espérer.

Le parti qui venait par le lac St. François parut à la vue du Sault St. Louis; mais apprenant qu’on l’y attendait, et qu’on était assez fort pour ne le pas craindre, il se contenta de faire quelques décharges de fusils, qui sentaient plus la bravade qu’une véritable attaque. On lui répondit sur le même ton, et dès le soir même, il fit retraite. L’autre parti vint après, et fit à peu près la même manœuvre; mais il en resta trois cents hommes dans une des îles du lac Champlain, pour voir si on ne se lasserait point au Sault St. Louis d’être sous les armes, et s’ils ne pourraient pas profiter de quelque heureuse conjoncture. Enfin, apprenant qu’on y faisait toujours bonne garde, ils se lassèrent eux-mêmes d’attendre, et reprisent la route de leur pays.

Alors le comte de Frontenac songea à faite aux Agniers tout le mal qu’ils avaient voulu faire aux Français; car c’était surtout ce canton qui avait formé le dernier parti. Il envoya donc au chevalier de Callières deux cents Canadiens, quelques Hurons de Lorette, des Abénaquis du Sault de la rivière Chaudière, des Algonquins et des Sokokis des environs des Trois-Rivières, avec ordre d’y joindre cent autres Canadiens de son gouvernement, cent soldats, et des Iroquois du Sault et de la Montagne; de former du tout un corps d’armée, et de le faire marcher incessamment contre les Agniers.

Ces ordres furent exécutés avec une extrême diligence: le parti fût composé de six cents hommes, et M. de Callières en confia le commandement à MM. de Mantet, de Courtemanche et de la Noue, tous trois lieutenans. On partit de Montréal le 25 Janvier, et l’on arriva dans le canton d’Agnier, le 16 Février, sans avoir été découvert. Il parait que ce canton n’était alors composé que de trois bourgades, qui avaient chacune un fort. La Noue attaqua le premier, et s’en rendit maître sans beaucoup de résistance: il brûla les palissades, les cabannes et toutes les provisions. Mantet eut aussi bon marché du second, qui n’était éloigne que d’un quart de lieue du premier. Le troisième, beaucoup plus grand, conta aussi beaucoup davantage. La Noue et Mantet y arrivèrent dans la nuit du 18, et trouvèrent qu’on y chantait la guerre. C’étaient quarante guerriers, qui ne sachant rien de ce qui se passait dans leur voisinage, se préparaient à aller joindre un parti de cinquante Onneyouths, lequel devait renforcer une troupe de deux cents Anglais, qui s’étaient proposes de faire une irruption dans la colonie. Quoique surpris, les Agniers se défendirent avec beaucoup de valeur: l’on en tua vingt, et quelques femmes, dans le premier choc, et l’on fit deux cent cinquante prisonniers. On en avait fait plusieurs dans les deux premiers forts, et l’on avait chargé Courtemanche de les garder.

Le gouverneur de Montréal avait recommandé aux chefs de l’expédition de ne faire quartier à aucun homme capable de porter les armes, de les passer tous au fil de l’épée, sans en retenir aucun prisonnier, et d’emmener les femmes et les enfans, pour peupler les deux bourgades chrétiennes de leur nation: les sauvages le lui avaient promis, mais ils ne tinrent pas parole. En effet, les Iroquois du Sault St. Louis et de la Montagne étant presque tous sortis du canton d’Agnier, il semble qu’on aurait dû, ou ne pas les employer dans une expédition contre leurs frères, ou ne pas exiger d’eux qu’ils massacrassent de sang froid des gens qui les touchaient de si près. Mais à cet acte de compassion, qui n’était que naturel chez eux, ils ajoutèrent la faute d’obliger les Français à se retrancher après deux jours de marche, pour attendre l’ennemi, qui s’était mis à leurs trousses. Il parut au bout de deux jours, et se retrancha aussi de son côté. Les Français et leurs alliés le chargèrent jusqu’à trois fois avec beaucoup de résolution; il se défendit courageusement, et son retranchement ne fut forcé qu’à la troisième attaque. La perte des Français fut de seize hommes tués, et douze blessés, du nombre desquels fut M. de la Noue. La perte des Iroquois ne fut guère plus considérable: après s’être débandés, ils se rallièrent, et continuèrent, pendant trois jours, à suivre l’armée française, sans pourtant oser s’en trop approcher, tant qu’elle marcha en corps; mais les mauvais chemins et la disette des vivres l’ayant forcée de se débander, une grande partie des prisonniers se sauvèrent, et il n’en fut amené que soixante-quatre à Montréal. On y fut informé par quelques uns de ces prisonniers que les Anglais devaient venir prochainement, au nombre de trois mille, fondre sur ce gouvernement, tandis qu’une flotte de la même nation, sur laquelle il y avait aussi trois mille hommes de débarquement, ferait le siège de Québec. M. d’Iberville avait mandé la même chose de l’Acadie; il ajoutait que deux soldats, qui avaient déserté de Québec, l’année précédente, et que le gouverneur de la Nouvelle Angleterre avait envoyés vers le baron de St. Castin pour l’enlever, venaient d’être arrêtés, et qu’on avait appris par leurs dépositions que le chevalier Nelson avait envoyé au général Phibs un mémoire sur l’état où se trouvait la capitale.

Sur ces avis, M. de Frontenac crut ne devoir pas différer d’un moment à fortifier cette place, et à réparer les forts de Sorel et de Chambly. Il envoya même ordre à Montréal pour y faire quelques retranchemens. M. de Callières, de son côté, mit plusieurs partis en campagne, pour tâcher d’avoir des prisonniers, afin d’être mieux instruit du dessein des Anglais. La Plaque, qui commandait un de ces partis, lui amena un Français, pris sur mer, il y avait quatre ans, qui lui confirma tout ce que les Agniers et M. d’Iberville avaient dit. Il ajouta que les gouverneurs particuliers des places anglaises situées entre Boston et la Virginie s’étaient assemblés, au commencement de Mars, pour régler ce que chacun d’eux devait fournir d’hommes, et qu’on levait actuellement des soldats à Orange; que le rendez-vous général était indiqué à Boston pour le 20 Avril; et que l’armement devait être de dix mille hommes, dont six mille pour le débarquement.

Quoique ces rapports dussent paraître exagérés au comte de Frontenac, ils ne laissèrent pas que de lui donner beaucoup d’inquiétude. Une autre chose lui causait de l’embarras: il y avait à Michillimakinac de grands amas de pelleteries, et les sauvages n’osaient se hazarder à les apporter à Montréal, sans une escorte, qu’on n’était pas en état de leur envoyer. Il était néanmoins d’une grande conséquence d’avoir ces pelleteries, et d’une plus grande encore de faire savoir à M. de Louvigny les nouvelles qu’on venait d’apprendre, et de lui marquer la manière dont il devait se comporter dans une conjoncture si délicate.

Enfin le général proposa au sieur d’Argenteuil, lieutenant réformé et frère de Mantet, de monter à Michillimakinac, et cet officier accepta avec joie une commission si dangereuse; mais ce ne fut qu’au moyen de grandes promesses que M. de Frontenac put engager dix-huit Canadiens à l’accompagner. Le sieur de La Valtrie eut ordre de les escorter au-delà de tous les passages dangereux, avec vingt Français et quelques sauvages, à qui il fallut encore donner une grosse paie par jour.

Les instructions envoyées à M. de Louvigny lui marquaient de ne retenir de Français que ce qu’il en fallait pour garder les postes, et de faire descendre tous les autres avec le convoi. M. d’Argenteuil fit heureusement son voyage; mais M. de la Valtrie fut attaqué, à son retour, près de l’île de Montréal, par un parti d’Iroquois, et fut tué avec trois de ses gens.

(A continuer.)

SIR WILLIAM JOHNSON.

La Notice suivante contenant plusieurs traits remarquables de l’histoire du Canada, nous croyons faire plaisir à nos lecteurs, en la leur mettant sous les yeux. C’est la traduction d’un article communiqué à l’éditeur du Canadian Magazine.


Tout le monde a entendu parler de Sir William Johnson: le rang distingué auquel son mérite l’éleva; les services qu’il rendit à la cause de son roi, durant la lutte entre les Anglais et les Français dans ce pays, et le rang que tiennent aujourd’hui ses descendans; tout concourt à conserver le souvenir d’un homme qui a joué un rôle si important dans l’histoire de l’Amérique britannique. Mais quoique le nom de Sir William soit connu de tous, plusieurs ignorent les services qui lui ont mérité son rang et sa célébrité, ou les causes qui l’ont amené d’abord sur les rivages américains.

Vers l’an 1734, l’admiral Sir Peter Warren (le même qui, en 1747, se distingua si éminemment au siège de Louisbourg,) était à la tète du département de la marine dans la province de New-York. Ayant épousé une demoiselle de New-York, Sir Peter acheta une grande étendue de terres sur la rivière Mohawk (ou des Agniers) dans le dessein de les établir. Mais comme les devoirs de son état ne lui permettaient pas de s’occuper personnellement de ce soin, il lui devint nécessaire d’employer quelque personne de confiance pour diriger l’entreprise. Son choix étant tombé sur un jeune neveu, de grande espérance, il le fit venir d’Irlande, cette même année 1734; et ce jeune homme fut dans la suite Sir William Johnson, le sujet de la présente notice.

A son arrivée à New-York, le jeune Johnson fut chargé du soin des terres nouvellement acquises et de quelques autres affaires de son oncle, et alla, pour cet effet, s’établir sur la rivière Mohawk. Là, ses fréquentes relations avec les tribus sauvages des environs le mirent bientôt au fait de leurs langues et de leurs mœurs. Ces avantages joints à un jugement solide et à des manières conciliantes lui acquirent en peu de temps l’estime et la confiance de ces sauvages, et lui donnèrent sur eux une influence et un ascendant que nul autre Européen n’avait possédé avant ni ne posséda depuis.

Lorsqu’ensuite la guerre de 1753 éclata entre la France et l’Angleterre, et que les Français du Canada commencèrent à inquiéter et à harrasser les provinces britanniques qui les avoisinaient, le gouvernement anglais vit la nécessité d’augmenter ses forces sur la frontière canadienne, en formant une étroite alliance avec les sauvages. Il fallut chercher une personne dont l’influence sur ces hommes agrestes pût faire parvenir an but qu’on se proposait, et le choix tomba naturellement sur Johnson: en 1755, il fut nommé commandant des forces provinciales de New-York.

La première de ses opérations militaires fut dirigée contre la garnison française de la Grande Pointe, (Crown Point,) sur le lac Champlain, tandis que le général Shirley marchait avec un autre corps de troupes vers le lac Ontario. Après la défaite d’un parti que Johnson avait envoyé pour créer une diversion en sa faveur, sous le commandement du colonel Williams, il fut lui-même attaqué, au lac George, par un grand parti, composé de Canadiens, et de sauvages alliés des Français, sous le commandement du baron Dieskau. Johnson remporta une victoire complète, et fit le baron prisonnier. L’envie, qui ne manque jamais de poursuivre les actions méritoires, commença ici à montrer contre lui sa dent envenimée. Johnson fut blâmé par ses ennemis de n’avoir pas été attaquer le fort de la Grande Pointe, aussitôt après ce combat. On essaya même de lui ôter la mérite de cette brillante victoire, en faveur du brave général Lyman, qui avait combattu sous lui. Mais le gouvernement britannique envisagea la chose sous son vrai jour, et les services de Johnson furent appréciés comme ils méritaient de l’être. Les remercîmens du parlement impérial et un don de cinq mille livres sterling, lui furent votés, comme récompense de sa belle conduite. En même temps, son souverain lui conféra le rang de baronet, et le nomma surintendant des affaires des sauvages pour la province de New-York.

Ainsi un officier de milice remporta par sa bravoure et son habileté une victoire complète sur des forces supérieures en nombre, tandis que le général Braddock, officier de troupes expérimenté, renommé par ses connaissances dans la tactique militaire, et par la stricte discipline de ses soldats, eut le malheur de tomber dans une ambuscade, que lui avaient dressée les Français, et leurs alliés sauvages, près du fort Duquesne, et fut tué lui-même et ses troupes de ligne taillées en pièces.

Dans le combat dont je viens de parler, Sir William Johnson fut blessé sévèrement aux genoux, et en demeura boiteux la reste de sa vie.

En 1759, nous retrouvons Sir William engagé avec ses troupes provinciales, et les sauvages sous le commandement du général Prideaux, dans l’expédition contre le fort de Niagara. Durant le siège de cette forteresse, Prideaux fut tué, et la conduite de l’affaire échut à Sir William, comme commandant en second. Là, il eut le bonheur d’intercepter et de prendre un fort détachement de troupes françaises, qui venait renforcer la garnison de Niagara; après quoi, cette importante forteresse fut forcée de céder à sa bravoure et à son habileté consommée, et la garnison, forte de six cents hommes, se rendit prisonnière de guerre. Cet événement fut pour l’ennemi un revers sérieux; car la perte du fort de Niagara coupa aux Français la communication qu’ils désiraient se conserver avec la Louisiane.

L’année suivante (1760) nous trouvons ce brave officier avec le général Amherst, dans l’expédition contre le Canada, par la route d’Oswego (ou Chouaguen) avec 1000 guerriers des six nations, le plus grand nombre de ces sauvages qui se soient jamais joints en un seul corps aux Anglais; ce qui démontre évidemment la grande influence que Sir William exerçait sur ces peuples par l’éminence de ses talens et la force de son éloquence.

En 1764, Sir William Johnson se trouvait à Niagara, dans le temps que le général Bradstreet envoya une force de 3000 hommes, pour faire lever la siège du Détroit, que pressait alors le chef sauvage Ponthiac, et quand il fut envoyé un détachement pour reprendre le fort de Michillimakinac, où la garnison anglaise avait été massacrée, l’année précédente. Ce fut de ce fort, après que la paix eut été faite, que Sir William envoya inviter tous les sauvages, jusqu’au Sault de Ste. Marie, à s’assembler, et que par son adresse il leur persuada de faire la paix avec les Anglais.

Sir William Johnson mourut d’apopléxie, en 1775; évènement qui fut sincèrement regretté par tous ceux qui avaient eu le plaisir de le connaître, et surtout par les sauvages, qui pleurèrent sa mort comme celle de leur bienfaiteur et de leur père commun; particulièrement les Agniers, qui, hommes, femmes et enfans, témoignèrent leur affliction en se peignant le corps de noir, et en répétant d’un ton lugubre, ces exclamations: “Notre grand ami et frère n’est plus! Sir William est mort! Sir William est mort!”

Il eut pour héritier de son titre et de ses biens son fils Sir John Johnson, qui est aussi surintendant des affaires des sauvages en Canada.


Le correspondant du Canadian Magazine et l’auteur des Beautés de l’Histoire du Canada rapportent l’anecdote des songes, mais un peu différemment. Voici comment la donne le dernier:—

“Le général anglais sur William Johnson, dont le nom est en vénération chez les sauvages, était en conseil avec an parti d’Agniers ou Mohawks; le principal chef lui dit qu’il avait rêvé, la nuit précédente, que Sir William lui avait donné un bel habit galonné, et qu’il croyait que c’était le même qu’il lui voyait: Le général anglais lui demanda en souriant s’il avait bien réellement fait ce rêve; et le sauvage lui répondant aussitôt qu’il n’y avait rien de plus vrai: ‘Eh bien!’ reprit Sir William, ‘l’habit est à toi.’ Il s’empressa de le quitter et d’en revêtir lui-même le chef, qui partit enchanté, en faisant retentir l’air de ce Wohah, qui est le plus grand signe de la joie, comme de la politesse sauvage.

“Sir William ne manqua pas de se trouver an prochain conseil. ‘Je ne rêve pas ordinairement,’ dit-il au chef qui avait son habit; ‘cependant depuis que je ne t’ai vu, j’ai en un songe vraiment singulier.’—‘Quel est ton songe,’ lui demanda le chef.—‘J’ai rêvé,’ reprit Sir William, ‘que tu me donnais une chaîne de terrains sur la rivière Mohawk, pour y bâtir une maison, et y faire un établissement.’ Le terrain dont parlait le général avait environ neuf milles de long.

“Le chef lança un regard pénétrant sur Sir William, et lui dit sans se fâcher: ‘Si dans la vérité de ton âme, tu as rêvé cela, tu l’auras. Quant à moi, je ne rêverai plus: je n’y ai gagné qu’un beau vêtement, et toi tu viens me demander un grand lit sur lequel ont souvent dormi mes ancêtres.’

“Sir William prit possession du grand lit, et donna aux chefs quelques bouteilles de rhum pour terminer l’affaire.”

L’auteur de la notice qu’on vient de lire remarque que, comme chez les sauvages les terres sont la propriété commune de la nation ou tribu, aucune partie n’en peut-être aliénée sans le consentement de tous, ou des chefs assemblés en conseil; et que si celle dont il est parlé ici a réellement eu lieu, il est très probable que ce n’a été qu’en considération d’une compensation à peu près équivalente, du moins aux yeux des sauvages. Cette interprétention, qui nous paraît fondée en raison, disculpe Sir William Johnson de l’espèce de duperie, ou comme s’exprimerait Montaigne, de piperie, dont autrement on aurait pu le croire coupable à l’égard des sauvages.

LES SEPT SAGES DE LA GRECE.

On voit, par les anciens monumens, que les sept Sages de la Grèce avaient chacun leurs figures hiéroglyphiques, qui servaient à les distinguer.

Ces figures nous rapellent la principale maxime de leur morale.

Solon a une tête de mort pour attribut, parce que, suivant la pensée de se philosophe, il faut attendre qu’une personne soit morte pour décider si elle a été heureuse. Plusieurs médailles le représentent encore avec un terme, parce que sa morale tendait à nous faire entendre combien nous devons considérer la fin de toutes choses.

Chilon tient un miroir, emblème d’une leçon bien utile. Qu’y a-t-il en effet de plus important pour nous que d’apprendre à nous connaître?

Cleobule porte des balances, symbole qui nous avertit que nous devons toujours peser et mesurer toutes nos actions, afin de ne tomber dans aucun excès.

On a donné à Periandre une plante appellée pouliot, avec ces paroles: Modère-toi, parce que, suivant les naturalistes, cette plante a beaucoup d’efficacité pour appaiser la colère.

Bias est représenté avec un réseau à côté de lui, et un oiseau renfermé dans une cage; emblème qui nous fait entendre qu’il ne faut répondre de personne. Suivant la morale de ce sage, nous pouvons à peine répondre de nous-mêmes.

Pittacus a un doigt sur la bouche; la maxime de ce philosophe était que, pour ne point se trahir, il fallait apprendre l’art de se taire. Ou le voit aussi tenant une branche de nielle, dont la graine est petite et noire, avec ces mots: Rien de trop; parce que cette graine, prise modérément, conserve la santé; au lieu que, prise avec excès, elle empoisonne.

Thales a un attribut singulier; c’est un homme de l’île de Sardaigne monté sur un mulet. On a prétendu marquer par cet hiéroglyphe, qui est maintenant trop obscur, l’abondance des choses mauvaises, parce que les habitans de Sardaigne passaient pour méchants, et que les mulets, qu’on y voyait en grand nombre, étaient fort mauvais.

CLIMAT DE L’AMERIQUE DU NORD.

Du Voyage de Lambert.

A mon retour des Etats-Unis au Canada, en Mai 1808, je fus informé que l’hiver précédent avait été extrêmement doux, le temps couvert et sujet à de fréquentes chûtes de neige et de pluie; tellement que les habitans avaient été, à plusieurs reprises, privés du plaisir de se promener en carioles. Cette exception remarquable à la température générale des hiver, du Canada est une circonstance singulière; mais ce n’est pas une preuve que la sévérité: du climat ait diminué; j’offrirai quelques observations sur ce sujet.

C’est l’opinion générale des habitans que les hivers sont plus doux, et qu’il y tombe moins de neige qu’autre fois; et que les étés sont aussi plus chauds. Cela se pourrait conclure aisément d’après l’état amélioré du pays. Les bois abattus, les terres cultivées, et une population plus dense doivent naturellement avoir un effet considérable sur le climat. Les immenses forêts qui, auparavant, interposaient leur épais feuillage entre le soleil et la terre, et empêchaient cette dernière de recevoir la chaleur salutaire propre à tempérer une atmosphère rigoureuse, sont maintenant ou considérablement éclaircies, ou entièrement détruites, en différentes parties du pays. Les rayons puissants du soleil rencontrent présentement peu d’obstacles: le sol cultivé en imbibe la chaleur, et la renvoie à son tour, en vapeurs chaudes et humides, dans l’air environnant. Ajoutez à cela que les exhalaisons de tant de milliers d’hommes et d’animaux, et la combustion de tant de matières combustibles, doivent contribuer grandement à diminuer la sévérité du climat. Cependant, malgré toutes ces vérités, qui équivalent presque à une démonstration du fait, encore corroborée, en apparence, par l’opinion des habitans, je ne trouve pas, en recourant à un ancien journal météorologique, qu’il se soit fait, du moins depuis soixante ans, un changement aussi considérable que les circonstances que je viens de mentionner sembleraient le permettre.

Dans cet ancien journal pour l’année 1745, on observe, que le 29 Janvier de cette année, le fleuve St. Laurent, près de Québec, était couvert de glaces; mais que, dans les années précédentes, il en avait fréquemment été couvert au commencement de ce mois, ou vers la fin de Décembre. Or durant mon séjour à Québec en 1806, le fleuve fut couvert de glaces dès la première semaine de Décembre, et un vaisseau qui restait ne put partir pour l’Europe.

En Mars 1715, le journal mentionne qui l’hiver avait été très doux; qu’il n’y avait que deux pieds de neige, et que la glace sur le fleuve n’était pas plus épaisse. En 1806, la neige, dans les environs de Québec, avait au moins quatre pieds de hauteur moyenne, et la glace du fleuve était plus ou moins épaisse, suivant qu’elle avait été plus ou moins accumulée, en flottant avec la marée. Il y avait des glaçons de douze à seize pieds d’épaisseur, on même davantage.

Le 20 Avril 1745, la glace se brisa, devant Québec et descendit. On observe néanmoins, dans le journal, que la débacle avait rarement lieu d’aussi bonne heure, et que quelquefois le fleuve, devant Québec, était encore couvert de glace le 10 Mai. Le 7 Avril de cette année, les jardiniers commencèrent à faire des couches chaudes, et le 25, plusieurs des fermiers commencèrent à semer leur bled.

En Avril 1807, la glace ne partit de devant Québec que vers la troisième semaine. Le 28, la glace du lac St. Pierre, au-dessus des Trois-Rivières, descendit, et encombra de grandes masses le fleuve et les rivages, dans les environs de Québec. Au milieu de ces glaçons, il arriva à Québec, avec la marée montante, un vaisseau de Liverpool, le premier qui soit arrivé cette année. C’était une expérience très dangereuse, et qui excita la surprise des habitans, qui disaient qu’un arrivage aussi hâtif était très peu ordinaire. Le 3 de Mai, il n’y avait plus de glace sur le fleuve.

Il y avait des fraises de mûres à Québec le 22 Juin 1745; mais en 1807, nous ne pûmes nous en procurer que vers le 15 ou le 20 de Juillet; et tandis que je séjournais aux Trois-Rivières, dans l’été de 1808, les fraises ne furent pas mûres, dans le voisinage, avant la seconde semaine de Juillet.

Le 22 Août 1745, la récolte commença dans les environs de Québec. En 1807 et 1808, ce ne fut qu’une semaine ou dix jours plus tard, quoique l’été de la dernière année ait été remarquablement chaud. On observe dans l’ancien journal, que dans les années qui avaient précédé 1745, le bled n’était jamais mûr avant le 15 Septembre; et que ce grain parvenait rarement à une maturité convenable, en Canada, si ce n’était dans des étés très chauds.

En 1745, les habitans continuèrent à labourer jusqu’au 10 Novembre: les animaux allèrent aux champs jusqu’au 18, et le 24, il n’y avait pas encore de glace sur le St. Laurent.

Le 1er. Décembre de la même année, le journal mentionne, comme une chose remarquable, qu’un vaisseau aurait pu faire voile pour France, tant le fleuve était libre de glace; que le 16, le fleuve était couvert de glace des deux côtés, mais ouvert au milieu, et que le 26, toute la glace fut emportée par une forte pluie: mais le 28, une partie du fleuve s’en couvrit de nouveau.

Or dans la première semaine de Décembre, en 1806 et 1807, les vaisseaux lurent obligés de laisser Québec, à cause ries vastes masses de glace flottante dont le fleuve se couvrait, et dont il fut couvert fout le reste de ces hivers.

Il parait évident, d’après ces faits, qu’une amélioration dans le climat du Canada est une chose extrêmement problématique. Il a aussi été observé par quelques uns des ordres religieux, qui avaient l’habitude de tenir des journaux météorologiques, qu’il y a un demi siècle, les hivers étaient aussi rigoureux que plus anciennement, quoiqu’un peu plus courts, et que les étés étaient un peu plus longs, mais non pas plus chauds que précédemment.

Du Nova Scotian d’Halifax.

Il y a peu de sujets sur lesquels les habitans de l’Amérique du Nord aient moins differé que sur celui de l’amélioration progressive de leur climat. Jetter un coup d’œil sur la carte autrefois nue de ce continent, et ensuite sur un tableau où se présentent des villes, des villages, et toutes les marques du domaine de l’agriculture, c’est, conformément aux idées populaires, tout ce qu’il faut pour donner à cette opinion du poids, de la vogue et de la stabilité. Ils ne serait peut-être pas possible d’imaginer une théorie plus aisée à renverser que cette opinion générale, pour ceux qui ne veulent être guidés que par les faits; bien qu’il puisse être difficile d’en citer une qui ait été soutenue par plus de talens et plus de préjuges.

Hakluit, dans son histoire des pêches de Terreneuve, rapporte qu’un nommé Savalet, natif de Gascogne en France, fit quarante deux voyages à l’Acadie. Il commencèrent en 1566 et finirent en 1607. Une circonstance de l’histoire est importante pour les présentes recherches: le vaisseau de Savalet se trouva entourré de glaces dans la rivière d’Annapolis; mais le dégel du printemps étant survenu, il remit en mer, dans le mois de Mars, au grand contentement des gens de l’équipage. Ceci arriva en 1583. Vol. 1 p. 112.

L’auteur qui je citerai ensuite est le sieur Abbeville. Quelques années après le traité de St. Germain (1633), cet individu entra dans la compagnie de la Nouvelle France, et visita le Canada et l’Acadie. Il décrit le pays situé entre le 45e et le 48e degré de latitude comme ayant un sol chaud, propre à une forte végétation. Les sauvages mettaient ordinairement leurs canots d’écorce à l’eau, dans les rivières, vers la fin de Mars. Depuis le 1er. d’Avril, presque tout le monde portait un habit léger, un juste-au-corps, ou pourpoint, et dans le même mois, ceux qui allaient à la chasse, étaient obligés, vers midi, de se mettre à l’abri du soleil. Dans sa description de quelques uns des animaux de l’Amérique du Nord, le même auteur fait allusion aux époques où la belette et le lièvre commencent à se dépouiller de leur blanche livrée, et s’il a été un observateur exact, il paraitrait que ces animaux portaient leur habit d’été un mois de plus qu’ils ne font à présent.

Le P. Depon, un des missionnaires de Sylleri, qui fonda le college des jésuites à Québec, en 1636, décrit ainsi une partie d’une excursion qu’il avait faite, dans le mois d’Avril, avec quelques uns de ses amis, dans une campagne voisine de la capitale du Canada.

“Nous nous assîmes sous un large hêtre, et les oiseaux qui étaient autour de nous semblaient se féliciter mutuellement de jouir des plaisirs de cette scène. Il y avait quelques fleurs champêtres, pour nous montrer combien la terre était productive, tandis que des agneaux, bondissant près des chaumières des habitans, cherchaient un frais abri contre un soleil ardent, et le délassement après s’être rassasiés du lait abondant de leurs mères.”

Peut-être que le plus satisfaisant et le plus important compte rendu de l’ancien état de notre climat est celui de monsieur Lescarbot, qui, sons le règne de Henri IV. de France, vint dans les domaines transatlantiques de ce monarque, et y fit quelques recherches. Il se trouve dans l’histoire de la Nouvelle France, éd. de Paris, 1609, p. 623. L’auteur séjourna principalement à Annapolis, alors le Port Royal.

Les particularités explicatives de notre climat qu’on y trouve sont:—

1º.

Qu’il y a plus de deux siècles, les gelées du matin, dans la Nouvelle Ecosse, n’étaient considérables qu’a la fin de Janvier et dans le cours de Février;

2º.

Qu’avant cette époque, notre auteur et autres avaient coutume d’être vêtus légèrement dans le mois de Janvier;

3º.

Que la rivière Annapolis (la rivière de l’Equille) se trouva, le 14 Mars, parfaitement navigable, tellement que M. Lescarbot et ses amis s’y promenèrent en chaloupe, un dimanche après midi, en chantant et jouant de la musique;

4º.

Que dans le même mois, ils firent une excursion dans la campagne voisine de la Citadelle, où le bled poussait, et dinèrent agréablement au soleil.

Dans un autre endroit, p. 625. l’auteur dit que les Acadiens commençaient à bêcher et à ensemenser leurs jardins à la fin de Mars.

BIOGRAPHIE.

Bartram (John,) savant botaniste, naquit près le village de Darby, dans le comté de Chester, état de Pensylvanie, en 1701. Son grand-pere, du même nom, accompagna Guillaume Penn dans ce pays, en 1682. Ce génie, qui n’eut de maître que lui-même, montra de bonne heure un ardent désir d’acquérir des connaissances, et particulièrement en botanique; mais l’état naissant de la colonie opposa de grands obstacles à ses premières études. Cependant il les surmonta par une ferme application, et par les seules ressources de son propre génie. A l’aide des personnes les plus respectables, il apprit avec un succès extraordinaire les langues savantes. Il acquit des connaissances si profondes dans la médecine et dans la chirurgie, qu’il administrait les plus grands secours aux indigens et aux malades, dans son voisinage. Il cultivait la terre, comme un moyen de nourrir une famille nombreuse; mais tandis qu’il labourait, ou qu’il semait ses champs, ou qu’il retournait ses prairies, il était constamment occupé à examiner les opérations de la nature. Il fut le premier Américain qui conçut et effectua le projet d’établir un jardin botanique, pour y cultiver les plantes de l’Amérique, ainsi que les plantes exotiques. Il fit l’acquisition d’un grand terrain, dans une exposition magnifique, sur les hauteurs du Schuylkill, environ à cinq milles de Philadelphie, dans lequel il forma avec soin le plan d’un grand jardin. Il le planta, et l’enrichit d une variété de végétaux les plus curieux et les plus beaux qu’il avait pu se procurer dans ses excursions dans le Canada et dans la Floride. Ces voyages avaient lieu principalement en automne, quand sa présence à la maison était devenue moins nécessaire pour diriger ses travaux d’agriculture. Son ardeur dans ses recherchés était telle, qu’à l’âge de 70 ans, il fit un voyage dans la Floride Orientale, afin d’en rapporter les productions naturelles. Ses voyages parmi les Indiens étaient souvent accompagnés de dangers et de difficultés. Par son moyen, les jardins de l’Europe furent enrichis d’arbrisseaux en fleurs, ainsi que d’arbres et de plantes qui avaient été recueillis en différentes parties des Etats-Unis, depuis les bords du lac Ontario jusqu’aux sources de la rivière St. Jean. Il fit de si grands progrès dans ses études favorites, et il y devint si habile, que Linnee, parlant de lui, le proclama le plus grand botaniste de l’univers. Sa supériorité dans l’histoire naturelle lui attira l’estime des hommes les plus distingués en Amérique et en Europe. Par le moyen de l’amitié de Sir Henry Sloane, de M. Catesby, du docteur Hill, de Linnée, et d’autres savans, il reçut tes livres et les instrumens dont il avait un si grand besoin; ce qui diminua de beaucoup les difficultés de sa situation. A son tour, il leur envoya tout ce qu’il put trouver de nouveau, de rare et de curieux dans les productions de l’Amérique. Il fut membre de plusieurs sociétés savantes et des académies les plus justement honorées au dehors de l’Amérique. Il fut nomme botaniste américain de S. M. B. Georges III, de laquelle place il a continué de jouir jusqu’a sa mort, arrivée en Septembre 1777, dans la 76e année de son âge. Il était bon mécanicien. La maison en pierre dans laquelle il vivait fut bâtie par lui, ainsi que plusieurs monumens qui sont conservés. Il était souvent son propre maçon, son charpentier, son serrurier, &c. &c. et les outils propres à l’agriculture dont il se servait, étaient sortis de ses mains.—Dictionnaire Historique, &c.

VENTS DE NORD-EST ET DE NORD-OUEST,

AU CANADA ET AUX ETATS-UNIS.

Ainsi que la plupart des vents, le vent du nord-est, en changeant de pays, change de caractère, ou du moins de qualités. En Egypte, sous le nom de gregale, je l’avais trouvé froid, nuageux, pesant à la tête: sur la Méditerrannée, je l’éprouvai pluvieux, bourru, sujet aux rafales: en France, surtout au nord des Cévennes, nous nous en plaignons comme du plus sec de tous les vents: aux Etats-Unis, au contraire, j’ai vu qu’avec autant de raison l’on s’en plaint comme du plus humide et de l’un des plus froids. Le problême de ces diversités, ou de ces contrastes, se résout avec assez de facilité par l’inspection des cartes géographiques. En effet, en Egypte, le vent de nord-est arrive du nord de la Syrie et de la chaine du mont Taurus, qui par l’Arménie va se joindre au Caucase, et qui pendant plusieurs mois de l’année, est couverte de neiges. En France, au midi des Cévennes, le nord-est venant des Alpes, ne peut-être que sec et froid.

Aux Etats-Unis (et en Canada) le vent de nord-est vient d’une étendue de mers dont la surface, prolongée jusqu’au pôle, le sature, sans interruption, d’humidité et de froid: aussi déploie-t-il éminemment ces deux qualités sur toute la côte atlantique; il n’est pas besoin de regarder le ciel pour savoir s’il souffle: dès avant qu’il se déclare, on peut le pronostiquer au sein des maisons, à l’état déliquescent que prennent le sel, savon, le sucre, &c. Bientôt l’air se trouble, et les nuages, s’il en existait, n’en forment plus qu’un seul, sombre et universel. Dans les saisons froides, ou seulement fraiches, ce vaste nuage tombe en neige; et si l’air est chaud, il se résout en pluie opiniâtre.... Depuis le cap Cod jusqu’au banc de Terre-Neuve, le vent de nord-est pousse sur la côte les brouillards les pins froids et les pins transissants que j’aie jamais éprouvés. Il appartient aux physiologistes d’expliquer pourquoi à Philadelphie comme au Kaire, ce vent affecte la tête d’un sentiment douloureux de pesanteur et de compression: ce qu’il y a de certain, c’est que dans ces deux villes, j’ai senti également bien, a mon réveil, avant de voir le ciel, si le nord-est régnait.

Les qualités du vent de nord-est diminuent naturellement d’intensité, sur la côte atlantique, à mesure que l’on avance plus au sud; mais elles demeurent reconnaissables jusqu’en Géorgie, et nommer ce vent, depuis Québec jusqu’à Savannah, c’est désigner un vent humide, froid et désagréable.

Ce langage change, lorsqu’on passe à l’ouest des Alleghanys: là, au grand étonnement des emigrans de Connecticut et de Massachusetts, le nord-est et l’est sont des vents plutôt secs qu’humides plutôt légers et agréables que pesants et fâcheux. La raison en est que ces courrans d’air n’y arrivent qu’après avoir franchi un rampart de montagnes, où ils se dépouillent, dans une région élevée, des vapeurs dont ils étaient gorgés. Aussi n’est-ce que par des cas accidentels et rares, surtout en été, qu’ils transportent sur l’Ohio et le Kentucky les pluies que l’on y désire; et alors elles y durent au moins vingt-quatre heures, et quelquefois trois jours consécutifs, parce qu’il à fallu un vide considérable dans l’atmosphère du bassin du Mississippi, pour déterminer l’irruption de l’atmosphère atlantique, et qu’il faut un on plusieurs retours du soleil sur l’horison pour que la chaleur de ses rayons rétablisse le niveau entre ces deux grands lacs aériens: ces ruptures d’équilibre sont plus fréquentes pendant l’hiver, à raison de l’état tempêtueux de l’atmosphère sur la mer et le continent; alors il n’est pas rare que le nord-est et l’est traversent les Alleghanys, et jettent sur le pays d’ouest des ondées de neige ou de pluie; mais bientôt leur antagoniste perpétuel, le sud-ouest, qui règne dans cette contrée dix mois sur douze, les chasse de son domaine, et les force de se replier sur les monts.—Là, s’établit entr’eux une lutte habituelle, dont les efforts inégaux et variés sont une des causes de l’agitation de l’atmosphère pendant cette saison. C’est surtout aux équinoxes que le choc est violent et l’irruption impétueuse; aussi est-ce de préférence à cette époque, et dans les mois d’Avril et d’Octobre que se montrent les ouragans dont le veut de nord-est est l’agent le plus habituel, aux Etats-Unis. Ces ouragans ont cela de particulier, que leur furie se déploie ordinairement sur une courte ligne d’un quart de lieue, quelquefois de trois cents toises de largeur, et seulement d’une ou deux lieues de longueur. Dans cet espace, ils arrâchent et renversent les arbres des forêts, et ils y font des clairières, comme si la faux d’un moissonneur avait passé sur les sillons d’un champ de bled.

La fréquence des vents de nord-est, sur la côte atlantique, peut s’attribuer, en partie à la direction du rivage et des montagnes de cette contrée, laquelle favorise le cours du fluide aérien. Des observations faites à Monticello, à Fredericktown à Bethleem, prouvent que souvent tout autre rumb souffle dans l’intérieur des terres, quand à New-Port, à New-York, à Philadelphie, à Norfolk, des observations du même jour attestent le nord-est.—Quelquefois, ce vent lui-meme en porte des preuves sur sa trace, en versant sur le littoral des ondées de neige qui ne pénétrent pas dix milles dans l’intérieur. Ce cas arriva à Norfolk, le 13 Février 1798, lorsque, dans une seule nuit, il tomba sur cette ville, et ses environs plus de quarante pouces de neige, par un vent de nord-est, tandis quà dix lieues, au sein des terres, il n’avait pas même plu, et qu’il régnait plutôt un vent de nord-ouest, ainsi que l’observèrent plusieurs papiers publics.


Le vent de nord-ouest, aux Etats-Unis, est essentiellement froid, sec, élastique, impétueux, et même tempêtueux; il est plus fréquent l’hiver que l’été, et plus habituel sur la côte atlantique qu’à l’ouest des Alleghanys, c’est à dire dans les bassins du St. Laurent, de l’Ohio et du Mississipi. J’aurai occasion de montrer que dans plusieurs cas, il dérive de la couche supérieure de l’atmosphère; mais à l’ordinaire et dans ses longues tenues, il vient jusque des mers glacées du pôle, et des déserts également glacés qui sont au nord-ouest du lac Supérieur. Dans les premiers temps, l’on a cru que ce lac et les quatre autres qui lui sont contingus étaient la cause principale et même première du froid que le vent de nord-ouest apporte sur la côte atlantique.—Aujourd’hui que tout le continent est mieux connu, cette opinion se conserve de partisans que dans le vulgaire; de bons observateurs avaient déjà remarqué que dans les cantons du Vermont et du New-York, qui ne sont point sous le vent des lacs, le froid n’était pas moins violent qu’ailleurs; les récits des Canadiens qui vont à la traite des fourrures bien au-delà de ces lacs, ont achevé de dissiper tout doute: ces traitans attestent unanimement que plus ils s’avancent dans le Grand Nord,[1] plus le vent de nord-ouest est violent et glacial, et qu’il est leur principal tourment dans les plaines déboisées et marécageuses de cette Sibérie, et même en remontant le Missouri jusqu’aux monts Chipewans. Il faut donc reconnaître que primitivement le nord-ouest américain tire sa source, et de ces déserts qui, depuis les 48 et 50° sont glacés pendant neuf et dix mois de l’année, et de la mer Glaciale, qui commence vers le 72e degré, et enfin de la partie nord des monts Stony (montagnes de roches) ou Chipewans, qui parait être couverte de neige pendant toute l’année. Il est à remarquer que par delà ce monts, sur la côte de Vancouver, le nord-ouest, qui vient de Baring, est déjà plus humide et moins froid.

Sur la côte atlantique, le vent de nord-ouest, qui a parcouru le continent, amène aussi quelquefois des ondées de neige on de pluie, ou même de grêle: mais ces nuages appartiennent plutôt à d’autres courans d’air, tels que le nord-est elle sud-ouest, qu’il force de se replier et qu’il dépouille en les chassant; d’autres fois, ils sont le produit des surfaces humides qu’il trouve sur sa route, tels que les cinq grands lacs du St. Laurent, les marécages, et même les fleuves pris dans les longues lignes de leur cours: c’est pour cette raison que sous le vent de ces lacs et des longues lignes du Mississippi et de l’Ohio, le vent de nord-ouest prend un caractère humide en hiver, et orageux en été, qu’on ne lui trouve point en d’autres cantons. Car depuis Charleston jusqu’à Halifax, parler du nord-ouest, c’est désigner un vent violent, froid, incommode, mais sain, élastique et ranimant les forces abattues. Seulement, il a cela de perfide en hiver, que tandis qu’un ciel pur et un soleil éclatant réjouissent la vue, et invitent à respirer l’air, si en effet, on sort des appartemens, l’on est saisi d’une bise glaciale, dont les pointes taillent la figure et arrachent des larmes, et dont les rafales impétueuses, massives, font chanceller sur un verglas glissant. Moins rude en été, on le désire pour calmer la violence des chaleurs; et en effet, il lui arrive alors assez souvent de se montrer après une ondée de pluie d’orage; et comme il est impossible que le laps, d’une demi-heure lui ait suffi à venir de loin, il est évident qu’il tombe de la région supérieure, qui, à ces latitudes, n’est pas distante de plus de 2,800 à 3,000 mètres: le vide étant formé près de terre par la condensation des nuages en pluie, la couche supérieure s’y abaisse pour le remplir.

Très souvent le nord-ouest n’est point senti à Québec, tandis qu’il l’est dans le Maine et l’Acadie: il est évident qu’alors il a glissé par-dessus le lit concave du fleuve St. Laurent, sans déplacer l’air qui y est stagnant.

Enfin, un dernier fait curieux à citer sur le vent de nord-ouest c’est qu’aux Etats-Unis le ciment et le mortier des murs exposés à son action directe, sont toujours plus durs, plus difficiles à démolir qu’à aucune des autres expositions; sans doute à raison du hâle extrême qui l’accompagne: pareillement dans les forêts, l’écorce des arbres est plus épaisse et plus dure de son côté que de tout autre; et cette remarque est l’une de celles qui guident les sauvages dans leurs courses à travers les bois, par le ciel le plus brumeux.—(Volney, Tableau du climat et du sol des Etats-Unis.)


C’est l’expression canadienne pour désigner tout le pays.

MORT DE COOK.

Il y avait peu de jours que le capitaine Cook était parti des îles Sandwich, lorsqu’il se vit forcé, par la tempête, de relâcher dans l’île de Karakakoua[1] une des îles du même archipel qu’il venait d’abandonner. Il s’apperçut avec chagrin que les insulaires n’étaient plus les mêmes à l’égard des Anglais. Il n’entendait plus de cris de joie; la foule ne se rassemblait plus autour de lui, la baie était déserte et tranquille; il y avait ça et là quelques pirogues qui semblaient fuir le vaisseau. Cependant le roi Tierrorou vint à bord, et les échanges avec les habitans recommencèrent.

Le soir, on vint dire à Cook que plusieurs chefs s’étaient rassemblés près d’un puits voisin du rivage, et qu’ils chassaient les insulaires qui aidaient les matelots à remplir leurs futailles; on ajouta que leur conduite paraissait suspecte, et annonçait qu’on ne laisserait point les Anglais tranquilles. Peu après, on apprit que les insulaires s’étaient armés de pierres. Le lieutenant King s’avança vers eux, et ils parurent se calmer; ils quittèrent leurs pierres, et ceux qui aidaient les matelots se mirent à l’ouvrage. Le capitaine ordonna à King de faire charger les fusils à balle, si les Indiens recommencement à s’armer. Peu de temps après, Cook entendit, de l’observatoire qu’il avait lait dresser sur le rivage, un bruit de mousqueterie, et vit une pirogue qui ramait précipitamment vers la côte, poursuivie par un des canots anglais; il pensa qu’un vol avait causé ces coups de fusil. Il ordonna au lieutenant de poursuivre les insulaires de la pirogue; mais celui-ci revint sans avoir pu les atteindre.

Cependant la pirogue abandonnée était tomdée entre les mains des Anglais. Parea, un des chefs, vint la réclamer; on refusa de la lui rendre; il persista, il y eut des coups de donnés, et Paréa fut renversé d’un violent coup de rame à la tête. A ce spectacle, les insulaires d’abord spectateurs paisibles, firent pleuvoir une grêle de pierres sur les Anglais, qui se virent forcés de se retirer, et de gagner à la nage un rocher, à quelque distance de la côte. Les insulaires s’emparèrent de la pinasse, la pillèrent, et l’auraient détruite, si Paréa ne tes en eût empêchés. Il fit signe à nos gens qu’ils pouvaient la venir reprendre, et qu’il s’efforcerait de retrouver les choses qu’on y avait volées. Les Anglais revinrent, et ramenèrent la pinasse au vaisseau. Paréa les y suivit, parut affligé de ce qui s’était passé, demanda si le capitaine était irrité contre lui, et on l’assura qu’il serait toujours bien reçu sur les vaisseaux.

“Je crains bien, dit Cook, au récit de ces détails, que les insulaires ne me forcent à des mesures violentes; il ne faut pas les laisser croire qu’ils ont eu de l’avantage sur nous.”

Il fit sortir du vaisseau les insulaires qui s’y trouvaient. Le lendemain, on apprit qu’ils avaient volé la chaloupe de la Découverte. Cook donna des ordres pour qu’on se saisit de toutes les pirogues qui paraîtraient, et il descendit sur le rivage, dans le dessein de persuader au roi de venir sur le vaisseau, et de le garder en otage, jusqu’à ce qu’on lui eût rendu la chaloupe. Le lieutenant King alla, de son côté, visiter les prêtres de l’île, qui avaient toujours témoigné aux Anglais la plus grande bienveillance; et comme il les trouva alarmés des préparatifs qui se faisaient, il leur dit que les Anglais étaient résolus de se faire rendre justice; mais qu’ils n’avaient pas l’intention de faire aucun mal au peuple. Il les pria d’exposer ses raisons à leurs compatriotes, et de les rassurer: ce qu’ils firent, charmés sans doute de l’assurance qu’on leur avait donnée qu’il ne serait fait aucune violence au roi Tierrobou, quelque chose d’ailleurs qui pût arriver.

Cependant le capitaine avait débarqué; il s’était rendu, avec son lieutenant et ses neuf soldats, au village de Kohrowa, où il fut reçu avec respect: les habitans se prosternèrent, et lui offrirent de petits cochons. Les deux fils du roi s’y trouvaient, et le conduisirent dans la maison où leur père était couché; ils le trouvèrent encore à moitié endormi. Le capitaine l’invita à venir passer la journée sur le vaisseau; et il accepta, sans balancer, la proposition.

Tout annonçait un succès heureux: déjà les deux fils du roi étaient dans la pinasse, déjà le roi était sur le rivage, lorsqu’une vieille femme appella, à haute voix, la mère de ces jeunes princes, épouse de Tierrobou. Elle s’approcha de ce chef, et le conjura, en versant des larmes, de ne pas aller aux vaisseaux. Deux autres chefs arrivèrent, le retinrent et le firent asseoir. Les insulaires se rassemblaient en foule, effrayés de quelques coups de canon qu’ils avaient entendus, et des préparatifs qu’ils voyaient faire. Le lieutenant des soldats de marine, les voyant pressés, et qu’ils ne pourraient se servir de leurs armes, s’il fallait y avoir recours, proposa de les mettres en ligne vers les rochers, au bord de la mer, et le capitaine y consentit.

Durant cet intervalle, le roi effrayé, assis par terre, paraissait disposé à se rendre aux instances du capitaine; mais les chefs employèrent même la violence pour le retenir. Alors Cook s’apperçut bien que l’alarme était trop générale pour espérer de réussir dans son projet; il dit au lieutenant que, s’il s’obstinait à vouloir conduire le roi à bord, il s’exposait à la nécessité de tuer beaucoup de monde, et qu’il fallait l’éviter.

Il n’était point en danger lui-même encore: mais un accident qu’il ne pouvait prévoir fut cause de son malheur. Les canots anglais, placés en travers de la baie, ayant tiré sur des pirogues qui cherchaient à s’échapper, tuèrent malheureusement un chef du premier rang. Cette nouvelle arriva au village, où se trouvait le capitaine, au moment où il venait de quitter le roi, et où il marchait tranquillement vers le rivage. La rumeur, la fermentation que cette mort excita, furent violentes; les hommes renvoyèrent les femmes et les enfans, se revêtirent de leurs nattes de combat, et s’armèrent de piques et de pierres. L’un d’eux, qui tenait une pierre et un long poignard de fer, nommé pohonah, s’approcha de Cook, le défia en brandissant son arme, et le menaça de lui jetter sa pierre. Le capitaine lui conseilla de cesser ses menaces; son ennemi en devint plus insolent encore, et alors Cook lui tira son coup de petit plomb. L’insulaire ne fut point blessé; sa natte fit tomber le plomb mort à ses pieds, et il en devint plus insolent et plus audacieux. Cependant on jettait des pierres aux soldats de marine, et l’un des ćris, ou chefs, essaya de poignarder celui qui les commandait. Il n’y réussit pas, et reçut un coup de crosse de fusil. Le capitaine se vit dans la nécessité de se défendre; il fit feu sur l’insulaire, qui s’approchait, et l’étendit mort sur le carreau. Alors les Indiens formèrent une attaque générale, et les soldats de marine, ainsi que les matelots, leur répondirent par une décharge de mousqueterie. Les insulaires n’en furent point ébranlés; ils soutinrent le feu, et se précipitèrent sur le détachement, en poussant des cris et des hurlemens épouvantables, et avant que les soldats eussent le temps de recharger. Quatre soldats de marine, environnés de toutes parts, périrent sous les coups de leurs adversaires; trois furent dangereusement blessés. Le lieutenant, déjà blessé entre les deux épaules, allait être achevé d’un second coup de poignard, lorsqu’il se retourna et tua son ennemi. Cook se trouvait alors au bord de la mer; il criait aux canots de cesser leur feu, et de s’approcher du rivage, afin d’embarquer sa petite troupe. Aussi longtemps qu’il regarda les insulaires en face, aucun d’eux ne se permit de violence contre lui, tant le respect qu’il leur avait inspiré agissait encore sur eux, même dans ces momens terribles, où l’on ne prend de loi que de sa fureur; mais au moment qu’il se tourna pour donner ses ordres aux canots, il reçut un coup de pique qui le fit chanceler et tomber. Comme il se relevait, il reçut un coup de poignard sur le cou, et il tomba dans un creux de rocher rempli d’eau; il se débattit encore avec vigueur, éleva la tête, et semblait, des yeux, appeller du secours. Les Indiens le replongèrent dans l’eau; il éleva cependant encore la tête, et se rapprochait du rocher, quand un second coup de pique lui donna la mort. Les Indiens trainèrent son corps sur le rivage, en s’enlevant les poignards les uns aux antres, chacun d’eux, avec une brutalité féroce, voulant, lui donner des coups, lors même qu’il ne respirait plus. Ce funeste évènement arriva le 14 Février 1779.—(Beautés de l’Histoire d’Amérique.)


Karakakoua n’est pas une île particulière, mais une baie et un port de l’île d’Ohèhy, la principale des îles Sandwich. Voyez Voyage de Franchère, pp. 38 et 40.

LE TILLEUL.

Baucis fut changée en tilleul. Le tilleul est l’emblême de l’amour conjugal. En jettant un coup d’œil sur les plantes consacrées par la mythologie des anciens, on ne peut se lasser d’admirer avec quelle justesse ils ont su rapprocher les qualités de la plante de celles du personnage qu’elle devait représenter. La beauté, la grâce, la simplicité, une douceur extrême, un luxe innocent, tels seront, dans tous les siècles, les attributs et les perfections d’une tendre épouse. Toutes ces qualités on les trouve réunies dans le tilleul, qui se couvre, chaque printemps, d’une si douce verdure, qui répand de si douces odeurs, qui prodigue aux jeunes abeilles le miel de ses fleurs et aux mères de familles ses fléxibles rameaux, dont elles savent faire tant de jolis ouvrages. Tout est utile dans ce bel arbre; on boit l’infusion de ses fleurs; on file son écorce, on en fait des toiles, des cordes et des chapeaux. Les Grecs en faisaient du papier rejoint par lames comme celui du papyrus. J’ai vu du papier de cette écorce fabriqué à notre manière qu’on aurait pris pour du satin blanc.[1]

Mais essaierai-je de peindre les effets ravissants de son beau feuillage, lorsque tout trais encore on le voit doucement tourmenté par les vents, qui y creusent des voutes, des cavernes de verdure? On dirait que ces jeunes feuilles ont été coupées dans une étoffe plus douce, plus brillante et plus souple que la soie, dont elles ont les heureux reflets. Jamais on ne se lasse de contempler ce vaste ombrage; toujours on voudrait se reposer à son abri, écouter ses murmures, respirer ses perfums. Le superbe maronier, l’acacia si léger ont disputé un moment au tilleul sa place dans les avenues et les promenades publiques.—Mais rien ne saurait l’en bannir. Qu’il soit à jamais l’ornement des jardins du riche, et le bienfaiteur du pauvre, auquel il donne des étoffes, des meubles, des chaussures.[2]

L’ombre, l’été, l’hiver, les plaisirs du foyer.

Qu’il soit l’exemple des épouses, en leur rappellent sans cesse que Baucis en fut le modèle.

Mad. de Latour, Le Langage des Fleurs.


Nous avons remarqué, Tome V. p. 195, que l’écorce de notre tilleul, ou bois-blanc, serait très probablement un bon substitut aux guenilles de toile de lin et de coton, dont se servent actuellement nos fabricans de papier.

C’est de bois-blanc que sont faits les sabots, les pêles, &c. qui s’apportent, tous les hivers, sur nos places de marché. C’est encore avec des troncs de bois-blanc que nos campagnards riverains fabriquent leurs petits canots.

——

Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne;

On les va voir encore, afin de mériter

Les douceurs qu’en hymen amour leur fit goûter:

Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre.

Pour peu que des époux séjournent sous leur ombre,

Ils s’aiment jusqu’au bout, malgré l’effort des ans.

 

La Fontaine, Philémon et Baucis.

LE TOMBEAU DE FRANKLIN.

(Du Courier des Etats-Unis.)

Eh quoi! sous cette pierre obscure, inhonorée,

Du vertueux Franklin gît la cendre sacrée!

C’est là qu’un citoyen digne organe des lois,

Qui sut de son pays revendiquer les droits,

Simple comme en ses jours, modestement repose!

Lui dont la Grèce antique eût d’une apothéose,

Honoré les vertus et les dons immortels,

Parmi des morts sans nom voit ses restes mortels!

L’herbe croît à l’entour, et sa tige fleurie

Semble en ornant sa tombe accuser sa patrie.

 

Bientôt du voyageur les pas religieux

Chercheront vainement ce grand homme en ces lieux;

En vain ses souvenirs rendront son âme émue—

La pierre a disparu, rien ne s’offre à sa vue;

Il demande Franklin, ce sage d’autrefois,

Et le silence, hélas! répond seul à sa voix!

Mais non, d’un saint transport que l’Amérique entière,

De ce grand citoyen recueillant la poussière,

S’empresse de montrer à l’Univers surpris,

L’hommage qu’elle rend à ses illustres fils:

Grande connue son nom qu’une tombe éternelle

De ses rares vertus soit l’histoire fidelle;

Qu’elle dise comment ce génie immortel,

Ce nouveau Prométhé ravit le feu du ciel:

Surtout qu’elle raconte à notre âme attendrie

Les services nombreux rendus à sa patrie,

Comment, de Washington émole glorieux,

Il sut unir son nom à ce nom si fameux;

Et que le voyageur, vénérant sa mémoire,

Admire son pays, sa grandeur et sa gloire.

 

Vous, de l’antique Egypte immortels monumens,

Dont les sommets noircis bravent la faux du tems,

En vain du Nil encor vous ombragez les plaines:

L’étranger n’apperçoit dans vos structures vaines,

Que le faste imposant de rois qui ne sont plus,

Qui périrent sans gloire en vivant sans vertus!

Il ne voit qu’une tombe, une cendre inutile,

Pour l’Egypte et le monde également stérile;

Tandis qu’en visitant ces modestes tombeaux

Où la Grèce guerrière enferma ses Héros,

L’esprit plein des hauts faits de ces hommes sublimes,

Il croit entendre encor leurs ombres magnanimes,

Il croit les voir errant dans ces augustes lieux,

Et des pleurs, à leur nom, s’échappent de ses yeux.

 

Dors et repose en paix, ombre patriotique!

Si chère à ton pays, à l’homme, à l’Amérique:

Cet étroit monument n’ornera plus ces lieux,

Mais ton nom vénéré, plus grand, plus glorieux,

Sur les ailes du tems traversera les âges,

Verra de l’Union s’accomplir les présages,

Et, sans cesse brillant d’un éclat plus nouveau,

Il sera de ses fils le guide et le flambeau;

La vertu d’un grand homme est la source féconde

D’où jaillissent l’exemple et leçon du monde.     A. G.

HEROISME D’UNE MERE GRECQUE.

Lors de la chûte de Missolonghi, Sophia Condulimo, veuve d’un brave officier grec, tué pendant le siège, essaya de se faire jour avec ses deux enfans à travers la foule de femmes et d’enfans qui s’efforçaient aussi d’échapper à la férocité des vainqueurs.—Suivie de son fils et de sa fille âgée de seize ans, et belle comme une vierge antique, elle venait à peine de quitter la ville héroïque, quand elle s’aperçut qu’un parti turc les poursuivait. A l’idée du sort infâme qui attendait sa fille, cette mère désespérée se tourne vers son fils et lui ordonne de soustraire, par la mort, sa malheureuse enfant à la brutalité sauvage des Musulmans.—Cette prière fut exaucée; et le jeune homme, saisissant aussitôt dans sa ceinture un pistolet chargé de quatre balles, le tira sur sa malheureuse sœur, qui tomba baignée de sang à ses pieds.—Cette mère, déchirée de douleurs, s’empressa de quitter ce lieu funeste, et essaya de se réfugier avec son fils dans une caverne; mais, au moment où ils entraient, un éclat de mitraille vient frapper le fils à la jambe. Il tombe, et sa mère avait à peine réussi à l’entraîner avec elle, qu’un piquet de cavalrie turque les entoure; et l’un des soldats, appliquant le bout d’un pistolet à la tête de la malheureuse Sophia, allait lui donner la mort, quand le sentiment des devoirs maternels qui lui restaient encore à remplir envers son unique enfant couché tout sanglant à ses pieds, ranima de nouveau l’âme héroïque de la Grecque, qui, se relevant tout-à-coup, et fixant sur le soldat un œil de feu, s’écrie: “Barbare, ne vois-tu pas que je suis une femme?” Cet appel à l’humanité fut entendu, les jours de la mère et du fils furent épargnés, et tous les deux furent conduits en esclavage. Grâce à l’activité des directeurs des comités grecs de Paris et de Genève, les deux infortunés ne tardèrent pas à être rachetés avec deux cents autres de leurs compatriotes, et conduits à Corfou, où se trouvaient alors un grand nombre de familles grecques rachetées aussi de l’esclavage. Quels furent l’étonnement et la joie délirante de la pauvre mère, lorsqu’elle reconnut parmi les captifs rachetés sa Cressula, sa fille adorée, qu’elle avait vue tomber morte à ses pieds! Après les premiers transports, qu’il n’est donné à aucune plume de représenter, Cressula apprit à sa mère que les soldats turcs qui les poursuivaient, s’étant apperçus qu’elle était une femme et qu’elle respirait encore, la conduisirent à Missolonghi. Là, les soins de l’art lui ayant été donnés, elle recouvra promptement la santé, et fut quelque tems après rachetée parles soins du même comité qui avaient aussi rendu sa mère et ton frère à la liberté.—(Journal Français.)

——

MANQUE D’USAGE.

Le 13 Avril 1786, l’abbé Delille était à dinner chez Marmontel, son confrère: on parlait de la multitude de petites choses qu’un honnête homme était obligé de savoir dans le monde, pour ne pas courir le risque d’y être bafoué. “Elles sont innombrables, dit Delille, et ce qu’il y a de fâcheux, c’est que tout l’esprit du monde ne suffirait pas pour faire deviner toutes ces vétilles. Dernièrement, l’abbé Cosson, professeur de belles lettres au Collége Mazarin, me parlait d’un dîner où il s’était trouvé, quelques jours auparavant, avec des gens de la cour, des cordons bleus, des maréchaux de France, chez, l’abbé de Radonvilliers, à Versailles. Je parie, lui dis-je, que vous y avez fait cent incongruités?—Comment donc! répartit vivement l’abbé Cosson fort inquiet; il me semble que j’ai fait la même chose que tout le monde.—Quelle présomption! Je gage que vous n’avez rien fait comme personne. Mais voyons, je me bornerai au dîner; et d’abord que fîtes-vous de votre serviette, en vous mettant à table?—De ma serviette? Je fis comme tout le monde, je la déployai, je l’étandis sur moi, et l’attachai par un bout à ma boutonnière.—Eh bien! mon cher, vous êtes le seul qui ayez fait cela; cela ne se fait point. On n’étale point sa serviette; on la laisse sur ses genoux. Et comment fites-vous pour manger votre soupe?—Comme tout le monde, je pense. Je pris ma cuillère d’une main et ma fourchette de l’autre.—Votre fourchette! Bon Dieu! personne ne prend de fourchette pour manger sa soupe. Après votre soupe, que mangeâtes vous?—Un œuf frais.—Bon. Et que fites-vous de la coquille?—Comme tout le monde, je la donnai au laquais qui me servait.—Sans la casser?—Sans la casser.—Eh bien! mon cher, on ne mange jamais un œuf frais sans casser la coquille. Et après votre œuf?—Je demandai du bouilli.—Du bouilli! personne ne demande du bouilli; on demande du bœuf et point de bouilli. Et après votre bouilli!—Je priai l’abbé de Radonvilliers de m’envoyer d’une fort belle volaille.—Malheureux! de la volaille. On demande du poulet, du chapon, de la poularde: on ne parle de la volaille qu’à la basse-cour. Mais vous ne dites rien de votre manière de demander à boire?—J’ai, comme tout le monde, demandé du Champagne, du Bordeaux, aux personnes qui en avaient devant elles.—Comme tout le monde, du Champagne, du Bordeaux! Sachez donc que tout le monde demande du vin de Champagne, du vin de Bordeaux. Mais dites-moi quelque chose sur la manière dont vous mangeâtes votre pain?—Certainement à la manière de tout le monde: je le coupai proprement avec mon couteau.—Eh! on romp son pain, et on ne le coupe pas. Et le café, comment le prîtes-vous?—Oh! pour le coup, comme tout le monde: il était brûlant; je le versai par petites parties de ma tasse dans ma soucoupe.—Eh bien! vous fites comme ne fit personne; tout le monde boit son café dans sa tasse, et jamais dans sa soucoupe. Vous voyez donc, mon cher Cosson, que vous n’avez pas dit un mot, pas fait un mouvement qui ne fût contre l’usage.”—(Journal Français.)

INSTITUT DE FRANCE.—ACADEMIE DES SCIENCES.

SUR L’EFFICACITÉ DE L’IODE DANS LE TRAITEMENT DE
LA GOUTTE.

M. le docteur Gendrin, écrit à l’Académic pour y faire connaître les succès qu’il a obtenus contre la goutte, de l’administration interne et externe de l’iode, dont l’emploi rationel est, suivant lui, sans aucun inconvénient, quand il est convenablement dirigé.

L’auteur considérant que l’iode était employé avec succès contre les tumeurs articulaires chroniques, a été conduit à en tenter l’administration à l’extérieur contre les tumeurs goutteuses anciennes. L’action résolutive de ce médicament dans ce dernier cas a été si rapide, que M. Gendrin, présumant qu’il pouvait agir sur la cause primitive de la maladie, s’est décidé à en faire l’usage à l’extérieur et à l’intérieur contre les paroxysmes aigus de la goutte.

Un premier succès dans un violent accès de goutte survenu chez un homme très fort l’a encouragé à multiplier ses observations. Sept malades atteints de goutte aiguë et violente ont été depuis guéris complètement par ce médicament. “Chez deux seulement, la guérison a été difficile: il a fallu revenir plusieurs fois à l’administration de l’iode, pour prévenir les accès et arrêter leur développement, lorsque leurs prodromes se faisaient sentir. Chez tous les malades, l’usage continu de l’iode pendant deux à trois mois, après la guérison absolue d’un accès, a prévenu complètement le retour des accidens: un malade a passé huit époques d’accès, trois malades en ont passé cinq, un en a passé quatre, deux en ont passé trois, sans rechute.”

De quatre sujets attaqués de goutte avec engorgement chronique des articulations, deux sont complètement guéris depuis plus de quatre ans, et n’ont employé l’iode qu’à l’extérieur, mais pendant un tems assez considérable; un est guéri depuis un an, et un est encore en traitement. Chez tous les malades, l’action de l’iode a été secondée par un régime convenable; analeptique et légèrement tonique pour la goutte chronique, adoucissant pour l’arthritis aiguë.

“Je ne sais, poursuit M. Gendrin, si l’expérience continuera à donner d’aussi heureux résultats; je n’ose même m’en flatter. Je soumettrai tous les faits que j’ai recueillis et les observations que je serai à même de rassembler, au jugement de l’Académie des sciences; mais je désire que mon expérience se fortifie par celle des autres. Je me propose moins de prendre date sur l’emploi de ce médicament anti-arthritique, quoique je pense qu’il n’a encore été administré par personne, que d’engager les praticiens à en faire usage et à en constater l’efficacité.”

——

SOURCES ARTESIENNES.—FONTAINE JAILLISSANTE D’EPINAY.

M. Hericart de Thury lit une note sur la fontaine jaillissante du puits foré d’Epinay.

Les puits forés l’aide de la sonde pour obtenir des fontaines jaillissantes artésiennes sont encore peu répandus à Paris. Cependant cette ville et ses environs éprouvent le plus grand besoin d’eaux douces salubres et abondantes, les eaux de puits y étant généralement mauvaises, altérées et corrompues par le voisinage des puisarts et des fosses d’aisance, ou, lorsqu’elles ne sont pas viciées par ces deux causes, étant naturellement dures, indigestes, et chargées de différents sels qu’elles dissolvent dans les terrains de démolition à travers lesquels elles s’infiltrent.

Les programmes de la Société d’encouragement et les prix et médailles qu’elle a décernés depuis quelques années, ont rendu sous ce rapport un service essentiel à la salubrité comme à l’économie domestique, à l’agriculture et à l’industrie, en appelant et en fixant l’attention publique sur les fontaines jaillissantes, creusées à l’aide de la sonde. Ces fontaines ont cet immense avantage, qu’une fois établies, elles ne demandent aucun entretien, n’exigent aucun frais, enfin donnent invariablement la même quantité d’eau sans jamais éprouver la moindre altération. Elles sont très nombreuses en Angleterre, particulièrement aux environs de Londres, où on en voit plusieurs s’élever à 7 ou 8 mètres de hauteur au-dessus du sol, de 450 à 500 mètres de profondeur. Elles ne le sont pas moins en Amérique, où elles se multiplient de jour en jour avec le plus grand succès. Pour nous, nous n’en comptons encore qu’un très petit nombre dans Paris et dans ses environs. Ce n’est pas que de nombreuses tentatives n’aient été faites à cet égard; mais la grande épaisseur de la masse de craie dans le bassin de la Seine, l’ennuyeuse monotonie de son percement, les difficultés qu’opposent au sondage, les silex nombreux qu’elle contient à toute hauteur, enfin les frais excessifs de ces opérations ont successivement fait abandonner la plupart des sondages, et prouvent que, pour arriver au but tant désiré, celui des fontaines jaillissantes, il faut, outre la dépense, une opiniâtre et courageuse persévérance de la part de ceux qui se décident à entreprendre les sondages des puits forés.

THE AMERICAN JOURNAL OF SCIENCE AND
ARTS,

Dirigé par B. Silliman, Professeur de Minéralogie et de
Chimie, au College d’Yale, Newhaven.

Heureusement pour les sciences, la publication de ce journal n’avait été que suspendue; il réparait maintenant tel qu’on l’a vu, aussi digne de l’attention des savans dans les deux continens. Le cahier publié en Janvier contient une notice sur les mines d’or de la Caroline du nord, par un bon juge de ces sortes d’exploitations, M. Rothe, mineur saxon, très instruit en minéralogie.—L’étude géognostique des districts aurifères lui a donné lieu de penser que ces mines deviendront plus productives qu’elles ne le sont maintenant. Elles lui ont paru plus riches que celles du Brésil.

M. Van Rensselaer donne des détails intéressants sur l’entomologie du comté d’Orange, dans l’état de New-York: il les a extraits des manuscrits d’une observateur de ce pays, et il exprime le vœu que des observations aussi attentives soient faites et continuées dans le plus grand nombre de lieux qu’il sera possible. Une remarque très singulière, c’est qu’une espèce de cigale apparaît dans le comté d’Orange, à des intervalles égaux, comme on en peut juger par les dates de l’apparition de ce fléau: 1775, 1792, 1809, 1826. D’où peut venir cette période de dix-sept ans? On a remarqué aussi que le nombre de ces insectes allait en décroissant, et que, selon toutes les probabilités, cette cause de destruction des récoltes ne causerait bientôt plus de dommages sensibles.

La géologie occupe beaucoup de place dans ce cahier, parce que M. Silliman y a placé l’analyse de l’ouvrage de M. Daubeny sur les volcans. On y trouve aussi une Notice sur la partie inférieure de la Caroline du nord, et sur l’époque et le mode de ses formations successives: c’est à M. le professeur Mitchell que l’on doit ces observations. M. J. E. Dekay combat l’hypothèse du transport de certaines roches, par des rai sonnemens qui ne seront ni rejettés, ni admis, parce qu’ils auraient besoin de plus de développemens.

Plusieurs autres mémoires enrichissent aussi l’histoire naturelle et seront bien reçus en Europe, parce qu’ils augmentent la collection des faits relatifs à l’Amérique. Espérons que cet important recueil sera désormais à l’abri des causes qui pourraient interrompre la régularité de ses publications.

F.

SOCIETÉ D’HISTOIRE NATURELLE DE MONTREAL.

A l’assemblée annuelle de cette Société tenue le 19 de ce mois, les messieurs suivants ont été élus Officiers, pour la présente année, savoir:

L’honorable Juge en Chef Reid, Président; le Dr. Robertson, le Rev. H. Esson et Mr. A. Skakel, A. M. Vice-présidens; le Dr. A. F. Holmes, Secrétaire correspondant: J. S. M’Cord, écr. Secrétaire greffier; Mr. H. Corse, Trésorier; Mr. H. H. Cunningham, Libraire et Gardien du Cabinet; le Dr. J. Stephenson, le Dr. J. Campbell, le Lieut. Col. Napier, du département des sauvages, Mr. J. M. Cairns, et Mr. R. Armour, fils, Comité de Conseil.

A une assemblée tenue le 26, le précédent Comité directeur a fait son rapport annuel. Nous traduisons la partie qui nous a paru la plus intéressante.

“Le Musée contient quatre divisions; celles de la Zoologie, de la Botanique, de la Minéralogie et des divers objets de curiosité ou de l’art, qui ne peuvent être classés dans l’une des trois divisions précédentes.

“Dans le premier département, relui de la Zoologie, les acquisions faites par la Société sont nombreuses et importantes: elles sont ainsi classées:

“Vingt échantillons de Quadrupèdes; 120 d’Oiseaux; 40 de Poissons, la plupart conservés dans de l’esprit de rhum; 144 espèces de Coquillages; 172 Insectes, séchés ou conservés dans de l’esprit de rhum; 11 Coraux ou substances coralines.

“De tous ces échantillons les quadrupèdes et les oiseaux sont les plus frappants par leur nombre et la manière dont ils ont été arrangés. La Société a engagé pour ce département un artiste habile, qui est constamment employé. Les insectes et les coquillages sont aussi des objets intéressants par leur beauté et leur variété; et quoique les échantillons préservés dans de l’esprit soient d’une apparence moins frappante, ils n’en sont pas moins précieux; le but de la Société n’étant pas tant de plaire aux yeux, que de fournir à l’esprit une instruction solide.

“Dans le second département, celui de la Botanique, la collection est encore peu considérable: elle consiste en plantes recueillies dans les environs de Montréal et de Québec, ou importées des Iles Britanniques. La Société s’attend à une augmentation considérable dans ce département. Le nombre des échantillons de plantes indigènes est de 121; celui des plantes d’Europe, de 321; en tout de 442. Comme les plantes, losqu’on les préserve, occupent très pen de place, la collection ne parait pas avec avantage dans le Musée, et l’on ne peut les faire voir en tout temps, de peur qu’elles ne soient endommagées. Elles ne laissent pourtant pas de fumier une portion précieuse du Cabinet, et d’être dignes d’attention.

“Dans le troisième département, le Musée a fait des progrès rapides. Mais comme la collection ne peut-être complète encore; qu’elle s’augmente tous les jours par les dons qui sont faits à la Société, on s’est contenté de la subdiviser en minéraux simples, échantillons géologiques, et restes organiques. Ces trois subdivisions comprennent en tout 585 échantillons. La plus grande partie sont du Canada; plusieurs viennent des Etats-Unis, et quelques uns d’Europe. C’est dans ce département que la Société s’attend à recevoir plus fréquemment des dons.

“Dans le quatrième département, il été recueilli une quantité d’articles qu’il ne serait pas facile de classer, ou même d’énumérer avec exactitude. Ce sont, entr’autres choses, des curiosités sauvages, tels qu’habillemens, armes, instrumens, &c. des échantillons des costumes de différents pays; des objets devenus intéressants par leur antiquité, on leurs rapports avec de grands hommes ou de grands évenemens, et finalement des jeux de la nature. Le peu d’étendue de la salle n’a pas permis dans ce département d’autre arrangement que celui de la commodité; conséquemment ces objets, quoique nombreux, ne paraissent pas avec avantage. Le nombre total des articles de cette quatrième classe est de 40.”

Le nombre actuel des membres ordinaires et contribuables de la Société est de 90; celui des membres honoraires, de 18, et celui des membres correspondants, de 32. Parmi ces derniers sont plusieurs savans distingués des Iles Britanniques et des Etats-Unis.

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VARIETÉS.

JOHN THORLAKSON.

Ce poëte islandais, qui a traduit le Paradis perdu de Milton, et qui s’occupe de la traduction de la Messiade, habite une misérable cabanne, à Buégisa. Sa chambre, dont la porte est de quatre pieds de haut, n’a que huit pieds de long sur six de large. La table sur laquelle il écrit est en face d’une petite croisée; ce modeste asile d’un ami des muses est placé sur le site le plus pittoresque, entre trois montagnes, au milieu de ruisseaux et de cascades. La vue, de tous les côtés, s’arrête sur des hauteurs de 4,000 pieds. Les revenus du poète sont aussi modiques que sa demeure est simple; ils s’élèvent à 160 fr. (40 rix.)

A L...., ville riche, brillante et affamée de modes nouvelles, il s’est élevé tout-à coup une espèce de guerre intestine au sujet du plus ou moins de hauteur des coeffures. Les deux partis se sont désignés entre eux par les noms burlesques de girafes et de ouistitis. M. C. a lancé le premier dans le public un petit poème bouffon intitulé: la pyramidomanie, ou les Têtes à changer; et M. P. n’a pas tardé à y répondre par un pot-pourri fort malin ayant pour titre: les Têtes à perruque. Les jeunes gens ont commencé par rire de ces débats, qui ne tenaient guères qu’à un cheveu; mais bientôt il a fallu prendre parti pour des sœurs, des cousines et des femmes indignées, et sans les seniores de l’endroit, les galans défenseurs des girafes et des ouistitis auraient peut-être fini par se donner un coup de peigne.—Journal Français.

ANTIQUITÉ GÉOLOGIQUE.

A deux milles au nord de Lochmaben, dans le comté de Dumfries, en Ecosse, les ouvriers qui exploitaient une carrière de grès rouge, qui fournit la pierre de taille pour les constructions du pays, aperçurent des suites d’impression dont la forme et la distribution régulières ne pouvaient être an effet du hasard, un jeu de la nature. Quelques échantillons bien charactérisés furent envoyés au professeur Buckland, qui jugea sur le champ combien ce fait observé avec soin pouvait répandre de lumière sur la géologie du pays et contribuer au progrès de la science. Ses recherches sur cet objet intéressant sont la matière d’un mémoire que M. Grieson a lu, le 22 novembre 1827, à la Société littéraire de Perth. Le banc de grès dans lequel on a trouvé les impressions dont il s’agit, est à plus de cinquante pieds au-dessous de sa surface, et cependant il est incontestable qu’à une époque très reculée, ce qui forme aujourd’hui la base de la carrière était à découvert; que cette roche, si dure aujourd’hui, fut d’abord assez molle pour céder à une pression médiocre.

COMMERCE AVEC LA NOUVELLE-ZELANDE.

Il se fait actuellement un commerce très avantageux entre Sydney et Sokianga port sur la côte de la Nouvelle-Zélande, situé exactement vis-à-vis de cette ville, d’où la traversée pour y aller n’est que de huit jours. Une cinquantaine d’Anglais y sont occupés à scier des planches, et enseignent aux naturels la construction des navires; c’est la meilleure manière de civiliser ces sauvages. On pense, à Sydney, que si l’on y amenait de la Nouvelle-Zélande un certain nombre de jeunes gens îles deux sexes, cette mesure serait très-avantageuse à la colonie, où le nombre des prisonniers est insuffisant pour les travaux.

Australian (journal de Sydney,) 1er juin 1827.

SINGE BLANC.

Un lettre écrite de Ramri le 15 avril 1827, apprend qu’on y a pris un singe entièrement blanc. Le poil du corps de l’animal était blanc, frise, et aussi doux que la soie. Ce singe a été regardé comme très rare, et a excité l’admiration des Hindous. Ils dirent que l’on n’en a jamais vu qu’un semblable, et que le roi d’Ava envoya une cage d’or pour le loger; on la fit accompagner d’une troupe d’hommes pour escorter le singe jusqu’à la capitale; le roi dépensa plus de 20,000 roupies à effrir des sacrifices et à faire des réjouissances publiques, espérant que l’arrivée de cet étranger extraordinaire serait pour lui le présage infallible de la fortune.

Le singe de Ramri était malheureusement trop jeune quand il a été pris. Une femme birmane, qui nourrissait son enfant, demanda la permission de donner le sein au singe, et partagea également ses soins entre ses deux nourrissons; mais au bout de sept jours, le singe mourut.—(India Gazette.)

SERPENT MARIN.

Nouvelle Orléans, 1 Avril, 1828.

Serpent de Mer—Ce poisson extraordinaire, dont l’existence était inconnue jusqu’à nos jours, et au sujet duquel il a été fait tant de rapports dans tous les journaux du Nord, vient d’être pris, près de l’Ile-aux-vaisseaux, par l’équipage de la goëlette Pomone, arrivée au Bassin hier soir à 7 heures. On nous a promis de nous donner tous les détails de la manière dont on s’est rendu maître de ce monstre marin. Nous nous bornerons à en donner la description à nos lecteurs, autant que les nombreux replis qu’on lui a fait faire sur le pont, nous a permis d’en juger. Il parait avoir environ 50 or 60 pieds de long; son corps est environ la grosseur d’un petit baril, et sa peau de la couleur de celle du serpent congo. Nous n’avons pas pu voir sa tête, attendu qu’on l’avait couverte, et que nous n’avons pas voulu d’ailleurs abuser de la complaisance du capitaine, qui nous l’a fait voir. Il a l’intention de le faire empailler pour l’envoyer au Muséum de Philadelphie, où il en aura probablement un bon prix.—Ou doit en conséquence l’ouvrir aujourd’hui.

PETITE CHRONIQUE CANADIENNE.

Jeudi matin, (1er Mai) George Sympson écuyer, Gouverneur des territoires de l’honorable Compagnie de la Baie d’Hudson, est parti de La Chine pour l’intérieur. Nous apprenons qu’avant son retour ici, il visitera les rivières Columbia et McKenzie (l’Oregon et l’Unjigah). Il a pris avec lui une série nombreuse de questions adressées par la Société d’Histoire Naturelle de cette ville, à tous les facteurs et traitans maintenant au service de la Compagnie dans l’intérieur, relativement à l’histoire naturelle et à la géographie physique du pays, ainsi qu’aux mœurs, usages, coutumes, langues, et institutions des aborigènes. Les réponses à ces questions seront reçues dans le cours de cet automne et de l’automne prochain; et lorsqu’elles auront été convenablement rédigées, elles seront publiées.—Montreal Gazette.

Une cause de quelque importance pour les commerçans, a été décidée Mardi (21) par les Juges du Banc du Roi en vacations. Peter McNie de Sorel avait fait sortir un capias contre John Dickson, Sergent du 71me. Regt. pour une dette de £16, en vertu duquel Dickson fut confiné dans la prison commune de cette ville. Une application de la part du Capitaine Charles Stuart, officier supérieur de Dickson, fut présentée par le Solliciteur Général, demandant, en vertu de l’Acte de Mutinerie, l’élargissement de Dickson. L’Acte de Mutinerie mentionne qu’aucun soldat ne pourra être arrêté pour une dette au-dessous de £20 sterling. Mr. Rossiter pour McNie, s’opposa à l’application, sur les motifs que les Juges en vacations n’étaient pas compétents à prendre connaissance de l’application, et que Dickson n’était pas un “soldat” suivant l’intention de l’Acte. Le Solliciteur Général en répliqué, prouva par l’Acte de Mutinérie, afin que le public ne fût pas privé sans nécessité des services d’aucun soldat, que tout Juge était compétent à décider sur l’application d’un officier, réclamant un de ces hommes sous la garde des authorités civiles; et que tout Sergent étant un officier non commissionné, ayant un petit grade, n’en était pas moins un soldat. La cour accorda la demande de la pétition, et en conséquence Dickson fut élargi.—Ib.

Mercredi dernier, il a été fait une étrange découverte dans la rue St. Jacques. La branche du tuyau qui conduit l’eau dans la maison du Docteur Robertson, parut entièrement bouchée, et l’obstacle fut levé par le moyen d’une pompe à ressort. Ou découvrit ensuite un semblable obstacle dans le tuyau qui conduit dans la maison de Mr. Brewster dans la même rue, et le même moyen ayant été employé inutilement, le tuyau fut coupé, et il se trouva qu’il renfermait une petite lamproye d’environ huit pouces de long, qui doit avoir été pompée de la rivière à travers le réservoir. Nous ne croyons pas qu’on ait jamais trouvé de lamproyes dans le St. Laurent, et cette découverte a quelque chose de curieux. L’animal est conservé dans de l’esprit de rhum, et fait maintenant partie de la collection de la Société d’Histoire Naturelle de cette ville.—Ib.

En Octobre dernier, nous avons informé nos lecteurs que Mr. Gray, ci-devant Arpenteur du Roi à Sierra Leoné, avait été occupé à prendre une suite de Vues du Haut et du Bas-Canada, dans le dessein de les publier à Londres. Nous avons maintenant le plaisir d’ajouter que l’ouvrage est très avancé, entre les mains de Mr. Allen, célèbre graveur. On pense que ces Vues pourront être livrées aux souscripteurs de ce pays, dans le mois d’Août prochain. On continue à s’abonner au bureau de ce journal.—Herald.

MARIAGES ET DECES.

MARIÉS:

Le 20 du présent mois de Mai, à Verchères, par Messire Bruneau, Curé, L. J. Fleury Deschambault, Ecr., de Longueuil, à Dlle. Marie Anne de Florimont, de Verchères;

Le 26, a Montréal, Mr. Charles Rainville, Marchand, de By-town, à Dlle. Adélaïde Bernard, de cette ville.

DÉCÉDÉS:

A La Noraye, le 3 du courant, Henry, enfant unique de James Cuthbert, Ecuyer, âgé de 4 à 5 ans;

A Montréal, le 5, Dame Elisabeth, veuve de feu Barthelemy Gugy, Chevalier de l’ordre militaire du Mérite, Colonel commandant le régiment Suisse de Sonnenberg au service de Sa M. T. C. Louis XVI. Cette Dame était mère de l’honorable Louis Gugy, membre du Conseil Législatif de cette province, et Schérif du District de Montréal.

A St. Ours, le 15, dans la 18e année de son âge, Mr. Joseph Arpin, Etudiant au Collège d’Yamaska;

A Montréal, le 16, Dame Jane Porteous, épouse de Frederick Griffin, Ecuyer, âgée de 23 ans;

Au même lieu, le 18, Dame Emilie Sophie Lusignan, épouse de Joseph Roy, Ecr., âgée de 37 ans;

A St. Laurent, île d’Orléans, le même jour, Messire F. G. Lecourtois, prêtre, natif de France, âgé de 65 ans;

A Montréal, le 24, Mr. J. Bte. Castagnet, âgé de 85 ans.;

A Champlain, le même jour, J. Martin Chinic, Ecuyer, ce-devant de Québec.

A Montréal, le 27, le Dr. B. Trask, âgé de 38 ans.

TRANSCRIBER NOTES

Printer errors have been corrected. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Mis-spelled words and punctuation have been maintained except where obvious printer errors occur.

[The end of La Bibliothèque Canadienne, Tome VI, Numero 6, Mai 1828. edited by Michel Bibaud]