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Title: La bibliothèque canadienne, Tome I, Numero 6, Novembre, 1825.

Date of first publication: 1825

Author: Michel Bibaud (editor)

Date first posted: Mar. 28, 2020

Date last updated: Mar. 28, 2020

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La Bibliothèque Canadienne


Tome I. NOVEMBRE, 1825. Numero 6.

Histoire du Canada.

Après la fondation de Québec, et le refus que Madame de Guercheville avait fait de s’associer avec M. de Monts, celui-ci eut encore assez de crédit pour former une nouvelle compagnie. MM. de Champlain et de Pontgravé s’attachèrent de plus en plus à ses intérêts. Ils s’embarquèrent en 1610, le dernier pour continuer la traite des pelleteries à Tadoussac, et le premier, pour visiter et avancer son établissement de Québec.

Cet établissement prospérait autant qu’il pouvait raisonnablement l’espérer: la récolte du seigle et du froment semés l’année précédente avait été abondante; tous les nouveaux colons paraissaient contents; la salubrité de l’air entretenait leur santé; la culture des terres suffisait à leurs besoins; et les sauvages des environs, loin de les inquiéter, recherchaient leur alliance. Ces sauvages étaient les Algonquins: les Montagnez, ou Montagnais, étaient plus bas, vers Tadoussac, et il fut d’autant plus aisé aux Français de faire alliance avec ces deux tribus, que loin de leur être à charge, ils les soulageaient dans leurs besoins, qui étaient quelquefois extrêmes, surtout quand la chasse leur avait manqué.

Mais le plus grand avantage que ces barbares se promettaient de la part des Français, c’était d’en être secourus contre les Iroquois. Dès l’année 1609, Champlain, qui avait hiverné à Québec, y ayant été joint, au printems, par Pontgravé, lorsqu’un parti de Hurons, d’Algonquins et de Montagnais se disposait à marcher contre cet ennemi commun, il se laissa persuader de les accompagner. Il ne doutait point qu’ayant pour lui trois tribus assez nombreuses encore, et intéressées à demeurer inséparablement unies avec les Français, il ne lui fût aisé de dompter toutes celles qui s’opposeraient à ses desseins, ne prévoyant pas que les Iroquois, qui seuls, depuis longtems, faisaient tête à tout ce qu’il y avait de sauvages à cent lieues autour d’eux, ne tarderaient pas à être appuyés par des voisins puissants, jaloux des Français, et qui devinrent bientôt plus puissants qu’eux dans cette partie de l’Amérique. Au lieu de chercher dans la supériorité des lumières européennes des moyens de pacification, il épousa avec ardeur les intérêts de ses voisins, et fut ainsi sans le vouloir, ni le savoir, la première cause des guerres et des excursions qui désolèrent si souvent la colonie, et en retardèrent le progrès.

Champlain s’embarqua sur le St. Laurent avec ses alliés, et entra ensuite dans une rivière qui fut longtems appellée la rivière des Iroquois, parceque ces sauvages descendaient ordinairement par là pour faire leurs courses dans la colonie, et qui a porté ensuite les noms de Sorel et de Richelieu. Après avoir remonté cette rivière treize ou quatorze lieues, il arriva au pied d’un rapide (celui de Chambly) qu’il n’était pas possible de franchir avec des chaloupes. Cette difficulté, non plus que la mauvaise foi des sauvages, qui l’avaient assuré qu’on pouvait aller jusqu’aux Iroquois sans rencontrer d’obstacles, ne le rebutèrent point: il renvoya sa chaloupe à Québec, et continua à suivre ses alliés, avec deux Français qui ne voulurent pas l’abandonner.

Le rapide passé, les sauvages commencèrent à mettre un peu plus de précaution dans leur manière de naviguer et de prendre poste. Ces précautions se réduisaient néanmoins à très peu de chose: on campait de bonne heure; on abattait des arbres dont on se faisait une espèce de retranchement du côté de terre; on avait soin de ranger les canots sur le bord de la rivière, afin de pouvoir s’embarquer promptement, en cas de surprise, et se dérober à l’ennemi avant qu’il eût forcé le retranchement. Dès qu’on avait campé, des coureurs se répandaient à travers les plaines, revenaient bientôt, et chacun s’endormait. Ensuite, point de sentinelles dans le camp, où personne ne veillait. En vain Champlain leur exposa le danger auquel ils s’exposaient, ils lui répondirent, qu’après avoir travaillé le jour, il était nécessaire de se reposer la nuit. Néanmoins, lorsqu’ils se crurent proches de l’ennemi, il obtint que leurs coureurs s’acquittassent plus exactement de leur devoir; qu’on ne marchât plus que pendant la nuit, et qu’on n’allumât plus de feu pendant le jour.

Tout le pays que M. de Champlain traversa dans cette expédition, lui parut fort beau, et il l’était en effet, même alors qu’il n’était ni défriché, ni habité par des hommes civilisés. Les îles étaient remplies d’orignaux, de chevreuils et d’autres semblables animaux, qui entretinrent l’abondance dans l’armée. On voyait surtout une grande quantité de castors, parceque le voisinage des Iroquois ne permettait pas de s’y arrêter longtems pour leur faire la chasse. Le poisson fourmillait aussi, non-seulement dans la rivière, mais encore dans le grand lac qu’elle traverse et auquel Champlain donna son nom.

Les vallées qui séparent les hautes montagnes qu’on découvre du milieu de ce lac étaient alors toutes peuplées d’Iroquois, et c’était là, ou même au-delà, que nos guerriers avaient dessein de faire une irruption; mais l’ennemi leur épargna une partie du chemin; car les deux partis se rencontrèrent sur le lac Champlain.

Les sauvages de cette partie de l’Amérique ne combattent sur l’eau que quand ils sont surpris, ou trop loin de terre; ce qui n’avait pas lieu ici. Les deux partis gagnèrent donc le rivage, dès qu’ils se furent reconnus, et se retranchèrent chacun de leur côté. Alors les Algonquins envoyèrent demander aux Iroquois s’ils voulaient se battre à l’heure même; mais ceux-ci répondirent que la nuit était trop avancée, qu’on ne se verrait point, et qu’il valait mieux attendre le jour. Les alliés y consentirent, et tous dormirent tranquillement, après avoir pris leurs précautions.

Le lendemain, dès la pointe du jour, Champlain plaça ses deux Français et quelques sauvages dans les bois, pour prendre les ennemis en flanc. Ceux-ci étaient au nombre de deux cents, tous gens d’élite et déterminés, qui croyaient avoir bon marché des Algonquins et des Hurons, qu’ils étaient dans l’habitude de battre, et qui n’avaient laissé voir d’abord qu’une partie de leurs forces. Les alliés fondaient leur principale espérance sur les fusils des Français, et ils recommandèrent à Champlain de tirer sur les chefs, qu’ils lui montrèrent. Les Algonquins et les Hurons sortirent les premiers de leurs retranchemens, et s’avancèrent deux cents pas au devant des Iroquois. Quand ils furent en présence, ils s’arrêtèrent, se partagèrent en deux bandes, et laissèrent le milieu à M. de Champlain, qui vint se mettre à leur tête.

M. de Champlain, habillé à l’européenne, avec son arquebuse et ses autres armes, fut pour les Iroquois un spectacle nouveau et singulier; mais quand ils virent le premier coup de son arquebuse, où il avait mis quatre balles, renverser morts deux de leurs chefs et blesser dangereusement le troisième, leur frayeur fut égale à leur étonnement. Les alliés poussèrent de grands cris de joie, et firent une décharge générale de flêches, qui ne fit pas un grand effet. Champlain allait recharger son arquebuse, quand un des deux Français qui l’accompagnaient ayant encore abattu quelques ennemis, ils ne songèrent plus qu’à fuir. Poursuivis chaudement, ils eurent quelques prisonniers de faits, et quelques hommes de tués. Du côté des alliés, il n’y eut personne de tué, mais quelques blessés, qui guérirent bientôt. Les alliés vainqueurs commencèrent par s’emparer des vivres que les fuyards leur abandonnaient; et lorsqu’ils eurent appaisé la faim qui les tourmentait, ils se mirent à chanter et à danser sur le champ de bataille; après quoi ils reprirent la route de leur pays. Après avoir fait une huitaine de lieues, ils s’arrêtèrent pour mettre à mort un de leurs prisonniers. Les cruautés qu’ils exercèrent en cette occasion firent horreur aux Français, qui demandèrent comme une grâce d’achever le malheureux, et de mettre ainsi fin à son supplice. Champlain lui cassa la tête d’un coup d’arquebuse. Les horreurs qu’ils exercèrent sur le cadavre de leur victime, ne furent pas moins affreuses que les tourmens qu’ils lui avaient fait souffrir: nous épargnons à nos lecteurs la description des unes et des autres. La nuit suivante, un Montagnais ayant rêvé qu’ils étaient poursuivis, la retraite devint une véritable fuite: on ne s’arrêta plus que quand on se crut à l’abri de tout danger. Les Algonquins restèrent à Québec, les Hurons retournèrent chez eux, et les Montagnais se rendirent à Tadoussac, où M. de Champlain les suivit. Dès qu’ils apperçurent les cabanes de leurs villages, ils coupèrent de longs bâtons, y attachèrent les chevelures qu’ils avaient faites, et les portèrent comme en triomphe. A cette vue, les femmes accoururent, se jetèrent à la nage, et ayant joint les canots, elles prirent les chevelures des mains de leur maris, et se les attachèrent au cou. Les guerriers en avaient offert une à Champlain, et ils lui donnèrent en outre quelques arcs et quelques flêches, des dépouilles des Iroquois, les seules qu’ils fissent alors, le priant de les montrer au roi, quand il serait arrivé en France, où il leur avait dit qu’il allait faire un voyage.

Il avait espéré de trouver un vaisseau à Tadoussac; mais n’y en ayant point, il remonta à Québec. Pontgravé y arriva bientôt après, et ils s’embarquèrent ensemble pour France, au mois de Septembre 1609, laissant la colonie sous les ordres d’un homme intelligent et brave, nommé Pierre Chavin. Champlain fut bien reçu du roi, qu’il alla trouver à Fontainebleau, pour lui rendre compte de la situation où il avait laissé le Canada, que l’on commença alors à appeller Nouvelle France. C’était dans le tems que M. de Monts faisait ses derniers efforts, surtout auprès de Madame de Guercheville, pour recouvrer son privilège. On a déjà dit qu’il n’y avait pas réussi; mais ses associés, dont Messieurs Legendre et Collier étaient les principaux, ne l’abandonnèrent point; et comme c’était au nom de leur compagnie que s’était fait l’établissement de Québec, et que cette compagnie le reconnaissait toujours pour son chef, elle fit armer deux navires dont elle confia encore le commandement à MM. de Champlain et de Pontgravé.

Ils s’embarquèrent à Honfleur, le 7 Mars 1610; mais à peine étaient-ils en mer, que Champlain tomba malade et fut obligé de se faire remettre à terre. Peu de tems après, son navire ayant été contraint de relâcher, il se trouva en état d’en reprendre le commandement. Il appareilla le 8 Avril, et arriva le 26 à Tadoussac. Il en partit le 28, après avoir assuré les Montagnais qu’il venait dégager la parole qu’il leur avait donnée, l’année précédente, de les accompagner encore à la guerre contre les Iroquois. Ils n’attendaient en effet que son retour pour se remettre en campagne, et à peine fut-il arrivé à Québec, qu’ils s’y rendirent au nombre de soixante guerriers. Les Algonquins se trouvèrent prêts aussi, et tous marchèrent aussitôt vers la rivière de Sorel, où d’autres sauvages leur avaient promis de se rendre. Champlain les suivit de près dans une barque; mais il ne trouva pas le nombre de guerriers qu’on lui avait fait espérer. Il apprit en même tems qu’un parti de cent Iroquois n’était pas loin. Il n’y avait pas un moment à perdre pour le surprendre. Il fallut laisser la barque et s’embarquer dans des canots. Quatre Français suivirent Champlain; les autres demeurèrent à la garde de la barque. Les confédérés eurent à peine vogué une demi-heure, qu’ils sautèrent à terre, sans rien dire aux Français, et se mirent à courir à travers les bois, laissant leurs canots à l’abandon, et Champlain sans guide au milieu de ces déserts. Aucun chemin de frayé, des marécages l’air infesté de maringouins et autres insectes semblables, tout rendait sa position plus que désagréable. Enfin, un sauvage qu’il rencontra lui montra la route qu’il avait à suivre. Quelques momens après, un chef algonquin le vint prier de hâter sa marche, parcequ’on était aux prises avec les ennemis. Il doubla le pas, et ne tarda guère à entendre les cris des combattans. Les alliés avaient attaqué les Iroquois dans leur retranchement, et avaient été repoussés avec perte. A la vue des Français, ils reprirent courage, et retournèrent avec eux à la charge. Le combat devint très-vif; Champlain, en arrivant, reçut un coup de flèche qui lui entra dans le cou: un de ses gens fut blessé au bras. Cependant les coups d’arquebuse et la poudre commençaient à déconcerter les Iroquois, lorsque les munitions commencèrent à manquer aux Français, qui ne s’étaient pas attendus à une si opiniâtre résistance. Alors Champlain proposa aux alliés de donner l’assaut au retranchement, et ils goutèrent cet avis. Il se mit à leur tête avec ses quatre Français, et malgré la vigoureuse défense des assiégés, ils parvinrent à faire bientôt une assez grande brèche. Sur ces entrefaites, un jeune Maloin, nommé Desprairies, qui avait été laissé à la barque, arriva avec cinq ou six de ses camarades. Ce secours qui venait si à propos, donna aux assaillans le moyen de s’éloigner pour respirer un peu, tandis que les nouveaux venus faisaient feu sur l’ennemi. Les sauvages revinrent bientôt à l’assaut, et les Français se mirent sur les ailes pour les soutenir. Les Iroquois ne purent résister à tant de coups redoublés; presque tous furent tués ou pris: quelques uns ayant voulu courir du côté de la rivière, ils y furent culbutés et s’y noyèrent. Lorsque l’affaire fut terminée, il arriva encore une troupe de Français, qui voulurent se consoler de n’avoir point eu de part à la victoire, en partageant le butin. Ils se saisirent des peaux de castors dont les Iroquois qu’ils voyaient étendus sur la place étaient couverts; ce qui scandalisa beaucoup les sauvages. Car, comme le remarquent les historiens, ces barbares qui prenaient plaisir à tourmenter de la manière la plus indigne des ennemis qui n’étaient plus en état de se défendre, se piquaient d’un désintéressement qu’ils étaient surpris de ne pas rencontrer chez des hommes civilisés.

Champlain obtint des alliés un de leurs captifs. Il engagea aussi les Hurons, qui s’en retournaient dans leur pays, à y mener un Français, afin qu’il y apprît leur langue; mais ce fut à condition qu’il conduirait en France un jeune homme de leur tribu, pour leur rapporter des nouvelles d’un royaume dont on leur avait dit tant de choses merveilleuses. Il l’y mena en effet, la même année, et le ramena au printems suivant. Il le conduisit avec lui à Montréal, où il choisit un emplacement pour une habitation, qu’il avait dessein d’y former, mais qu’il ne fit point pourtant, parce qu’il fut obligé de repasser en France, où la mort du roi avait achevé de ruiner les affaires de M. de Monts.

(A continuer.)

BOTANIQUE.

Bruyère qui porte des baies. Empetrum montanum fructu nigro, seu Erica baccifera.—Cette plante qui se trouve en plusieurs endroits du Canada et de l’Île Royale, ou du Cap Breton, est la première espèce de bruyère dont parle Mathiole, et qui a été connue des anciens. C’est un arbrisseau branchu, ressemblant au tamarisc, mais plus petit. Ses feuilles sont assez semblables à celles de la bruyère commune; ses branches sont ligneuses, d’un noir roussâtre, fléxibles. Ses petites fleurs composées de trois pétales, naissent à la racine des feuilles: elles ont la couleur d’une herbe tirant sur le blanchâtre: en tombant, elles font place à des baies rondes, de la grosseur des grains de genièvre, vertes d’abord, noires dans leur maturité, et remplies d’une chair molle et d’un suc de la couleur de celui des mûres, et remplies de petits grains triangulaires de différentes grosseurs.

Sorbier du Canada. Sorbus aucuparia canadensis.—C’est le sorbier sauvage que quelques uns nomment torminalis. Il ne diffère du domestique que par son fruit, qui croît par ombelles, comme celui du sureau. Ses grains sont de couleur de safran, tirant sur le rouge, semblables à ceux de l’aubespin, et presque de même couleur. Quant au goût, ils ressemblent à ceux du sorbier domestique. Les grives en sont fort friandes, et on s’en sert pour les prendre; d’où lui vient l’épithète d’aucuparia. Ce sorbier est un assez grand arbre, droit, qui porte ses branches hautes, dont la feuille est comme celle du frêne, mais plus étroite, blanchâtre par dessous, et dentelée dans tout son contour. Tous les fruits, qui sortent en grappes, ont chacun leur queue ou pédicelle. Le bois de l’arbre est ferme et massif: son écorce est dure, et de couleur jaune blanchâtre.

Bourgène du Canada. Frangula rugosiore et ampliore folio.—C’est, suivant Tournefort, la même plante que Bauhin appelle aune noir; et elle ne diffère en effet de la commune que par ses feuilles ridées et plus larges. C’est un arbrisseau qui jette plusieurs verges droites, longues, d’où il en sort de plus petites, couvertes d’une petite écorce noire tachetée de verd. L’écorce est jaune par dessous, son bois est blanc, sa moëlle est rouge, tirant sur le noir. Ses fleurs sont petites et blanchâtres, et sont suivies de petites baies rondes, comme des grains de poivre: elles sont d’abord vertes, ensuites rouges, et noires dans leur maturité, et désagréables au goût. On prétend que sa semence pilée et réduite en huile, garantit de la vermine, et qu’avec un bâton de cet arbrisseau, on chasse les serpens. L’écorce intérieure, qui est jaune, dessèche: trempée dans du vin, elle fait vomir, et purge l’estomac des flegmes et de toute la pourriture qui s’y est amassée: on la dit même fort bonne contre l’hydropisie. Cuite dans du vin, elle guérit de la gale, en se lavant avec la décoction, qui appaise aussi la douleur de dents, si on la tient dans la bouche.

Savinier à feuilles de cyprès. Sabina canadensis, folio cupressi. Cet arbre, qui ne s’élève pas fort haut, mais dont les branches s’étendent beaucoup, et qui a été nommé par quelques uns cyprès de Crête, est fort commun en Canada. Il est stérile, et ses feuilles, qui sont très épineuses à la cîme, ont une odeur forte et sont âcres et brulantes. Ses baies ont la même odeur que celles du savinier qui porte des fruits, mais les unes sont rougeâtres, et les autres de couleur bleue céleste. Elles sont de la grosseur des grains de genièvre, et ne sont point précédées par des fleurs, mais par de simples rudimens, soutenus par des pédicules courbés, et composés de tubercules, au nombre de trois, de quatre ou de cinq; il a cela de commun avec le savinier ordinaire; et il parait que les baies de l’une et de l’autre ont les mêmes vertus, dont la principale est de faire mourir les vers. Les feuilles de l’arbre, broyées et incorporées avec du miel, nétoyent les ulcères les plus sales, et font résoudre les charbons.

Petit Bouis du Canada. Vitis idæa, semper virens, fructu rubro.—Les tiges de cette plante sont rudes et hautes de neuf pouces. Elles ont beaucoup de feuilles plus épaisses que celles du vitis idœa angulosa, et à-peu-près semblables à celles du bouis, c’est-à-dire oblongues, avec une petite pointe à l’extrémité, et dont les nerfs proviennent en dessous. Elles ont un goût astringent et un peu amer. Ses fleurs, semblables aux lys des champs, viennent en grappes, à l’extrémité des tiges. Elles sont blanches, et quelquefois un peu rougeâtres. Elles sont suivies de baies, aussi en grappes, environ six à six, de la grosseur du plus gros pois, qui de blanches, ou de jaunes, deviennent rouges, d’un goût agréablement acide, et de la même substance que celle du vaciet des marais, et remplies de petits grains jaunes. Cette plante croît dans des terrains pierreux et couverts, comme les forêts. Ses baies sont froides et sèches, par conséquent astringentes, et l’on s’en sert avec succès dans la diarrhée et les dysenteries.

La Canneberge. Oxicocus, seu Vaccinia palustris.—Cette plante vient dans des pays tremblants et couverts de mousse, audessus desquels il ne parait que de très petites branches fort menues, garnies de feuilles très petites, ovales et alternes: d’entre leurs aiselles naissent de petits pédicules longs d’un pouce, qui soutiennent une fleur à quatre pétales: le calice a la même figure, du fond duquel s’élève un beau fruit rouge, dans sa maturité, gros comme une cerise, qui contient des semences rondes. Les sauvages l’appellent Atoca: on le confit, et on l’estime bon contre le cours de ventre. Cette plante vient dans les marais par les 35, 40 et 47 degrés de latitude. Il y a une autre espèce de Canneberge dont le fruit est de couleur roussâtre panachée.

(A continuer.)

DESCRIPTION TOPOGRAPHIQUE DE LA RIVIÈRE JACQUES CARTIER.

Il serait inutile pour bien des personnes de parler de l’origine du nom de la rivière Jacques Cartier, qui vient du navigateur qui a le premier examiné la rivière St. Laurent,[1] et qui a mis ses vaisseaux à l’abri, à l’entrée de cette rivière, (Jacques Cartier,) durant l’hiver de 1536. Elle tire sa source de plusieurs petits lacs dans l’intérieur, près du 48e. degré de latitude nord, et vers les 81° 20′ de longitude ouest. Après un cours plein de détours à travers un pays montagneux qui est peu connu, elle arrive aux townships de Tewkesbury et Stoneham, qu’elle traverse, et elle coule dans la direction sud-sud-ouest l’espace d’environ quarante-six milles, à travers les seigneuries de St. Ignace, St. Gabriel, Faussembault, Neuville, Bélair, et le fief Jacques Cartier, où elle tombe dans le St. Laurent. Depuis les townships, son courant présente un aspect très-sauvage, et elle est à la fois majestueuse et impétueuse dans son cours, qui se précipite à travers les vallées, entre de hautes montagnes, et qui franchit souvent avec violence des précipices et d’immenses fragmens de rochers qui s’opposent à son passage. Son lit étant extrêmement rempli de rochers, le grand nombre de chûtes et de rapides, ainsi que la violence du courant, particulièrement dans le printems, et après les pluies d’automne, la rendent généralement impraticable pour les canots et les bateaux de toute espèce. Ses rivages sont extrêmement hauts, et par intervalles, ils sont à des distances considérables, formés de couches de pierres à chaux ou de rochers de granit qui, dans plusieurs endroits, sont élevés, inégaux et majestueux, et qui offrent de tems en tems quelques pins rabougris, ou sont couverts d’arbustes rampants, mais qui, la plupart du tems, ne présentent que l’aspect désagréable de grandes masses stériles, entassées perpendiculairement l’une sur l’autre. A partir des hauteurs, de chaque côté de la rivière, s’étendent de vastes forêts, à travers lesquelles il y a différents sentiers tracés et tenus ouverts, pendant les différentes saisons, par les sauvages, et surtout par ceux du village de Lorette, qui considèrent les terres, à une distance immense vers la nord, comme consacrées à leurs chasses. La vue, le long du cours de la rivière, est généralement variée, pittoresque et extraordinaire, et la nature y présente mille combinaisons de grandeur, de beauté et de magnificence sauvage, qui n’ont point d’égales dans aucun autre pays. Dans son cours à travers la seigneurie de St. Gabriel, la rivière s’approche à seize milles de Québec: à environ neuf milles de son embouchure dans le St. Laurent, se trouve le nouveau pont de Jacques Cartier.—Le courant se précipite en cet endroit sur plusieurs grosses masses de granit, qui occasionnent une chûte perpendiculaire d’une hauteur considérable, dont l’effet est grandement accru par le rugissement continuel du torrent, qui s’ouvre un passage à travers les creux et les excavations qu’il a formés avec le laps de tems, dans son lit de roc, et sur les côtés de son canal: delà il coule avec la même impétuosité jusqu’à ce que ses eaux se perdent dans le St. Laurent.

La rivière Jacques Cartier, considérée sous le point de vue militaire, forme une très forte barrière naturelle, et on peut l’appeller le boulevart de la ville et des environs de Québec: la rapidité de son courant rendrait extrêmement dangereux de tenter de la passer à gué; la hauteur de ses bords les rend inaccessibles, excepté dans quelques endroits qui ne peuvent même être gravis qu’avec beaucoup de difficulté par un petit nombre de personnes à la fois, ce qui joint aux nombreuses positions avantageuses qui, le long de toute la rivière, sont propres à poster une force défensive, en-formerait une ligne complète de sureté; en effet, les Français, après avoir été chassés de Québec en 1759, se retirèrent derrière cette rivière, et manifestèrent l’intention de s’établir en force sur la rive occidentale, où ils construisirent à la hâte quelques ouvrages, dans la persuasion qu’ils pourraient y rester quelque tems à l’abri d’être inquiétés par leurs vainqueurs sur les plaines d’Abraham.


On a remarqué que M. Bouchette évitait avec autant de soin de se servir du mot fleuve, que Virgile a fait du mot græcus ou græci; comme si ce mot eût veilli et fût devenu suranné. En parlant du St. Laurent, le terme de fleuve conviendrait toujours mieux que celui de rivière, et surtout ici, pour éviter l’amphibologie.

LES GRANDS LACS DE L’OUEST.

1. Le lac Ontario a 180 milles de long, 40 milles de large, et 500 pieds (mesure anglaise,) de profondeur. On estime que sa surface est de 231 pieds audessus de la marée haute, aux Trois-Rivières, 270 milles audessus du cap Vincent.

2. Le lac Erié a 270 milles de long, 60 de large, et 120 pieds de profondeur: et l’on a constaté que sa surface est de 565 pied audessus de la haute marée à Albany.

3. Le lac Huron a 250 milles de long, 100 milles de largeur moyenne, et 900 pieds de profondeur, et sa surface est de 595 pieds audessus de la haute mer.

4. Le lac Michigan a 400 milles de long et 50 de large. Sa profondeur n’est pas connue. Il a la même élévation que le lac Huron.

5. La Baie Verte a environ 100 milles de long et 20 milles de large. Sa profondeur n’est pas connue. Son élévation est la même que celle des lacs Huron et Michigan.

6. Le lac Supérieur a 480 milles de long et 100 de largeur moyenne. Il a 900 pieds de profondeur, et sa surface est de 1048 pieds audessus de la haute mer. De là il est aisé de calculer que le fond du lac Erié est maintenant de la même profondeur que le pied de la Chûte de Niagara; et que le fond de chacun des autres lacs est plus bas que la surface de l’océan.

Le lac Supérieur est la fontaine principale, le grand réservoir de l’immense volume d’eau qui remplit les rivières, forme les lacs, et mugit sur les cataractes du St. Laurent. Ce fleuve majestueux, après avoir fait un arc de cercle de cinq degrés au sud, fécondant et vivifiant une des plus fertiles et des plus intéressantes sections du globe, rencontre la marée à 2000 milles de sa source, et à 500 du point extrême de son embouchure dans l’océan atlantique.

ARTS LIBÉRAUX ET MÉCANIQUES.

Salomon, Roi d’Israël, voulant bâtir un temple à l’Eternel, et un palais pour lui-même, fit venir de Tyr, un homme appellé Hiram, qui savait travailler en or, en argent, en airain, en fer, en pierre et en bois, &c. et savait faire toutes sortes de gravures, et des dessins de tous les ouvrages qu’on lui proposait.

Des talens aussi vastes et aussi universels que ceux d’Hiram ont dû être rares de tous tems et par tout pays: ils seraient inappréciables et impayables, partout où les bons artisans ne seraient pas communs; là surtout où il n’y en aurait pas d’habiles dans tous les genres. Mais présentement, du moins en Europe et en Amérique, il suffit qu’un artisan soit expert dans l’art qu’il exerce pour qu’on doive faire cas de lui. “Nous avons,” dit Narbal, dans le Télémaque, “l’avantage d’avoir des ouvriers habiles. Ces ouvriers se sont formés peu à peu dans le pays. Quand on récompense ceux qui excellent dans les arts, on est sûr d’avoir bientôt des hommes qui les mènent à leur dernière perfection; car les hommes qui ont le plus de sagesse et de talens ne manquent point de s’adonner aux arts auxquels les grandes récompenses son attachées. Ici, on traite avec honneur tous ceux qui réussissent dans les arts et dans les sciences utiles à la navigation: on considère un bon géomètre; on estime fort un habile astronome; on comble de biens un pilote qui surpasse les autres dans sa fonction; on ne méprise point un bon charpentier; au contraire, il est bien payé et bien traité.”

Sans doute l’encouragement, le bon traitement, et surtout le bon paiement, sont nécessaires pour former des ouvriers et des artistes habiles; mais il est une chose non moins essentielle, c’est l’instruction, ou du moins une éducation élémentaire, capable de mettre les artisans en état d’entendre les livres qui traitent des arts qu’ils exercent. Il a paru sur ce sujet dans une de nos gazettes, un morceau dont on ne trouvera peut-être pas mauvais de voir ici la substance.

“Si l’éducation,” dit l’auteur de ce morceau, “n’était pas très-répandue autrefois, il ne manquait pas dans la classe des ouvriers comme dans plusieurs autres, d’individus très-recommandables par des lumières étendues, surtout relativement à leurs professions. J’ai connu, par exemple, dans celle dont il s’agit, plusieurs maîtres ouvriers dans nos villes, qui à l’habitude du calcul joignaient la science des règles de leur art; qui étaient capables de fournir au besoin un devis exact de menuiserie, de maçonnerie, ou de charpente; un plan correct d’ouvrage d’architecture, même les morceaux de sculpture qui en devaient faire les ornemens. Enfin les monumens qui nous restent, et quelques uns des grands édifices qui ont été bâtis à une époque bien antérieure à la conquête, et pendant les trente années qui l’ont suivie, suffisent pour attester qu’il fallait nécessairement que ceux qui ont présidé à ces ouvrages, eussent des connaissances bien étendues dans les arts qu’ils exerçaient alors.

“Je pourrais nommer même quelques ouvriers Canadiens dans nos villes en particulier, qui autrefois ont déployé des talens et un génie extraordinaires pour la méchanique, qui n’a manqué que d’un autre théâtre pour briller du plus grand éclat: je me contenterai de citer deux menuisiers de Montréal, qui l’un avant la conquête, l’autre depuis, sont sans le secours d’aucuns maîtres, devenus de fort bons horlogers pour leur tems. Le premier se nommait Dubois: j’ai vu de ses horloges qui étaient fort-bonnes, et l’ouvrage en était d’assez bon goût. Dans l’état ou était le commerce et l’industrie à cette époque parmi nous, il avait eu moins de ressources que le second: aussi avait-il été obligé d’inventer et de fabriquer lui-même jusqu’aux outils dont il se servait. Le second qui était également connu sous le nom de Fourreur ou de Champagne, a laissé, entre autres, une horloge de sa façon, qui subsistait encore, il y a un assez petit nombre d’années: à chaque heure, elle faisait entendre un air au moyen de timbres de différentes grandeurs. Ces choses, me dira-t-on, sont fort communes aujourd’hui. Si quelqu’un souriait en me voyant mettre de l’importance à ce qu’il pourrait avec raison appeler une bagatelle, je le prierais de réfléchir aux efforts de génie nécessaires pour imaginer et exécuter une pareille pièce de méchanisme, dans un pays où il n’y avait point encore d’artistes, et où il se trouve à peine des modèles; et dès lors il ne serait pas surpris de me voir parler de ces traits d’habileté, comme de ceux dont le souvenir mérite d’être rappelé, et qui font également honneur et aux individus qui en sont les héros, et au pays qui leur a donné naissance.

“Je dois aussi observer, que ces deux personnes avaient eu une éducation passablement soignée pour leur état, et qu’elle put leur aider à deviner l’art, si je puis m’exprimer ainsi: elle put leur fournir les moyens de profiter des lumières de quelques personnes instruites, et de puiser avec elles dans les ouvrages qui se trouvaient dans le pays, des renseignemens qui leur ont été extrêmement utiles. Ce n’est pas non plus qu’on ne pût citer d’exemples d’hommes entièrement dépourvus d’éducation qui ont fait ailleurs des choses semblables: mais enfin ce ne serait que des exceptions à la régle générale; ceux qui sont le moins du monde capables de réflexion, n’en sentiront pas moins la force des vérités que j’ai mises au jour sur la nécessité de l’instruction, pour aider les ouvriers à se perfectionner dans les arts qu’ils exercent, et sur les facilités qu’elle procure à ceux qui ont naturellement du génie pour y faire des progrès plus rapides.

“Je pourrais nommer encore beaucoup d’autres Canadiens, dont quelques uns vivent encore, qui ont fait preuve d’habileté: j’y trouverais le double avantage de prouver ce que j’avance relativement à la nécessité de l’éducation, et de faire voir en même tems combien il serait facile de faire naître, pour ainsi dire, les talens, si on s’attachait à les encourager dans un pays où il se trouve aussi communément des hommes à qui la nature a prodigué ses dons. Ne pourrais-je pas parler en particulier de ce Bedard qui avait fait le comble de la halle du marché de la haute ville de Québec? Sans doute cet édifice était mal placé; il a fallu l’abattre: mais cela ne pouvait rien diminuer du mérite de celui qui avait calculé les moyens de faire le toît de cette rotonde, et en avait fait faire la charpente. Les Bailliargés sont connus: il reste d’eux des monumens de leurs talens; et si je ne me trompe pas, il reste de cette famille un jeune rejeton qui marchera sur les traces de ses pères. Nous avons dans le moment même où j’écris, une couple de peintres, à qu’il ne manque peut-être qu’une école et des modèles pour porter leur art au plus haut degré de perfection.

“Qui n’a pas entendu parler du ciseau de Pepin, et de quelques autres formés à l’école de Quevillon, à qui nous devons la renaissance de la sculpture en bois qui s’éteignait parmi nous, et le plus grand nombre de ceux qui cultivent cet art maintenant dans le pays. Nous lui devons aussi, ainsi qu’à ses élèves, un grand nombre d’ouvrages, qui ne manqueraient d’admirateurs dans aucun pays, le nôtre excepté. Nous aurions ici des talens distingués comme ailleurs, si l’on voulait seulement piquer l’émulation qui les fait naître. C’est encore ici, pour le dire en passant, que l’on peut voir les effets funestes qui sont la suite du manque de lumières et du défaut de connaissances, surtout dans les classes supérieures. Plusieurs de ceux que je viens de nommer et auxquels on peut donner le nom d’artistes à juste titre, au lieu de celui de simples ouvriers, sont inconnus à ceux qui devraient être les premiers à applaudir et à rendre justice au mérite: plusieurs autres qui peuvent comme ceux-ci mériter ici le nom d’artistes, sont même absolument étrangers à nos villes et y sont à-peu-près inconnus. Partout ailleurs ce serait une espèce de phénomène inexplicable.

“Mais pour ne pas perdre de vue l’objet principal de ces observations, je dois encore remarquer au sujet de ceux que je viens de nommer, à la liste desquels je voudrais pouvoir en ajouter beaucoup d’autres, qui mériteraient d’être distingués de même, qu’ils avaient plus ou moins les connaissances préalables qui mettent un homme à même d’exercer sa profession avec habileté, qui donnent cette confiance raisonnable qui est un gage presque assuré du succès, comme la folle présomption, fille de l’ignorance, est elle-même la cause de la chûte de toutes les entreprises.

“Je dois dire encore que l’un d’eux, Quevillon, a dû l’idée de cultiver les talens qu’il a ensuite déployés, et dont le développement a été si utile au pays, aux avis, aux conseils de quelques personnes qui joignaient le goût à la science, et l’ont déterminé à entrer dans une carrière, qu’il ne s’était pas jusque-là cru capable de fournir. On doit encore lui savoir gré d’avoir senti l’importance et la nécessité de l’éducation élémentaire pour ceux mêmes qui entrent dans une carrière où il faut se livrer à des travaux manuels, pour qu’ils puissent être en état de mettre plus de perfection dans leurs ouvrages. Tandis qu’on a souvent un juste sujet de reprocher à nos ouvriers de ville de manquer d’éducation, l’attelier nombreux que celui-ci avait établi dans la campagne, et dans lequel il a formé un aussi grand nombre de jeunes gens, a été constamment une école, dans laquelle ils ont appris à lire et à écrire, et reçu des leçons d’arithmétique et de dessin; et il a été imité en cela par quelques uns de ses élèves. Heureux le pays, si des hommes placés dans une sphère plus élévée, dans des circonstances plus heureuses, avaient su tirer un parti avantageux des unes ou des autres! Malheureusement le bien qu’ils ont fait ici a été trop communément en raison inverse de la grandeur des moyens qu’ils ont eus et qu’ils ont encore à leur disposition.”


Il suffit d’entrer dans quelques unes de nos églises de campagne, pour se convaincre de la vérité de ce qu’on vient de lire, quant à la sculpture en bois. Nous n’aurions pu croire, sans l’avoir vu, que cet art fût porté à un tel point de perfection, par des hommes dont, comme le dit l’écrivain que nous venons de citer, on parle à peine dans l’enceinte de nos villes. Tout ce qu’il y aurait à désirer, peut-être, des élèves de Mr. Quevillon, ce serait qu’ils s’efforçassent de donner plus de naturel et de grâce aux têtes d’anges qu’ils placent ordinairement aux devants d’autel, aux chaires, &c. la plupart de ces figures sont rechignées; quelques unes sont pleurantes. Le défaut parait venir principalement de la bouche, qui est généralement trop renfoncée, ou trop fortement découpée à l’extrémité des lèvres. Au moyen d’une légère correction, ces figures pourraient devenir des beautés grecques à-peu-près parfaites, ou, si l’on veut, des beautés célestes, telles que l’imagination se plaît à nous les représenter.

Aux personnes qui ont été nommées plus haut, peut-être pourrait-on joindre un nommé Labrosse, sculpteur, ou statuaire de Montréal, dont nous avons, dans notre enfance, entendu vanter l’habileté. C’est lui, disait-on, qui a fait le grand Crucifix qui a été longtems placé audessus du maître-autel de l’église paroissiale de cette ville, et qui est maintenant audessus de l’une des chapelles. Nous pourrions nommer aussi plusieurs peintres Canadiens, entr’autres, M. Beaucours; M. Duberger, ou Dubergès, ingénieur, qui a fait, il y a une quinzaine d’années, un modèle de la ville de Québec, jugé digne d’être déposé dans l’arsenal de Woolwich; mais ce pourra être, plus tard, le sujet d’un autre chapitre.

Quant aux arts purement mécaniques, ou aux simples métiers, il est certain qu’on y avait fait peu de progrès depuis la conquête jusqu’à ces dernières années, si même on n’y avait pas rétrogradé. Presque tous les ouvrages de ce genre faits dans le pays, il y a plus de vingt ou vingt-cinq ans, portent l’empreinte de l’extrême simplicité, pour ne pas dire de la grossièreté. Peut-être pourtant cette simplicité, loin d’être entièrement dûe à l’ignorance des ouvriers, n’était-elle que la conséquence naturelle de l’état des fortunes à cette époque. Si l’on ne se logeait pas, si l’on ne se meublait pas superbement, il y a quinze ou vingt ans, c’est qu’apparemment les moyens pécuniaires ne le permettaient point. Pouvait-il être nécessaire, par exemple, qu’il y eût des sculpteurs en pierre, quand à peine les quadres des portes et des fenêtres se faisaient en pierres de taille? Les meubliers pouvaient-ils être communs et habiles, quand ceux qui voulaient avoir des meubles rares et élégants les faisaient venir d’Europe, et avant qu’on se fût apperçu que notre plaine et notre érable ondés pouvaient remplacer jusqu’à un certain point le bois d’acajou?

PROGRÈS DE L’INDUSTRIE AGRICOLE.
(Extrait de la Gazette de Québec du 13 Octobre)

La neuvième exhibition annuelle d’animaux et de labourage de la Société d’Agriculture de ce district, a eu lieu sur la terre de M. Anderson, près du pont Dorchester, le Jeudi 6 de ce mois, à 10 heures du matin.

Le concours était très-nombreux; c’étaient principalement des agriculteurs des paroisses voisines.

Il avait été amené à l’exhibition un grand nombre d’animaux vivants, surtout de vaches à lait des meilleures races du pays.

Les moutons étaient plus nombreux et de meilleure qualité que de coutume. Il y avait un bélier et des brebis de la race de South-down, appartenant à John Macartney, de Valcartier, pour lesquels a été adjugé le prix de cinquante piastres, offert pour l’importation d’animaux de cette race, à condition qu’ils seraient gardés dans le district pour l’amélioration de la race de moutons.

Parmi les instrumens produits à l’exhibition, était une baratte de construction simple et ingénieuse, faite par M. J. B. Dubeau, et qui excita une attention particulière.

Quelques chapeaux de paille, faits à Beaumont, furent considérés comme presque égaux à ceux qui s’importent.

Des échantillons de toile faite à l’établissement de M. Hanna, à la Belle-Alliance, furent universellement admirés.

L’exhibition de racines, de légumes et de fruits a été abondante, et n’aurait peut-être pu être surpassée dans aucun pays.

Quarante-six charrues disputèrent les prix pour labour. L’ouvrage a montré une amélioration considérable dans cette opération essentielle, quoique la sécheresse et la nature du terrain dussent nuire beaucoup à son apparence. La pratique d’atteler les bœufs par les cornes à été très généralement abandonnée, sur la recommandation de la Société, en faveur de celle de les atteler par le cou. Quelque laboureurs Canadiens firent bien leur ouvrage avec deux chevaux, sans le secours d’un toucheur.

GNOMONIQUE.
Faire d’un cadran solaire un cadran lunaire.

Si quelqu’un désire savoir, ou par nécessité, ou par curiosité, quelle heure il est à la lune, il peut en faire le calcul au moyen de la projection de l’ombre de cet astre sur le cadran solaire: il faut seulement savoir l’âge de la lune, qu’on peut trouver dans l’almanach. Si la nouvelle lune a lieu le matin, on comptera du jour actuel; mais si elle a lieu dans l’après-midi, on comptera du jour suivant. On multipliera l’âge de la lune par 4, et on en divisera le produit par 5: on ajoutera au quotient de cette division les heures que l’ombre indique sur le cadran solaire; et la somme totale donnera l’heure cherchée; ou bien, on retranchera du quotient, l’heure indiquée par la lune sur le cadran solaire, et le reste donnera également l’heure cherchée. La première méthode sera mise en usage, quand l’ombre tombera sur une heure de l’après-midi; et la dernière, quand elle tombera sur une heure de l’avant-midi. L’exemple suivant servira à éclaircir cette règle.

1o. Supposons qu’un habitant de la campagne revienne chez lui le soir; que la lune soit âgée de dix jours, et qu’il trouve que l’ombre jettée sur le cadran solaire marque deux heures et demie, c’est-à-dire, que l’ombre de la lune se trouve à la place où serait l’ombre du soleil à deux heures et demie, la question se réduit à savoir quelle heure il était réellement quand le campagnard revint chez lui. Voici la réponse d’après les calculs ci-après:

L’âge de la lune 10, multiplié par 4, donne 40; ce produit divisé par 5, donne 8, à quoi ajoutant 2½, on a 10½, qui est l’heure cherchée.

2o. Supposons que la lune soit âgée de dix-huit jours, et que l’ombre jettée sur le cadran solaire marque onze heures. Ce tems sera soustrait de l’heure où la lune était dans le méridien: ainsi l’âge de la lune 18, multiplié par 4, donne 72; ce produit divisé par 5, donne 14 2/5; c’est-à-dire, 14 heures et 24 minutes, ou 2 heures 24 minutes après minuit, tems auquel la lune était dans le méridien ce jour-là, et duquel tems l’heure marquée par l’ombre doit être déduite; l’ombre se projettant sur onze heures du matin, c’est-à-dire, une heure avant-midi, on doit la déduire des 2 heures et 24 minutes, résultat de l’opération. Cette soustraction ne laissera plus qu’une différence d’une heure et vingt-quatre minutes, qui est la véritable solution de la question proposée.

PIERRE BAROMÈTRE.

Un journal de Finlande fait mention d’une pierre qui se trouve dans la partie septentrionale de cette contrée, et qui sert de baromètre aux habitans du pays. Cette pierre devient noire, ou gris foncé, quand il doit pleuvoir, et se couvre de taches blanches, à l’approche du beau tems. C’est probablement un fossile mêlé d’argile, qui se compose de sel de roc, de sel ammoniac et de salpêtre. Il devient noir quand il attire l’humidité de l’atmosphère, et la sécheresse, fesant ressortir les sels, donne lieu aux taches blanchâtres.

ETAT DE L’INSTRUCTION EN RUSSIE.

Il paraîtrait, suivant le docteur Lyall, que l’instruction est bien moindre en Russie que nous ne le supposions. Quelques nobles qui ont voyagé, quelques officiers instruits, lisent les auteurs français, mais le corps de la nation ne lit pas du tout. Il y a en Russie plusieurs poëtes d’un grand mérite, actuellement vivants, et l’on croirait qu’ils jouissent d’une immense popularité; mais le docteur Lyall nous dit que la vente de deux ou trois cents exemplaires d’un ouvrage, dans une population de plus de quarante millions d’âmes, est une chose très rare. L’Histoire de Karamsin est sans contredit l’ouvrage le plus populaire qu’on a jamais imprimé en Russie, et pourtant le nombre total des souscripteurs, pour la première édition, n’était que de quatre-cent-six, dont quarante marchands, cinq ecclésiastiques et trois paysans: le reste appartenait à la noblesse. Une seconde édition fut publiée en 1817, et, chose inouïe, l’imprimeur ôsa tirer à mille exemplaires. Toutefois, le docteur Lyall pense que le goût des lettres se répand rapidement dans ce vaste empire. Sous ce rapport, Aléxandre a fait sans contredit plus que tous ses prédécesseurs, en fondant et en encourageant des écoles. Quelques grands ont récemment introduit la méthode d’enseignement à la Lancaster, malgré les craintes ridicules de leurs voisins. Les arts de l’imprimerie, de la gravure et de la reliure ont été portés à une grande perfection.

LE MARÉCHAL DE FABERT.

Le nom du maréchal de Fabert figure au premier rang dans les fastes de l’histoire de France. Louis XIV sut distinguer ce brave guerrier de la foule des courtisans, et ne cessa de lui donner des marques particulières d’estime et de considération. Fabert n’abusa jamais de la bienveillance que le roi lui témoignait: il aurait rougi de recevoir une récompense qui n’aurait pas été le prix d’un service rendu à la patrie et au prince. C’est d’après ce principe, qu’il aurait refusé la première dignité militaire, s’il n’eût passé par tous les grades de l’armée. Le fait suivant prouve que Fabert n’affectait pas une fausse modestie.

En 1661, Louis XIV voulut lui donner le cordon bleu: Fabert le refusa, en disant qu’il n’avait pas les titres de noblesse exigés par les statuts de cet ordre, et qu’il ne consentirait pas à être reçu chevalier en apportant de fausses preuves. Jamais, ajouta-t-il, je ne souffrirai que mon manteau soit honoré par une croix, et que mon âme, en même tems, soit déshonorée par une imposture. Les courtisans ne manquèrent pas de lui faire un crime de ce refus; mais le roi n’en estima pas moins Fabert, et daigna lui écrire à ce sujet. Alors ses délateurs ne virent d’autre moyen que de l’accuser de magie, et le peuple pensa comme eux. On ne pouvait encore se persuader, à cette époque, qu’un homme d’une naissance obscure pût parvenir sans sortilège au grade de maréchal de France. De là le bruit absurde qui se répandit, à la mort de Fabert, que le diable avait emporté le corps de ce maréchal.

LES TOILETTES DE BAL.

Me voila bravant les rhumes et les fluxions de poitrine pour venir vous voir.

Chère amie, que vous êtes bonne!

Ah! je ne pouvais plus y tenir; il fallait absolument que je vous visse, et que nous causassions ensemble de ce bal qui me tourne la tête: j’en suis stupide et n’ai pas une pensée qui ne se rapporte à ma toilette.

Moi, je vais vous confier une invention de coiffure.............

De grace, laissez-moi d’abord vous expliquer ma robe. Elle est toute en tulle; trois volans de blonde surmontés d’énormes ruches en tulle, et pas seulement apparence de satin: c’est un amour. Vous la représentez-vous bien, Emma? Quant à moi, il me semble que cette porte qui est là va s’ouvrir, et je me vois entrant dans le bal avec ma robe. Au reste, je l’ai accrochée à un rideau, et j’ai déjà eu, ce matin, un genre de tête-à-tête avec elle.

La mienne est tout bonnement en crêpe, avec une garniture bouffante, qui remonte sur le côté, et qui est rattachée par des coques en satin à la Simon.

J’oubliais de vous dire que je me suis décidée pour un corsage bien collant.

Hum! je ne sais pas, mais les draperies me semblent plus avantageuses.

Vous avez raison pour vous, ma belle, qui êtes maigre; mais pour moi, ce serait perdre un de mes avantages. Au reste, convenez qu’il y a peu de femmes à qui la toilette de bal sieye bien.

Je l’avoue; mais à vous comme à moi, c’est là notre triomphe. Mettez-vous du rouge de vinaigre?

Moi fi donc, je n’ai jamais mis de rouge.

Comment donc disparait votre pâleur?

Par un bonheur unique. Une fois parée pour danser, il me prend une agitation, une fièvre de bal, qui me donne des couleurs charmantes: c’est à jurer que j’ai mis du rouge.

J’avais toujours pensé que vous en mettiez. Pour ma part, je mets toujours du rouge en pot, et c’est à parier que je n’en ai point. Mais, où avons-nous donc la tête? Nous oublions nos coiffures. J’ai inventé, d’après une gravure, de me larder la tête avec des épingles, à boules d’or, avec un rang de perles d’or sur le front, et puis ..., devinez quoi?

D’abord, ma chère amie, je suis décidée, et vous savez que j’ai du caractère; je mets une guirlande de grosses roses blanches, parce qu’on a beau se torturer l’esprit, c’est toujours là qu’il en faut revenir. Les roses ont pour les hommes un charme unique; elles leur rappellent Flore, le printems, tout ce que vous voudrez, et on ne sort pas de là.

Mais laissez-moi donc achever.... A cet or je joindrai des marabouts; et il faut bien que vous conveniez que cette coiffure sera délicieuse, vaporeuse, aérienne.

Oui, et je ne saurais trop me féliciter d’être venue vous voir, afin de nous entendre un peu sur nos préparatifs de bal. Vous avez un goût exquis.

J’aurai l’air de vous rendre le compliment; cependant je ne dis que la vérité en déclarant que vous êtes la femme du monde qui s’habille le mieux. A propos, je mène Esther avec moi.

Quoi, cette petite horreur? Aurait-elle l’intention de glaner des cœurs après vous?

Que vous êtes mauvaise! Je vous assure qu’elle n’est pas mal; il y a même beaucoup de gens qui la trouvent très bien: pourtant je vous avouerai que si j’étais homme, elle ne ferait pas ma conquête.

Certes! ni la mienne. D’abord, elle a le regard incertain et les pieds en dedans, et l’on n’a pas besoin de lorgnon pour découvrir qu’elle louche des yeux et des pieds.

Vraiment! Mais non. Vous vous trompez; elle a seulement une protubérance à l’orteil; ce qui n’est pas beau. Au surplus, quelles que soient ses prétentions, je pense qu’elles ne descendent pas jusqu’à ses pieds. Cela me fait songer que mon cordonnier sort d’ici. J’ai eu avec lui une longue conférence, et comme il a la noble habitude de me fournir pour chaussure de bal des pantoufles de satin blanc, je lui ai signifié que je voulais désormais des souliers comme pour un enfant; j’espère qu’à la fin, je dompterai son obstination.

Qu’entends-je? On a sonné. Mon dieu! Nous n’avons pas eu le tems de nous consulter; nous allons être fagottées; défendez vite la porte.—Il n’est plus tems! on entre!

FORMATION DE LA GAMME.

Si l’on cherche quelle cause a déterminé les limites de la gamme et les dispositions des sons qui la composent, on sera conduit à le trouver par les réflexions suivantes:

L’octave d’un son devait être naturellement la limite d’une suite de sons périodique et déterminée; en effet, l’octave d’un son concourt avec lui, dans ses mouvemens, d’une manière presque identique; on revient le plus près possible d’un son quelconque, en allant à son octave: l’unisson pourrait seul en rapprocher davantage. Cependant l’intervalle d’un son à son octave est considérable, eu égard à l’intonation: cet intervalle avait besoin d’être coupé, pour que ses diverses sections devinssent le fondement du chant, ou de la mélodie; et il était bien naturel que l’harmonie des intervalles les plus consonnants après l’octave, déterminât la place de chaque section; c’est ce qu’elle a fait. Nommons ut le son fondamental. Les rapports harmoniques appellent à sa suite l’octave de sa quinte et la double octave de sa tierce majeure: déduisons les octaves; notre oreille se prête aisément à cette déduction; les premiers sons appellés par l’harmonie à la suite du son ut, sont ainsi mi et sol. Si maintenant nous faisons résonner successivement trois cordes montées de manière à rendre chacun de ces trois sons, le mi appellera sa quinte si, et nous invitera à placer une quatrième corde montée à ce ton; en même tems, la corde sol appellera sa quinte , et nous invitera à placer une corde montée au ton , ou à son octave inférieure, afin que le son de cette corde ne dépasse pas l’octave de l’ut fondamental. Nous avons déjà, en comprenant cette octave d’ut, les six cordes suivantes, ut, ré, mi,—sol,—si, ut.

Si nous faisons résonner successivement ces six cordes, notre oreille qui se plaît dans les gradations ménagées, et qui déjà, y est accoutumée par l’intonation des trois premières cordes, nous invite à placer une septième corde dans l’intervalle de mi à sol, afin de couper la grandeur de cet intervalle. Mais c’est à l’harmonie à fixer le son de la corde que nous voulons intercaler, c’est-à-dire, que le son doit être, le plus qu’il est possible, en rapports harmoniques, avec le son des cordes déjà placées, et principalement avec le son fondamental, parceque ce son ayant été entendu le premier, est celui dont l’impression a été le plus prononcée; c’est celui qui a invité successivement tous les autres; c’est celui, d’ailleurs, qui par lui-même et par son octave, doit former les limites de la progression. Or, en montant la corde intercalée de manière à rendre le son fa, nous satisfesons le mieux possible aux conditions désirées: en effet, ce son est à la quarte du son fondamental; cet intervalle est harmonique, et il est à la quarte de l’octave du son fondamental; cet intervalle est plus harmonique encore. En faisant résonner la corde fa, le son qu’elle rend invite à placer sa quinte, et elle est déjà placée: c’est l’octave du son fondamental. Observons que tout autre son serait beaucoup moins convenable à l’harmonie: le fa dièze, par exemple, serait à deux intervalles égaux de l’ut fondamental et de l’ut octave; et ces deux intervalles seraient deux dissonances.

Nous avons maintenant les sept cordes suivantes: ut, ré, mi, fa, sol,—si, ut.

La distance du sol au si reste seule trop grande au gré de notre oreille; et le son de la corde qui doit couper cet intervalle, nous est indiqué par l’harmonie de deux manières: le , déjà placé, invite à placer sa quinte; et le fa, que nous venons d’établir, invite à placer sa tierce majeure: le la est désigné par le concours de ces deux rapports.

La gamme est alors complète; elle fournit à notre organe, et la sensation de l’harmonie la plus consonnante, et la sensation de la mélodie la plus douce, en même tems que la plus affermie dans sa marche, parce qu’elle est soutenue par l’harmonie de chaque ton.

Si l’on demande maintenant d’où naissent la gamme mineure et l’accord parfait mineur, je croirai pouvoir répondre que c’est de la mélodie même de la gamme majeure. En effet, si l’on suit la gamme majeure en descendant, et que, sans s’arrêter à la tonique fondamentale, on descende encore jusqu’au la suivant, de cette manière, ut, si, la, sol, fa, mi, ré, ut, si, la: l’impression qui reste dans notre organe n’est plus celle de la gamme majeure d’ut, mais celle de la gamme mineure de la: ainsi, la gamme mineure est donnée par la gamme majeure elle-même. On peut faire une autre observation.

Les huit sons de la gamme majeure, pris trois à trois, et selon une disposition alternative, fournissent trois accords parfaits majeurs, et trois accords parfaits mineurs. Les trois premiers sont: ut, mi, sol;—fa, la, ut;—sol, si, ré; les trois derniers sont: ré, fa, la;—mi, sol, si;—la, ut, mi. Ainsi, comme après l’intervalle diatonique, l’intervalle de tierce est celui que notre voix parcourt avec le plus de facilité, la disposition même des sons de la gamme majeure fait que nous entendons aussi fréquemment l’intonation de la tierce mineure que celle de la tierce majeure; cette intonation doit conséquemment nous plaire, étant fournie par la gamme: d’ailleurs, l’intervalle de tierce mineure est une consonnance, quoique moins simple que celle de la tierce majeure; et, quant au caractère de douceur, et même de tristesse, qui se fait distinguer de notre organe, lorsque nous rendons mineur un accord parfait majeur, il peut venir de ce que nous enlevons de l’accord, une consonnance plus régulière, pour en substituer une qui l’est un peu moins, et qui n’amène pas tout-à-fait aussi promptement le repos dans notre organe: il doit résulter de ce faible changement un léger sentiment de souffrance qui nous tient, pour ainsi dire, dans une douce plainte, et dans le désir peu pressant d’un soulagement facile.

VARIÉTÉES SCIENTIFIQUES, LITTÉRAIRES, &c.

Restes de Pompeii.—Il a été fait dernièrement quelques nouvelles découvertes dans les ruines de Pompeii. Une petite galerie, vis-à-vis des bains, conduit à un grand appartement: à la gauche de cette galerie, qui est peinte en jaune, on voit un Génie, qui tient dans sa main une branche de laurier. De chaque côté du Génie est un petit compartiment, dans l’un desquels on voit la représentation d’un temple, et dans l’autre, des productions de la terre et de la mer. En montant à l’appartement d’en haut, on apperçoit, aussi à la gauche, une belle figure de Venus, dont la partie supérieure a été beaucoup endommagée par des excavateurs maladroits. A la droite, on trouve un superbe tableau qui a consisté en trois figures, ou plus. Il représente un Phrygien assis, et près de lui une femme majestueuse dont les traits sont on ne peut plus expressifs. Près de ce tableau s’en trouve un autre composé d’un douzaine de personnages: l’un est un homme assis; un autre, un guerrier qui porte la main en avant; un autre, une femme, &c. Ce tableau est aussi extrêmement beau. Sur un autre mur se voit un tableau curieux: il consiste en un groupe de trois figures dont l’une représente une femme dont on parait prendre la mesure pour lui faire des habits neufs. Dans une chambre à gauche, audessus de la Venus dont on vient de parler, est un autre tableau en partie détruit, où l’on voit un beau Triton, et un enfant ayant un trident à la main, et assis sur un dauphin.

Strasbourg, le 6 Août. La sécheresse a tellement diminué l’eau de l’un des bras de l’Ill, au village d’Ehl, près de Benfeld, sur l’ancien site d’une ville romaine, qu’on peut facilement creuser dans son lit. On y a déterré des médailles romaines, des anneaux, des clefs, des agraffes, et d’autres ornemens antiques.—Aussitôt que le préfet a été informé de la chose, il a envoyé un ingénieur sur le lieu, pour diriger les excavations, et prendre garde que ce qui été trouvé ne soit point détruit et perdu pour les arts.

M. le marquis de Dampierre, pair de France, a fait construire dernièrement sur la rivière qui arrose son domaine à Dampierre, département de l’Aube, un pont suspendu en fil de fer, qui a 54 pieds de long sur 4 de large. Il y a de chaque côté du pont deux rampes élégantes réunies au plancher par des boulons en fer à écroux et fortement attachées aux poteaux. Ce pont, sur lequel 40 personnes à la fois peuvent passer sans danger, n’a coûté que 600 francs.

Un horloger de Bayreuth, en Allemagne, a fait une cage qu’il a remplie d’oiseaux artificiels, au nombre de soixante, représantant des perroquets, des moineaux, &c. chacun desquels a le ton de voix particulier qui lui a été donné par la nature. Les barreaux de la cage sont de laiton, et les roues sont d’argent. Le plumage des oiseaux est réel. Une personne, de distinction apparemment, a offert à cet horloger 32,000 florins pour sa cage, mais il ne la veut pas donner à moins de 60,000.

M. Duvaucèl, naturaliste et voyageur célèbre, est mort à Madras, âgé de 31 ans, des suites d’une fièvre qu’il avait prise en parcourant les forêts du Sylhet.

M. Loquin, revenant d’un voyage aux Grandes Indes et en Afrique, et se randant à Dijon, sa ville natale, vient de terminer son honorable carrière, à l’âge de 67 ans. Il a laissé 150 manuscrits.

Olab Phelair, le célèbre poëte persan, est mort dernièrement à Ispahan, à l’âge de 96 ans. Il était le Voltaire de la Perse, et il a laissé un grand nombre de manuscrits sur les mathématiques, l’astronomie, la politique et la littérature. Le Sophi venait de lui accorder une pension considérable.

Un gentilhomme polonais, nommé Simon Palousky, a cherché pendant huit ans la pierre philosophale, et par suite des mélanges qu’il a faits, il a trouvé un métal aussi poli que l’acier et aussi fléxible que l’or. Il a déjà fait présent au grand-duc Constantin, d’un casque et d’une cuirasse fabriqués de ce métal. On assure que ces objets sont très beaux.

M. Chabanon, médecin à Uzès, a traité dernièrement avec un succès complet, plusieurs individus mordus par un loup enragé, au moyen de la gonestrie, ou genêt des teinturiers, (genista tinctoria,) donnée en décoction. Ce moyen a été introduit assez récemment dans le midi de l’Europe, par le docteur Marchetti, qui l’avait lui-même vu employer avec avantage par un paysan russe.

M. Lisfranc, premier chirurgien de l’hôpital de la Pitié à Paris, a employé avec succès le chlorate de chaux pour prévenir l’infection dans les corps en état de putréfaction, et pour guérir les ulcères simples. Il a guéri plusieures malades sur lesquels les remèdes ordinaires n’avaient eu aucun effet, et l’essai qu’il en a fait sur les brulures a eu de bons résultats.

Il est dit dans un journal de Dublin, qu’un Français a acheté d’un Nègre, au Sénégal, les manuscrits des voyages de Mungo Parck, pour 30 piastres. Ces manuscrits font, dit-on, mention de sa maladie, et vont jusqu’au jour de sa mort.

Le beau portrait original, de grandeur naturelle, de Marie, reine d’Ecosse, découvert dans une cheminée du collège écossais de Douay, qui fut démoli pendant la révolution de France, a été placé au collège écossais, à Paris.

On a trouvé dernièrement au milieu des bois et des montagnes d’Hartzwald, dans la Bohême, un homme sauvage qui, à ce qu’on présume, doit s’y être égaré dans son enfance. Il parait âgé d’environ 30 ans; mais il n’articule aucun mot: il beugle, ou plutôt, il aboie, car sa voix ressemble à celle d’un chien. Il court sur ses quatre membres, et dès qu’il apperçoit une créature humaine, il grimpe au haut d’un arbre, comme un singe, et saute de branche en branche avec une incroyable dextérité. Lorsqu’il voit un oiseau, ou du gibier, il le poursuit, et le manque rarement. On l’a conduit à Prague, et l’on a cherché vainement jusqu’ici à le civiliser; il ne parait pas pouvoir s’habituer au genre de vie ordinaire de ses semblables.

M. Biot a visité dernièrement les côtes du golfe de Venise, pour la fixation des mesures géographiques. Il a aussi visité les îles Baléares, où il a recueilli des observations précieuses.

Le Roi de France a accordé des pensions sur la liste civile à divers savans étrangers.

On prend les mesures les plus sévères en Russie, pour la saisie immédiate de différents ouvrages religieux publiés sous le précédent ministère, et déjà fort répandus.

Une ordonnance du roi des Pays-Bas, établit un collège philosophique à Malines, où les élèves qui se destinent au sacerdoce devront faire deux années de cours d’études.

On apprend de Louvain, que le collège philosophique sera définitivement établi dans cette ville, et occupera le magnifique collège du Pape. Il contiendra provisoirement des habitations pour 500 élèves. L’auditoire général pourra comprendre 1,200 étudians.

Les directeurs de la nouvelle université de Londres ont acheté un terrain dans les environs de Gower-street, pour servir d’emplacement au nouveau collège.

On s’est déterminé à placer l’Aiguille de Cléopatre dans l’endroit où est maintenant la statue équestre du roi Charles, à Charing-Cross. Le transport de ce célèbre monument d’antiquité en Angleterre coûtera 9,000 livres sterling. C’est un Mr. Maberly qui en a fait l’entreprise.

Une société philosophique est à la veille de s’organiser dans la Guiane anglaise, à l’effet de recueillir les meilleures informations concernant les productions naturelles du sol et du climat de cette colonie, et d’envoyer en Angleterre des échantillons de celles qui sont ou pourraient être inconnues aux savans de l’Europe. Le plan de cette société a été conçu par Sir H. Davy, le savant Président de la Société Royale de Londres.

Volcan artificiel. La gazette de Greensburg, donne une description intéressante du Vésuve de la Pensylvanie occidentale. C’est une mine, ou plutôt une montagne de charbon, près du lieu nommé Monongehala. L’on y travaille depuis près de cinquante ans, et durant tout ce tems, une partie de la montagne a brûlé intérieurement. Tout près de la principale cavité par où sortent le feu et la fumée, la terre s’est affaissée et est tombée dans le vide formé par le feu, l’espace de plusieurs verges à la ronde. La terre, à plusieurs pieds de l’ouverture principale, est si chaude qu’il n’est pas possible de s’y tenir un peu de tems. L’ouverture s’étend le long du côté de la montagne, l’espace de 25 ou 30 pieds, et la fumée sort tout le long de cet espace. On ne voit point de flamme, ni même de charbon allumé, bien qu’un bâton plongé dans l’ouverture, à quelques pouces seulement, prenne feu instantanément. On a tiré depuis 40 ou 50 ans, une grande quantité de charbon de l’intérieur de cette montagne, et l’on suppose que le feu a été mis d’abord dans l’une des excavations. La montagne étant une masse à-peu-près solide de charbon, il est difficile de conjecturer combien de tems elle pourra brûler ainsi, ou quelles pourront être les conséquences de cette consomption interne.

Scie tournante.—Un Mr. Stewart, de Boston, à inventé dernièrement une Scie qui a été mise en opération sur la rivière Schoodie, dans le Maine, et pour laquelle il a obtenu des lettres patentes, tant dans les Etats-Unis qu’en Angleterre. On l’appelle Scie tournante ou circulaire composée: elle a trente pieds de circonférence, et au moyen d’une quantité suffisante d’eau, elle fait cinq cents révolutions en une minute. Elle coupe les plançons et autres pièces de bois, de quelque épaisseur, largeur ou longueur qu’ils soient, en une ligne droite, et donne une espèce de poli à la surface des planches ou des madriers. On dit qu’avec quatre fois moins d’eau, elle peut couper trois ou quatre fois plus de bois qu’un moulin à scie ordinaire, et qu’elle coupe par le milieu le plus gros plançon avec autant de facilité qu’elle en enlèverait une simple dosse. Au lieu de déchirer le bois, comme la scie ordinaire, elle lui donne presque autant de poli que la varlope du menuisier.

NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES.

Le Comité en faveur des Grecs a arrêté qu’il ferait traduire à ses frais, en italien, en anglais, en allemand et en grec moderne, l’éloquent écrit de M. de Chateaubriand sur la régénération de la Grèce.

Les frères Baudoin font paraître une traduction de l’Enquête faite par ordre du parlement d’Angleterre, pour constater les progrès de l’industrie en France et dans les autres pays du continent, (1 vol. in-8vo.) Cette enquête contient un grand nombre de faits nouveaux et de renseignemens précieux. La Chambre de Commerce de Paris a donné son approbation à cette publication intéressante.

On vient de publier, à Paris, le premier numéro de la Revue Britannique. Les éditeurs se proposent d’y donner périodiquement la traduction des articles les plus remarquables insérés dans les divers recueils qui paraissent dans la Grande-Bretagne, sous le titre de Magazins, Revues, &c.

On vient de publier un recueil de cent vingt-une pièces inédites de Jean Jacques Rousseau, suivies de nouveaux documens sur la personne et les ouvrages de cet homme célèbre, par M. Musset-Pathay.

Le Nouvel Atlas géographique, statistique, historique et commercial de la France, par MM. Perrot et Aupick, est un des ouvrages qui présentent le plus d’utilité et méritent le plus d’encouragement. Cet ouvrage se composera de 100 cartes, comprenant la Gaule, la France ancienne, St. Domingue et les colonies françaises. Il en a déjà paru 62.

Il vient de paraître une seconde livraison de la Bibliomappe, ou du Livre-cartes; leçons méthodiques de géographie et de chronologie. Les auteurs, en faisant la description des lieux habités par chaque peuple, se proposent de rendre compte des époques de son origine, ainsi que des catastrophes qui ont modifié son existence, ou qui l’ont anéantie. Ils ont promis de présenter dans le même cadre la géographie de tous les âges, en passant des plus grandes généralités aux plus petits détails, au moyen de cartes d’un usage commode, où chaque objet serait, pour ainsi dire, montré au doigt.

Le libraire Sautelet vient de publier le Résumé de l’histoire de la Littérature française, lequel sera suivi successivement du résumé de toutes les littératures.

Les amateurs des beaux vers attendaient avec impatience la publication d’un poëme de M. Ancelot, intitulé Marie de Brabant, qui devait paraître à la fin d’Août. On dit que cette production est d’un genre neuf et piquant. On n’attendait pas avec moins d’impatience le grand poëme épique de M. Perceval-Grandmaison, qui était également sous presse.

Les parisiens, dit un journal français, qui dernièrement admiraient, peut-être sur parole, l’esprit de l’ambassadeur tunisien, seront charmés d’apprendre que Sidy-Mahmoud, étudiait en observateur les mœurs françaises, et entretenait une correspondance avec son ami Hussan. Cette correspondance curieuse est parvenue toute traduite au libraire-éditeur Ladvocat, qui vient de la publier en un joli volume. Les lettres de Sidy-Mahmoud sont une relation piquante des évènemens qui se sont passés en France, pendant le séjour de cet illustre personnage. Il juge en critique nos autorités et nos institutions, avec une franchise un peu barbaresque. Il se permet même quelques plaisanteries sur la toilette de nos dames. La publication de ces lettres pourra bien faire tort à la courtoisie de Sidy-Mahmoud, mais on sera forcé d’avouer que ce barbare est un homme de beaucoup d’esprit.

Pendant le dernier trimestre, il est sorti des presses américaines cent trente-six ouvrages originaux, (y compris les brochures,) et cinquante ouvrages réimprimés; de sorte que le nombre total des nouvelles publications, durant les trois mois, s’élève à cent quatre-vingt-six.

LA VÉRITÉ.
(Article communiqué.)

Mais qu’est-ce que c’est donc que cette vérité qu’on nous dit se retirer au fond d’un puits pour se receler à l’homme? Quoi! La vérité se cacher de l’homme, tandis que loin de là, à tout instant et dans toutes les occasions, pour me servir d’une expression triviale, elle nous saute aux yeux; elle se montre à nous sous toutes les formes, elle attaque toutes nos perceptions, et semble nous inviter de la saisir. Elle se soustraire à l’homme! elle qui le suit, le poursuit même partout. Non! c’est l’homme au contraire qui la rejette, qui semble la mépriser et la fuir, pour s’attacher à l’erreur. Cette espèce de répugnance de l’homme pour la vérité ne peut-être fondée que sur ce que cette fille céleste est trop simple de sa nature pour souffrir des ornemens étrangers; la moindre parure semble la blesser en la déguisant; elle n’offre donc aucun champ aux élans de l’imagination, elle ne prête rien à cet esprit d’inquisition naturel à l’homme; tout en elle est clair, positif, absolu, rien de vague, d’indéterminé. L’erreur au contraire présente aux facultés de l’homme un vaste théâtre sur lequel elles peuvent se produire avec éclat. N’osant se montrer dans sa difformité naturelle, il lui faut des ornemens pour la cacher. La nature entière est mise à contribution pour fournir ces ornemens, et lorsque cette source est épuisée, le génie créateur a recours à la fiction pour en augmenter la richesse et l’éclat. L’homme se plaît à exercer son ingénuité à la dissecter, à la recomposer à sa guise; il la tourne en tout sens, en un mot il en fait ce qu’il veut, et après l’avoir ainsi déguisée et modelée à son goût, il finit par placer cette idole de sa création sur le piedestal de la vérité qu’il en a chassée, et par lui rendre l’hommage qui n’est dû qu’à cette dernière. Si celle-ci se présente pour revendiquer ses droits, elle est tout aussitôt environnée et repoussée par les nombreux satellites de l’imposteur. Les préjugés, les opinions, les passions l’assaillent de toutes parts, et il n’est pas même jusqu’à ces misérables enfans du jour, la mode et la vogue, qui ne se montrent acharnés après elle. Que peut donc faire la vérité contre tant d’ennemis? Gémir et se soustraire à l’ingratitude de l’homme, dont elle voulait faire le bonheur.

TRAIT D’UN JEUNE ESKIMAUX.

En 1796, est-il dit dans les Beautés de l’Histoire d’Amérique un gentilhomme français[1] qui habitait le Canada, pénétra dans le Labrador, et dans ces régions incultes qui sont arrosées par la baie à laquelle le pilote Hudson a donné son nom. Il visita les huttes de quelques cantons peuplés par les Eskimaux; resta quelques jours au milieu d’eux, et s’en fit aimer par sa douceur et sa complaisance. Il fit à ces sauvages de telles peintures du bonheur qu’on trouve chez les nations civilisées, qu’il parvint à émouvoir l’imagination froide d’un jeune Eskimaux. Il se nommait Kéraboa. Il abandonne sa hutte, ses filets, son canot d’écorce et la Kéralite qui partageait ses travaux, et suivait sa course errante dans les forêts, et suit le gentilhomme français à Québec, ville capitale du Canada. A la vue d’une grande ville, régulièrement bâtie, des pompeux édifices, et de tous les prodiges de l’art des Européens, il est d’abord frappé d’étonnement et d’admiration. Le luxe des maisons et des repas, la nouveauté d’une foule d’objets dont il ne soupçonnait pas l’existence, et dont il n’aurait pas même soupçonné la possibilité, ravissaient son esprit et entretenaient sa surprise. Mais déjà ces objets ne sont plus nouveaux pour lui: cette vie molle des riches, cet esclavage des pauvres, cette bassesse et cette corruption de tous, maintenant frappent, tous seuls, ses regards. Il redemande ses rivières poissonneuses, ses monts glacés, l’indépendance de sa vie errante. Il court, il s’agite, il gravit les montagnes les plus escarpées: là, pendant toute la journée, ses regards se fixent vers les pays où il a laissé ses frères trop heureux, sa compagne, qu’il ne reverra plus, ses lacs, son océan sur lesquels il s’élançait dans un frêle canot, malgré les tempêtes. La nuit, il va s’étendre tristement au bord d’une rivière glacée, qui lui présente du moins quelque image de sa patrie. Il verse des larmes amères; ses soupirs et ses plaintes troublent le silence des ténèbres, et le sommeil s’enfuit loin de ses yeux creusés par la douleur. Enfin, il devient la victime de son désespoir: une funeste langueur dessèche ses viscères, et va tarir, dans son cœur, les sources de la vie. Encore, si son corps eût pu être arrosé des larmes de ses parens et de ses amis! Si la terre paternelle eût pu recevoir ses os! Mais l’infortuné Kéraboa ne put, même en mourant, se promettre cette triste consolation et cette cruelle idée, qu’il allait dormir à jamais sous un ciel étranger et dans une terre qu’il détestait, empoisonna ses derniers momens.


D’après ce que nous avons entendu dire, le gentilhomme dont il s’agit ici, était un Canadien, et non un Français natif de France.

POÉSIE.

La poésie, fille du ciel, est, non-seulement une enchanteresse dans le cours de nos prospérités, elle est encore une consolatrice dans nos malheurs, et nous récompense alors de l’avoir cultivée quand nous étions plus heureux. Elle dédommageait Homere, Milton et Delisle d’avoir perdu la vue. Ces illustres aveugles, quand la lyre s’animait sous leurs doigts, croyaient voir encore les beautés de la nature dont ils avaient conservé le souvenir. Eclairés par le flambeau de la poésie, ils recouvraient, pour ainsi dire, la lumière, et devenaient les peintres des objets que l’imagination pouvait seule leur retracer. Un de nos plus savants et de nos plus habiles enfans d’Esculape, (il y a parenté avec Apollon,) le docteur Blancheton, vient d’être frappé, au grand regret de ses cliens et de ses amis, d’une cécité qui, nous l’espérons, ne sera que passagère. Doué de toutes les qualités du cœur et de l’esprit, ami passionné de l’humanité, profond dans la science qu’il professait, il tempérait l’austérité des études sévères par un goût ardent pour les lettres et les arts, auxquels il se livrait dans tous les instans qui n’étaient pas reclamés par l’exercice de son ministère, ou par la bienfaisance. Privé par l’absence, nous aimons à ne pas dire par la perte de la vue, de suivre le cours de ses travaux utiles ou agréables, il a trouvé dans la poésie, dont la culture n’exige point la lumière des yeux, de douces consolations. Ce n’est pas sans attendrissement que nous avons lu les vers touchants qu’il a composés sur son malheur. Nous les transmettons à nos lecteurs, persuadés qu’ils partageront l’intérêt qu’ils nous ont inspiré, et qu’ils penseront que celui qui chante avec autant de grâce et de sentiment la perte de la clarté, était digne de ne pas la perdre, et mérite de la recouvrer.

Journal Français.

Doux prestige des sens, déité mensongère,

Accours, illusion! ta lueur passagère,

Comme ces feux légers errans sur les tombeaux,

Offre à mes yeux éteints de magiques tableaux.

Fais luire à ma pensée une riante image,

Ainsi qu’on voit l’éclair briller pendant l’orage:

Dans ce dédale obscur ou s’égarent mes pas,

Et dont la sombre horreur est égale au trépas,

Viens charmer, s’il se peut, ma pénible carrière,

Et du sein de la nuit fais jaillir la lumière.

Que j’admire aux reflets de ton pâle flambeau,

Les prodiges de l’art, le sublime et le beau;

De la grande cité les jardins, les portiques;

Et ces temples rivaux des monumens antiques;

Ces palais somptueux, la demeure des rois,

Où Charles règne en père et protège nos lois.

Tu m’apparais aussi, séduisante peinture!

Je me plais à tes jeux, montre-moi la nature,

Tantôt simple et naïve, à l’air timide et doux,

Tantôt noble ou terrible, exhalant son courroux.

Ta sœur, l’illusion, est celle que j’implore,

Prête-lui tes pinceaux, et je peux vivre encore;

J’oublîrai tous mes maux. Eh! que sont mes revers

Près des solemnités de l’immense univers?

Cet océan d’azur où se meuvent les mondes,

Ces vastes continens et l’empire des ondes,

Et la zône brulante, et ces tristes climats

Où le sol est couché sous d’éternels frimats;

Et les sites heureux, où puisant son délire,

Virgile s’ennivrait aux accords de sa lyre;

Ces monts toujours glacés et leur sommets blanchis,

Où tous les feux du jour sont en vain réfléchis;

La majesté du fleuve, et les eaux vagabondes

Du torrent qui bondit dans les gorges profondes;

Le pâtre et son troupeau, les tours du vieux manoir,

Et la cloche qui tinte, et la brise du soir,

Et la palme dorée où l’épi se balance,

M’apparaissent encor dans l’ombre du silence.

Filles du souvenir, ce sont là vos bienfaits!

Il en est de plus doux, et toujours plein d’attraits:

Ah! déchirez ce voile et ces épais nuages,

Paraissez, montrez-vous, ravissantes images!

Restez, ne fuyez pas.... Je rêve le bonheur,

Je revois des amis pleurant sur mon malheur,

Mes enfans, mon Adèle, ô mon bien, ô ma vie!

Je vous contemple encore, et mon âme est ravie.

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SONNET.

C’est du sublime bien outré, dit Bouhours, pour les sentimens et pour les pensées, que le Sonnet suivant, de je ne sais quel poëte, fort philosophe, et apparemment gascon, du moins dans son stile.

Je me ris des honneurs que tout le monde envie,

Je méprise des grands le plus charmant accueil,

J’évite les palais comme on fait un écueil,

Où pour un de sauvé, mille perdent la vie.

 

Je fuis la cour des grands autant qu’elle est suivie;

Le Louvre me paraît un superbe cercueil;

La pompe qui le suit une pompe de deuil,

Où chacun doit pleurer sa liberté ravie.

 

Loin de ce grand écueil, loin de ce grand tombeau,

Je renferme en moi-même un empire plus beau.

Rois, cours, honneurs, palais, tout est en ma puissance.

 

Pouvant ce que je veux, voulant ce que je puis,

Et vivant sous les loix de mon indépendance:

Enfin les rois sont rois, je suis ce que je suis.

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STANCES.

 

Dans un charmant désert où les jeunes Zéphirs

Content mille douceurs à leur divine Flore,

    Je forme d’innocens désirs,

En songeant au berger que j’aime et qui m’adore;

    Et je rêve à tous les plaisirs

Que, s’il étoit ici, je goûterais encore.

Hélas! cent fois la nuit; hélas! cent fois le jour,

Je m’imagine voir dans ce bois solitaire

    Daphnis prêt d’expirer d’amour,

Me dire en soupirant: L’astre qui nous éclaire

    Ne voit rien quand il fait son tour,

Qu’on doive préférer au bonheur de vous plaire.

———————

EGLOGUE A M. D’AUFRIDET.

 

Daphnis, le beau Daphnis, l’honneur de ces hameaux,

    Qui, dans la tranquille Ausonie,

    De Pan conduisait les troupeaux,

Accablé sur ces bords d’une peine infinie,

Négligeait ses moutons, brisait ses chalumeaux;

Ses charmes n’avaient plus leur éclat ordinaire:

L’enjoué Lisidor dont le doux entretien

    Si souvent avait su lui plaire,

Conduit par le hasard dans ce lieu solitaire,

    Ne l’eût pas connu sans son chien.

———————

GASCONADE.

 

    Mogrebleu du fat qui t’a fait,

    Vaine pyramide d’Hoschstedt!

    Ah! si pour pareille vétille,

  Chaque bataille, assaut, prise de ville,

    Louis, ce héros si parfait,

    Avoit fait dresser une pile,

Le pays ennemi, serait un jeu de quille.

———————

A L’AMITIÉ.

 

(Du Régistre de l’Amérique Britannique, 1813.)

 

Respectable amitié, vrai trésor de la vie,

    Qui plus solide que l’amour,

    Et dans ta marche plus unie,

    Ne connais ni fard, ni détour,

Toi, que l’estime forme, et le tems fortifie,

    Toi, dont les liens pleins d’attraits,

Tissus par la vertu, ne se rompent jamais,

Je gémis de te voir négligée, avilie.

Indifférens pour toi, les aveugles mortels,

Laissent périr ton culte, et tomber tes autels.

L’amour, l’ambition, l’intérêt, la vengeance,

    Toutes les passions enfin

    Qui maîtrisent le cœur humain,

Voilà, voilà les Dieux qu’aujourd’hui l’on encense.

Tu règnes seulement sur quelques sectateurs,

Amis du bon vieux tems, anciens par les mœurs,

De candeur, de droiture infructueux modèles,

Bien plus rares encor que les amans fidèles.

    Et de ce nombre sont deux cœurs

Qu’anime ton esprit, qu’enivrent tes douceurs,

    Et le nom d’un couple si tendre,

    S—— y peut te l’apprendre.

———————

LE BAIGNEUR.

 

  Gillot, bossu par devant, par derrière,

  Et goguenard, car tous bossus le sont,

  Pour se baigner, au bord de la rivière

  Mit ses habits, comme tant d’autres font.

  Lors un espiègle à les voler fut prompt:

  Mais quand Gillot eut fait son tripotage,

  Et décrassé son sale parchemin,

  Il regagna l’infidèle rivage,

  Bien rafraîchi, mais nud comme la main.

  Lors, de plus près avisant son dommage,

  Il le supporte en Empereur Romain.

  De souhaiter que le diable t’emporte,

  Maudit larron de mon seul vêtement,

  Serait, dit-il, vengeance un peu trop forte

  Pour un tel cas; je voudrais seulement,

  Pour te punir du moins, vaille que vaille,

  Que cet habit, acquis furtivement,

  Pût te servir et fût juste à ta taille.

PHÉNOMÈNE ET CALAMITÉ.

Nam sæpe incautis pastoribus excidit ignis,

Qui furtim pingui primùm sub cortice tectus

Robora comprendit, frondesque elapsus ad altas,

Ingentem cœlo sonitum dedit: inde secutus

Per ramos victor, perque alta cacumina regnat,

Et totum involvit flammis nemus, et ruit atram

Ad cœlum piceâ crassus caligine nubem;

Præsertim si tempestas à vertice sylvis

Procubuit, glomeratque ferens incendia ventus.

Virgil. Geor. lib. II.

“Il arrive quelquefois qu’un berger imprudent, un bucheron, un chasseur, met le feu dans les bois. Ce feu n’est d’abord qu’une légère étincelle qui court dans les feuilles sèches, ou se glisse sous l’écorce des arbres résineux; mais bientôt c’est un incendie qui embrase le tronc, monte au sommet des arbres, s’étend par toutes les branches, et en consume les feuilles et les rameaux: les flammes se répandent par toute la forêt et forment un vaste embrasement, qui obscurcit l’air au loin d’une épaisse fumée, surtout si le vent est haut et impétueux.”

Les effets sont les mêmes, ou sont plus terribles encore par leur étendue, si le feu prend spontanément aux bois secs et aux terres arrides, comme il arrive aussi quelquefois, dit-on, à la suite d’une longue sécheresse, et d’un long cours de jours d’une chaleur extrême, et comme il paraît qu’il est arrivé en effet, cette automne, en plusieurs endroits des provinces du Canada, de l’Acadie, et du nord des Etats-Unis. Pendant plusieurs jours, l’atmosphère a été chargée, presque continuellement, d’une fumée épaisse, désagréable à l’odorat et nuisible aux yeux et à la poitrine, qui pénétrait dans l’intérieur des maisons, même lorsque toutes les ouvertures en étaient fermées, et ne permettait de voir dehors, en plein midi, qu’à quelques pas autour de soi. C’est surtout le Dimanche, 9 d’Octobre dernier, que la fumée a été la plus épaisse, et l’obscurité la plus intense. On a attribué d’abord cette épaisse fumée à des feux qu’il y a eu, en quelques endroits, dans les bois, et, dit-on, aussi dans les terres, au sud et au nord de l’île de Montréal, et dans le district de Québec; mais la cause, du moins la principale, venait de plus loin et d’incendies beaucoup plus considérables et plus désastreux, comme il paraît par les documens qui suivent.

Boston, 9 Octobre 1825.—Il n’est arrivé aucun bâtiment aujourd’hui, que nous sachions. Depuis Vendredi soir, le vent souffle du nord-est, amenant avec lui une épaisse fumée, qui incommode beaucoup l’odorat et la vue.”

Frédericton, 9 Octobre 1825. Vous aurez sans doute eu nouvelle de l’incendie affreux qui a eu lieu ici, Vendredi dernier, et qui a consumé, dans l’espace d’environ trois heures, de 40 à 50 maisons, dont j’évalue la perte entre £60,000 et £80,000. La scène était au-delà de toute description. Le progrès des flammes fut si rapide que beaucoup de personnes eurent à peine le tems de sortir de leurs maisons sans rien emporter. Le vent soufflait avec tant de force que toutes les maisons brûlées étaient en feu 30 minutes après que l’incendie eût éclaté.

Le 10 Octobre.—Un incendie alarmant a menacé de détruire toute la ville. Le feu n’a pas laissé une maison debout à la vue de la nôtre, excepté du côté d’en haut. C’est Vendredi dernier que l’incendie a eu lieu dans la ville; mais l’alarme causée par un embrasement épouvantable dans les bois tout à l’entour, a été telle que personne n’a osé déballer ses effets. Nous ne voyons de nos fenêtres qu’une affreuse solitude, et la fumée des bois adjacents enveloppe la ville dans une obscurité presque totale.”

Miramichi, 11 Octobre 1825.—Dans la nuit du 7 au 8 courant, cette place a présenté une des scènes les plus épouvantables qu’un embrasement général puisse produire.

“Depuis deux jours, la chaleur était si intense, qu’on ne pouvait douter qu’il n’y eût un grand embrasement quelque part dans les bois, et le 7, aux approches de la nuit, commença la dévastation.

“Le vent soufflait avec violence du nord-ouest, et amenait de Douglastown, de Newcastle, et du pays environnant, des nuées immenses de flammes et de cendres, qui rendaient extrêmement difficile de respirer ou de garder aucune position. L’aspect des cieux était affreux: aussi loin que l’œil pouvait pénétrer, on ne voyait qu’une masse continue de flammes, dont l’effet devenait encore plus terrible par le rugissement du feu qui se répandait dans toutes les directions, le vent soufflant avec tant de violence qu’il faisait résonner l’air avec un bruit semblable à de celui d’un tonnerre sans interruption.

“Parmi les vaisseaux qui se trouvaient dans la rivière, plusieurs se sont échoués. Deux navires, la Concorde et le Canada et le brick la Jane, ont été consumés; le feu s’était communiqué à d’autres, mais on est heureusement venu à bout de l’éteindre.

“A Douglastown, il n’y a presque aucune espèce de propriétés qui ait échappé aux ravages du feu. Les établissemens étendus de MM. Gilmorre, Rankin et compagnie, ceux de MM. William Abrams et compagnie, avec un vaisseau qu’ils avaient sur le chantier, et toutes les propriétés d’un grande nombre d’autres personnes, ont été entièrement consumées. A peine les infortunés habitans ont-ils eu le tems de gagner le rivage, et de s’emparer des chaloupes, canots, trains de bois, pièces détachées, ou autres choses qu’ils ont trouvées à leur disposition, pour tâcher d’échapper à l’élément qui les poursuivait, et de gagner le village de Chatham. Il a péri nombre d’hommes, de femmes et d’enfans dans cette tentative.

“Le village de Newcastle, avec tous les établissemens d’alentour, est devenu presque une solitude. Il n’y est resté que quatorze bâtimens sur pied: parmi ceux qui ont été réduits en cendres sont le palais de justice, l’église, les casernes et la prison.—Jusqu’à la distance de plusieurs milles dans l’intérieur, où les établissemens de commerce, d’agriculture et de préparation des bois étaient nombreux et considérables, tout a été ravagé et désolé.

“Vu la grandeur de l’embasement et la violence épouvantable des vents, il est impossible de se former une idée exacte de la perte en hommes et en propriétés.

“Tous les établissemens, depuis l’entrée de la rivière jusqu’à son extrémité supérieure, présentent à l’œil les tristes effets de cette calamité, surtout ceux de la branche nord-ouest, du Ballibog et du Nappan, dans quelques uns desquels à peine a-t-il été laissé une habitation. Les individus qui ont péri sont innombrables; les rivages à chaque changement de vent, présentent d’horribles spectacles de noyés et de brûlés.

“Dans quelques parties du pays, les animaux ont tous été détruits, ou ont beaucoup souffert; le sol même a été brûlé en plusieurs endroits; et il n’a presque pas été sauvé de vivres, soit à Douglastown ou à Newcastle, où presque tous les établissemens de commerce considérables ont été ruinés.

“Par la violence de l’ouragan, de grandes masses de bois en feu, des arbres déracinés, et des parties de maisons et de magasins en flammes, ont été portés dans les rivières avec une étonnante vélocité, en si grand nombre et avec un tel effet sur l’eau, que des quantités considérables de saumons et d’autres poissons se sont jetés à terre: il en a été vu des centaines sur les rives des branches nord-ouest et sud-ouest.

“Chatham contient en ce moment environ trois cents des malheureux incendiés qui s’y sont réfugiés et qui y reçoivent quelques secours, et il en arrive presque à toute heure de la journée des établissemens de derrière, brûlés, blessés, ou dans le plus grand dénuement. On dit qu’il a déjà été trouvé près de deux cents corps.

“C’est un spectacle déchirant de voir tant de veuves, de veufs et d’orphelins, sans vêtemens, sans habitations et sans moyens de subsistance. Il est encore impossible de dire combien de centaines ont été ajoutées aux morts, ou n’ont survécu que pour apprendre qu’un père, qu’un mère, qu’une sœur ou qu’un frère a été dévoré par les flammes, ou a péri dans les flots. Non-seulement il y avait, dans les établissemens reculés, un grand nombre de familles dont on n’a pas encore eu de nouvelles, mais il y avait, dans l’intérieur des bois, des partis nombreux d’ouvriers sur le sort desquels on a les plus vives inquiétudes.”

Saint Jean, 13 Octobre 1825.—L’incendie qui a eu lieu a Frédericton, Vendredi dernier, a consumé pour £35,000 de propriétés privées, et presque tous les édifices publics.

“Outre cette calamité au siége du gouvernement, nous apprenons qu’il y a eu un embrasement terrible dans les forêts autour de Frédericton et dans les établissemens de New-Ireland et New-Jerusalem. A l’Oramacto, les moulins et plusieurs maisons ont été brûlés. Des incendies alarmans répandent aussi la dévastation à Miramichi, où il a été brûlé trente maisons, et nous sommes informés que le feu couvre une étendue de près de vingt milles sur le chemin de Saint-André.”

RÉGITRE PROVINCIAL.

Mariés.—A Québec, le 4 d’Octobre dernier, le Dr. J. F. Séguin, à Demoiselle Luce Trudel.

En cette ville, le 8, le Dr. George Rankin, à Demoiselle Lucie Lusignan.

Le 11, Mr. Aléxis Ricard, Marchand, à Demoiselle Emilie Elmire Lafricain.

A Nicolet, le 17, L. J. B. Beaubien, Ecuyer, à Demoiselle Marie J. Cressé, fille ainée de feu P. M. Cressé, Ecuyer.

A Québec, le 25, Frs. Romain, fils, Ecuyer, Avocat, à Demoiselle Luce Larue, fille cadette de J. B. Larue, Ecuyer.


Décédés.—En cette ville, le 6 d’Octobre dernier, Mr. Joseph Clément Herse, Lieutenant de Milice, âgé de 41 ans.

Le 8, Madame Marianne Bois, Epouse de Mr. Charles Derome, âgée de 69 ans.

Le 21, Mr. Antoine Piquet dit L’Heureux, âgé de 44 ans.

Le même jour, à St. Jacques, le Dr. M. S. Parker, âgé de 41 ans.

Subitement, en cette ville, le 23, Madame Magdeleine Treschemin, Veuve de feu Mr. J. M. Noro, âgée de 75 ans.


Bureau du Secrétaire Provincial, 5 Octobre.—Il a plu à son Excellence le Gouverneur en Chef, nommer,

MM. Etienne Drolet, Patrick Buckley, et Francis Murray, Médecins et Chirurgiens;

MM. Charles Edouard Remy, et Jean Baptiste Lukin, Notaires Publics.

27 Octobre.—Il a plu à son Excellence le Gouverneur en Chef, nommer,

Joseph Lagueux, Ecuyer, Avocat et Procureur;

Mr. Joseph Isaïe Boudrault, Notaire Public.

TRANSCRIBER NOTES

Mis-spelled words and printer errors have been corrected or standardised. Where multiple spellings occur, majority use has been employed.

Inconsistency in hyphenation has been retained.

Inconsistency in accents has been corrected or standardised.

Space between paragraphs varied greatly. The thought-breaks which have been inserted attempt to agree with the larger paragraph spacing, but it is quite possible that this was simply the methodology used by the typesetter, and that there should be no thought-breaks.

[The end of La bibliothèque canadienne, Tome I, Numero 6, Novembre, 1825. edited by Michel Bibaud]